Aide en Philo

Pourquoi la philosophie juge-t-elle primordial de réfléchir sur le langage ?

Extrait du document

« Termes du sujet: LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.

2) Tout système de signes, tout système signifiant, toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).

Le langage désigne aussi la totalité des langues humaines. PHILOSOPHIE La philosophie, selon Pythagore, auquel remonte le mot, ce n'est pas la sophia elle-même, science et sagesse à la fois, c'est seulement le désir, la recherche, l'amour (philo) de cette sophia.

Seul le fanatique ou l'ignorance se veut propriétaire d'une certitude.

Le philosophe est seulement le pèlerin d e la vérité.

Aujourd'hui, où la science constitue tout notre savoir et la technique, tout notre pouvoir, la philosophie apparaît comme une discipline réflexive.

A partir du savoir scientifique, la visée philosophique se révèle comme réflexion critique sur les fondements de ce savoir.

A partir du pouvoir technique, la sagesse, au sens moderne se présente comme une réflexion critique sur les conditions de ce pouvoir. Le sujet postule que la philosophie accorde un rôle primordial au langage.

Pour étayer cette thèse, il existe une série d'arguments : il n'existe pas d e pensée infra-linguistique, pas d e pensées qui prennent forme en dehors d e leur manifestation par le langage.

Pour penser, il faudrait parler et donc la philosophie qui s'occupe de la vie de la pensée devrait avant toute chose examiner les conditions de possibilité de son existence, à savoir le langage.

L'examen du langage dans cette perspective est primordial au sens où il est premier, central et permanent dans la mesure où le langage se confond avec l'exercice de la pensée.

Mais primordial peut avoir un autre sens : peut-être cet examen est-il primordial dans la mesure où il faudrait en premier lieu examiner le langage afin de le distinguer nettement de la pensée vivante ? Faut-il prémunir celle-ci contre celui-là ? Au lieu d'identifier langage et pensée, il est possible de se demander si le langage ne trahit pas la pensée en l'obligeant à emprunter des formes qui lui interdisent de s'exprimer complètement.

Par exemple, lorsque j'ai une pensée, je ne pense pas à moi, il se produit quelque chose en moi, il se produit quelque chose tout court : ça pense.

Et pourtant, pour me faire entendre des autres, je dois dire "je pense", accréditant ainsi l'idée de l'existence d'un "je", d'un moi (Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 1ère partie).

Le langage d'une part contiendrait une métaphysique implicite, et d'autre part il condamnerait à l'expression d e ce qu'il y a d e plus commun et d e moins original dans la pensée, aux mots que tout le monde emprunte de façon grégaire (Leçons de Barthes).

On voit donc nettement une tension se dessiner entre ceux qui jugent primordiale l'étude du langage parce que la philosophie et la pensée sont avant tout des mots, et ceux qui la jugent primordiale pour tenter de défendre la pensée et son originalité des formes attendues et mortes du langage. Doit-on admettre que la philosophie réfléchit sur le langage comme sur n'importe quel autre sujet? ou selon le lieu commun qui voudrait qu'elle aborde tout ce qui, de près ou de loin, concerne l'homme et ses qualités? On constate qu'en fait il n'en va pas — ne serait-ce qu'historiquement — ainsi: dès Platon, la réflexion sur le langage s'affirme fondamentale.

Qu'est-ce qui donne au langage un tel privilège? Dans les dialogues de Platon, nombreux sont les passages où Socrate prend soin de rappeler les conditions du véritable dialogue entre amis: il convient, dit-il notamment, de vérifier périodiquement que les interlocuteurs s'entendent pour donner le même sens à un mot. Il apparaît ainsi que le langage n'a pas seulement le rôle d'assurer ce que l'on nomme en linguistique une «fonction de communication»: en même temps que le message, ce qui s'établit, c'est l'accord entre deux pensées. Si tout philosophe — même en dehors du cadre du dialogue tel que le rédige Platon — a bien pour ambition de s'adresser à un lecteur potentiel, la question surgit immédiatement d e préciser ce qui, dans les mots, produit le sens et rend possible la rencontre d e d e u x esprits sur un même sens. Mais il va de soi que cet accord n'est qu'une condition préalable à la circulation du texte philosophique.

L'ambition de ce dernier est bien de mettre en circulation des significations porteuses de vérité.

Ce qui suppose un double mouvement: — de critique éventuelle des sens communément admis ; — de reconstruction de sens plus rigoureux, qui correspondent à de véritables concepts. .

Et c'est bien à ce double travail que s'adonne Socrate. Mais ainsi contester et reconstruire implique que le langage soit bien à la disposition des hommes, que ses significations ne dépendent, ni d'un héritage impossible à transformer, ni d'une autorité supérieure à l'humanité.

La philosophie, historiquement, peut se mettre en place lorsque le Logos se substitue au Muthos, c'est-à-dire lorsqu'une exigence de compréhension rationnelle remplace la parole admise comme provenant des dieux et, en tant que telle, délivrant un sens extra-rationnel (voir par exemple dans cette optique le début du Poème de Parménide). Le langage philosophique est ainsi traversé par une exigence de rationalité, et il est dès lors normal que soient examinées ses capacités à constituer cette rationalité: la philosophie, pour confirmer s a nature, doit séparer la logique de la rhétorique, reconnaissant dans la première ses exigences mêmes, mais se défiant de la seconde dans la mesure où elle encourage à (trop) bien parler sans se soucier de rigueur ou de vérité (cf.

chez Platon, la critique des Sophistes — philodoxes et non philosophes). Lorsque la philosophie se trouve ainsi dotée d'un Logos, il est également normal qu'elle se préoccupe de l'origine de ses éléments: c'est l'entreprise du Cratyle et la réflexion qui s'y engage sur le rapport entre les mots et les choses.

Doit-on admettre que connaître les mots, c'est déjà connaître, au moins en partie, les choses? Faut-il penser au contraire que les mots ne nous disent rien de la nature des choses elles-mêmes, c'est-à-dire, comme l'affirmera la linguistique moderne, que le rapport entre signifiant et signifié est arbitraire? Cette réflexion sur l'origine resurgit ensuite périodiquement — d'Épicure à Rousseau — et la méfiance de la linguistique, qui n'y trouve qu'une occasion à hypothèses invérifiables, à son égard, ne suffit pas à la faire disparaître, puisqu'elle fait retour dans l'anthropologie contemporaine. C'est parce que la philosophie se méfie de l'opinion qu'elle entreprend donc, dès Socrate, de critiquer l'acception commune des termes: cette acception résulte d'habitudes, de traditions, de données confuses.

Autrement dit, elle ne résulte pas d'un effort de la pensée.

Tout philosophe doit donc réfléchir sur le vocabulaire que lui fournit sa langue, pour y déceler un ensemble de préjugés, de pseudo-notions, qu'il lui appartient de critiquer et d e clarifier.

Mais le langage commun est également envahi d'expressions et d e termes qui furent initialement des concepts philosophiques ! mais qui n'en constituent plus, à moyen et long terme, que des retombées vulgarisées, privées de leur contexte initial.

Il appartient alors au philosophe de faire l'historique du mot banalisé, d'en déceler les sédimentations plus ou moins compatibles, car son rapport au monde passe nécessairement par des mots (ce n'est que par ces derniers que peuvent se formuler les concepts, aussi bien, hélas, que les non-concepts).

Se demander, par exemple, ce qu'est la démocratie, c'est nécessairement passer par l'archéologie du mot lui-même : son histoire, ses acceptions successives, ses contextes philosophiques et théoriques, etc. Puisque la réflexion ne peut s'effectuer que dans le langage, il est nécessaire pour la philosophie de savoir quelles sont les possibilités de ce dernier: ses qualités comme s e s pièges.

Il est possible que la philosophie grecque, trop confiante dans les pouvoirs de la langue grecque elle-même, se soit égarée, comme le lui reprochent certains logiciens du XXe siècle, dans des considérations métaphysiques (la question: Qu'est-ce que l'Être?) ne témoignant que d'une méconnaissance de la nature simplement fonctionnelle du verbe être (copule logique, et non entité métaphysique).

On pourrait alors lui reprocher d'avoir mal réfléchi sur le langage qu'elle utilisait — mais au moins cela donne-t-il à la philosophie analytique anglo-saxonne (Wittgenstein) la chance de re-fonder le travail philosophique sur une approche plus rigoureuse du langage.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles