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Pourquoi est-il si difficile de se connaitre soi-même ?

Extrait du document

« Observation.

— Les raisons de la difficulté qu'il y a à se connaître soi-même peuvent être multiples.

Essayer de classer ces raisons. Position de la question.

La plupart des moralistes ont insisté à la fois sur l'importance de la connaissance de soi et sur ses difficultés.

Mais la psychologie moderne semble avoir fait apparaître encore des difficultés nouvelles.

— Et pourtant, la constatation de ces difficultés a quelque chose de paradoxal.

Avant Freud, on pouvait encore écrire que « nous sommes incessamment informés de ce qui se passe au-dedans de nous ».

Notre vie intime ne nous est-elle pas en effet directement connue par la conscience? Mais, lors même que cela serait vrai — et c'est sur ce point, nous le verrons, que la psychologie nous invite à faire de sérieuses réserves — cette « saisie » intuitive de nos états intérieurs par la conscience est-elle une véritable connaissance? 1.

Sujet et objet. Les conditions de la connaissance de soi sont en effet toutes spéciales. A.

— Une telle connaissance exigerait une attitude réflexive, un retour de la conscience sur elle-même, qui est bien éloignée de son attitude naturelle, spontanée, généralement tournée vers l'action extérieure, vers les objets.

Mais les introvertis qui sont « plongés dans leur vie intérieure », ne sont ici guère mieux partagés que les extravertis qui se laissent absorber par les choses; car, ainsi que l'a fait observer PIAGET, il y a une certaine manière de « vivre en soi-même » qui « appauvrit l'analyse et la conscience de soi », loin de nous faire prendre conscience de ce que nous sommes réellement. B.

— L'attitude réflexive, qui se rapprocherait déjà quelque peu de l'attitude philosophique, est ici d'autant plus difficile à réaliser que les jugements de valeur se mêlent aux observations; or les moralistes ont souvent signalé la partialité de chaque homme envers luimême.

Nous avons tendance à nous voir, non tel que nous sommes (là, les autres sont parfois plus clairvoyants que nous-mêmes), mais tel que nous voudrions être et surtout peut-être tel que nous voudrions qu'on nous vît.

Loin d'être aussi immédiate qu'on le prétend, la connaissance de soi est souvent faussée par cette image idéalisée de nous-même qui s'interpose entre la conscience et la représentation : tel qui est coléreux et brutal, se voit doux et affable, tel qui manque de volonté, s'imagine très énergique, etc. C.

— Contrairement à ce qui a lieu dans l'observation extérieure, ici sujet observant et objet observé se confondent.

Il en résulte que cette image idéalisée de nous-même réagit à son tour sur ce que nous sommes, et l'attention à soi finit par modifier quelque peu (mais de façon combien précaire, le plus souvent!) celui qui s'observe.

Qui dira jamais dans quelle mesure nous sommes ou nous ne sommes pas ce que nous nous imaginons être? Mais le problème se complique encore du fait que le moi apparent ou manifeste n'est pas forcément le moi authentique.

Déjà la psychologie classique avait reconnu l'existence de l'inconscient, et BERGSON avait distingué du « moi superficiel » le « moi fondamental ».

Mais c'est surtout la Psychanalyse qui nous a ouvert des perspectives nouvelles sur le moi dit « profond ».

On sait que, selon FREUD, le moi inconscient ou le ça, formé des «instincts» fondamentaux, a constitué, dans l'origine, notre personnalité tout entière.

Mais le moi et surtout le sur-moi qui s'y sont superposés ont refoulé dans l'inconscient ces instincts et les images et sentiments qui les traduisent, et c'est ainsi que se sont formés les complexes qui, bien souvent, nous mènent sans que nous en prenions conscience.

Le fond de notre nature reste ainsi ignoré de nous.

Même dans le rêve, la fonction de censure qui préside au refoulement n'est pas abolie : aussi nos désirs ne s'y réalisent-ils que sous une forme symbolique, de sorte que le « contenu manifeste » du rêve n'est pas équivalent à son « contenu latent ».

— D'où la nécessité : 1° de toute une technique destinée à faire émerger à la conscience les complexes refoulés; 2° d'une interprétation des symboles du rêve.

— Même sans admettre toutes les théories de FREUD, on peut reconnaître avec lui qu'il existe en nous tout un fond obscur d'irrationnel et d'instinctif, qu'il nous est souvent difficile d'atteindre. Conclusion.

On ne peut donc, pour se connaître soi-même, se contenter de la conscience naïve.

Il est nécessaire : 1° d'adopter envers soi-même une attitude de sincérité aussi entière que possible, libérée de cette partialité dont nous avons parlé (et ici, comme il a été dit, les jugements d'autrui peuvent nous éclairer); 2° de percer le revêtement d'illusions et de symboles qui nous voilent le fond de notre individualité — encore qu'il ne faille pas confondre ce « moi profond » avec notre personnalité vraie. Connais-toi toi même Il ne s'agit pas pour Socrate de se livrer à une investigation psychologique, mais d'acquérir la science des valeurs que l'homme porte en lui.

Cette science importe essentiellement — bien avant de connaître la nature ou les dieux.

Comment conduire sa vie pour être heureux ; voilà la question qui hante tous les hommes.

L'opinion, confortée en cela par les sophistes, identifie le bonheur à la jouissance, au pouvoir, à la fortune, à la beauté.

Sans doute tout cela n'est-il pas négligeable, mais ce sont là des biens équivoques qui peuvent nous être utiles, ou nous nuire selon les circonstances, l'usage qui en est fait.

Pour qu'ils deviennent utiles, il faut que nous sachions nous en servir et si l'homme agit toujours en vue de son bien propre, il peut se tromper sur sa définition.

Si nul n'est méchant volontairement, c'est d'abord parce que nul ne veut consciemment se nuire à lui-même et donc ce n'est que par accident que la conduite qu'il adopte peut éventuellement s'avérer mauvaise.

Par accident, non volontairement, il faut entendre par là par ignorance : si je ne connais pas la hiérarchie des biens, je serai nécessairement malheureux.

Par exemple, celui qui consacre son existence à acquérir la richesse, en viendra naturellement à nuire à autrui, donc il s'exposera à la rigueur de la loi ; de plus c'est là un bien qui dépend en large partie du hasard et qui peut échapper à tout instant.

Il est donc inconcevable que sachant tout cela on puisse vouloir agir de la sorte.

C'est la science qui détermine l'action, elle ne peut être vaincue par les passions, seulement par l'ignorance. Le primat donné à la science explique les railleries dont Socrate accable aussi bien les institutions, en particulier le tirage au sort des magistrats, que l'inspiration qui permettrait à certains de bien agir par une sorte d'illumination. Faisant confiance au savoir et pensant que tous les hommes — fut-ce l'esclave — portent en eux le germe de ce savoir, c'est une vision délibérément optimiste que Socrate offre de l'humanité.. »

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