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Pourquoi échangeons nous ?

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« Introduction & problématique: L'échange, c'est la vie : le vivant se définit en partie par son rapport d'échange avec son environnement; c'est même l'ensemble des rapports d'échange qui définissent le « milieu » naturel d'une espèce donnée. Chez l'homme le cycle des échanges a pris une dimension spécialement étendue et a quitté le terrain purement biologique pour prendre sa dimension culturelle, si bien que la question « Pourquoi échangeons-nous? » devient pertinente : s'agit-il dans le fond d'une simple fonction naturelle, ou y réalisons-nous une dimension proprement sociale? Dans une civilisation où les échanges prennent une ampleur inouïe, la question prend un relief particulier car elle devient un enjeu social et politique essentiel. I.

Une nécessité économique. Le fait des échanges semble s'expliquer avant tout par nos conditions d'existence : d e même que le phénomène social remplit une fonction de collaboration en vue d'une survie mieux garantie, de même les échanges semblent être un corollaire de cette collaboration sociale. • Aménager la répartition naturelle des biens. Les échanges sont tout d'abord nécessaires pour organiser une répartition des biens disponibles : dès que les hommes commencent à humaniser l'espace, une circulation des biens devient indispensable car tout ne se trouve pas dans le même lieu. • Spécialisation et division du travail. De même, comme l'analysait déjà Aristote, le processus de spécialisation des tâches et de division du travail rend indispensable la mise en place d'échanges réglés et l'invention de monnaies d'échange.

Dès ce stade, les échanges prennent un caractère conventionnel qui en complique la fonction. • Logique économique et justice. Dès que l'on considère un réseau économique un tant soit peu élaboré, les motivations de l'échange se compliquent et se recouvrent mutuellement : à la nécessité de répartition de biens rares répond l'ambition d'accumulation à des fins de puissance.

On voit ici qu'il ne suffit plus de dire que les hommes échangent entre eux : les échanges sont marqués par des positions de domination ou d'infériorité, par des visées stratégiques ou des revendications de justice.

La pratique des échanges devient alors un domaine dont le lien avec les besoins réels n'est plus direct. II.

Une pratique sociale. Dérivés d'une fonction économique mais informés par la culture, les échanges ont alors, plus ou moins explicitement, une fonction sociale primordiale. • La reconnaissance des consciences. Pourquoi échangeons-nous? En partie pour manifester une reconnaissance mutuelle.

Nous n'échangeons qu'avec d'autres hommes; dans les sociétés à castes, on n'échange qu'avec un individu de m ê m e caste, d e même rang.

L'échange est la marque tangible de la réciprocité, le contraire donc de l'agression. • Sociabilité et rivalité. Et pourtant l'échange peut être un substitut de l'agression.

Les sociologues se sont très tôt intéressés à la pratique indienne du « potlatch » ou guerre des dons : les rivaux se font des cadeaux de plus en plus importants jusqu'à ce que l'un des deux ne puisse plus surenchérir; il a alors perdu la face. • L'échangeable et l'inaliénable. Le cycle des échanges permet également de hiérarchiser les possessions il y a les biens que l'on échange couramment ou qui sont même en propriété collective, il y a ceux qu'on n'échange que de façon exceptionnelle et avec une valeur symbolique forte; il y a ceux enfin qui sont strictement inaliénables. III.

Identité et altérité. On voit donc que nous échangeons à la fois pour vivre et pour manifester une certaine identité.

C'est pourquoi l'évolution très rapide des modalités et de l'échelle des échanges depuis quelques décennies fait d e la question un enjeu polémique important : que doit-on privilégier entre la puissance économique et l'identité sociale? • Libre-échange ou protectionnisme? Le débat n'est pas nouveau et aboutit depuis toujours à une alternance de mouvements d'expansion ou de repli autarcique.

Les échanges doivent-ils être ouverts sur l'extérieur ou fonctionner en circuit fermé? • Mondialisation et identité. L'actualité récente montre bien les risques liés à l'absence de cloisonnement dans les échanges : les problèmes sanitaires ou économiques s'exportent autant que les produits eux-mêmes; la rançon de la nouveauté est la disparition de produits traditionnels qui symbolisaient une certaine identité ...

Le développement des échanges suscite souvent des peurs et des crispations identitaires. • Les risques de l'autarcie. S'il est certain que la dérégulation systématique des échanges entraîne de lourds problèmes, il faut cependant bien réfléchir aux risques de l'autarcie complète : notre identité se construit toujours par l'intégration d'apports extérieurs, dans une relation vivante qui est une relation d'échanges.

Une identité ne peut se construire par la pure absorption passive d'éléments extérieurs, mais en se coupant de tout rapport d'échange elle se voue à la sclérose. Conclusion. La réponse à la question « Pourquoi échangeons-nous ?» est donc plurielle et doit le demeurer afin que les différentes composantes puissent s'équilibrer mutuellement.

Comprendre la raison d'être des échanges dans une seule perspective à laquelle toutes les autres seraient subordonnées, que ce soit celle du profit économique, de la puissance politique ou de l'identité nationale, ne peut que nuire à la qualité des échanges.. »

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