Pourquoi des poètes ?
Extrait du document
«
Le poète a une relation privilégiée et particulière avec le langage : il est en effet celui qui privilégie l'esthétique dans le langage,
reléguant paradoxalement la fonction de communication à un rang secondaire.
Le paradoxe du poète est de faire de la langue en ellemême une fin alors qu'elle n'est dans son usage courant qu'un moyen utilisé à des fins de communication ; le mot a pour lui autant
d'importance que le sens qu'il véhicule, le contenant est au moins aussi important que le contenu, la charpente sonore du mot compte
autant que sa signification.
Sur ce thème, les travaux de Jakobson, dans les Essais de linguistique générale (le chapitre concernant la
poésie) permettent de distinguer les différents concepts techniques du langage.
Un autre thème fondamental peut résider autour de la
notion de métaphore : le poète est celui qui par la métaphore exprime des associations inédites dans le langage courant, et s'attache
donc à contourner les raccourcis programmés du langage pour rendre sa liberté aux associations proscrites qui naissent de
l'imagination.
Ce sujet pose la question du caractère oppressant du langage (lire sur ce thème La volonté de savoir de Michel Foucault
ou encore Langage et mythe d'Ernst Cassirer) qui, strictement ordonné autour d'une grammaire et d'une syntaxe rigides, obéissant à
des impératifs codés de compréhension par tous, finit par contraindre la pensée en l'entraînant sur des voies sûres et balisées.
Avec le
poète, s'esquisse une victoire possible de la pensée sur le langage, puisque celui-ci devient l'allié et le complice de l'imagination, et en
transgressant les modèles préétablis, rend ses droits à l'inouï et au singulier.
Une autre possibilité sera de se demander quelle utilité
peut avoir le poète dans la société, quelle est sa fonction.
Doiton le remettre en question d'un point de vue économique, ou a-t-il une
utilité sociale (préserver l'imaginaire etc.) ?
La fonction émotive ou expressive met
l'accent sur les sentiments ou les émotions de l'émetteur : « Centrée sur le sujet, elle vise à une expression directe de l'attitude du
sujet à l'égard de ce dont on parle.
» (R.
Jakobson, Essais de linguistique générale, Seuil, p.
214).
On note l'importance des
interjections, marquées par des points d'exclamation : « Hélas ! je suis arrivé trop tard...
» ou « Super, tu as vu ce ciel bleu ! »
La fonction impressive ou conative met l'accent sur le destinataire.
Le message exprime la volonté d'agir sur lui.
Il s'agit de le
convaincre, de le persuader, de l'émouvoir ou de le commander : « Allez vite ! Dépêche-toi ! » « [Cette fonction] trouve son
expression grammaticale la plus pure dans le vocatif et l'impératif.» [Op.
cit., p.
216).
Le vocatif, dans les langues à déclinaisons
comme le latin, est le cas employé pour s'adresser directement à quelqu'un, ou à quelque chose.
En français, il est indiqué parfois par
le «ô» : «ô jeunes gens ! quelle leçon ! Marchons avec candeur dans le sentier de la vertu ! » (Beaumarchais, La Mère coupable, V, 7).
La fonction référentielle prédomine lorsque la situation ou la réalité désignée par le message est l'élément essentiel de l'acte de
communication.
Ainsi, lorsque je dis : « le train est en retard », je me contente de transmettre une information sur une situation.
C'est
cette information qui est au coeur de mon message.
Le reste passe au second plan.
La fonction phatique consiste à mettre l'accent sur le canal de la communication, sur l'établissement matériel du contact de la
communication.
Il s'agit de s'assurer que le message est bien reçu, que la communication n'a pas été interrompue.
Cette fonction
s'exprime par des interjections, par des expressions sans contenu précis : «Allô», «heu», «hein».
« Il y a des messages qui servent
essentiellement à vérifier si le circuit fonctionne [«Allô, vous m'entendez?»), à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à s'assurer qu'elle
ne se relâche pas («Dites, vous m'écoutez?» ou en style shakespearien : « Prêtez-moi l'oreille ! » - et à l'autre bout du fil : « hm hm
!») [Op.
cit., p.
219).
La fonction métalinguistique est cette capacité du langage à se questionner lui-même.
« Chaque fois que le destinateur et/ou le
destinataire jugent nécessaire de vérifier s'ils utilisent bien le même code, le discours est centré sur le code : il remplit une fonction
métalinguistique (ou de glose).
«Je ne vous suis pas - que voulez-vous dire?» demande l'auditeur, ou, dans un style plus relevé : «
Qu'est-ce à dire ? » Et le locuteur par anticipation s'enquiert : « Comprenez-vous ce que je veux dire ?» [Op.
cit., p.
217-218)
La fonction poétique intervient lorsque la valeur rythmique, sonore ou visuelle du message (la face signifiante) devient aussi
importante, voire plus importante que le contenu du message (la face signifiée) : « Quel pur travail de fins éclairs consume / Maint
diamant d'imperceptible écume.
» (Paul Valéry).
Elle n'est pas à l'oeuvre seulement en poésie, mais aussi dans les slogans
publicitaires, dans les jeux de mots et les tournures populaires : par exemple, le slogan d'une chaîne de supermarchés « Atac attaque
les prix.
».
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Les romantiques voyaient dans l'affectivité le facteur essentiel du travail créateur. Pourtant, Diderot nous dit : « Les grands poètes, les grands acteurs, et peut-être en général tous les grands imitateurs de la nature sont les êtres les moins sensibles
- Commentez cette affirmation de Guillaume Apollinaire dans « L'Esprit Nouveau et les Poètes » en vous référant aux textes de la poésie contemporaine que vous connaissez : « C'est par la surprise, par la place importante qu'il fait à la surprise, que l'esp
- Expliquer et discuter ce jugement de Barbey d'Aurevilly sur La Fontaine : « Il y a eu des conteurs et des poètes avant et depuis La Fontaine. Mais il n'y en a jamais eu ayant joint, dans une fusion de cette harmonie, à la poésie la plus divine une bonhom