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Platon: Sommes-nous justes uniquement par contrainte ?

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Glaucon a raconté à Socrate l'histoire légendaire de Gygès, berger qui découvrit un anneau capable de le rendre invisible. S'étant aperçu du pouvoir de cet anneau, Gygès en a profité pour commettre les actes les plus criminels en toute impunité comme, en particulier, tuer le roi pour s'emparer de son trône. GLAUCON : Supposons maintenant deux anneaux comme celui- là, mettons l'un au doigt du juste, l'autre au doigt de l'injuste ; selon toute apparence, nous ne trouverons aucun homme d'une trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation de s'emparer du bien d'autrui, alors qu'il pourrait impunément prendre au marché ce qu'il voudrait, entrer dans les maisons pour s'accoupler à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres, en un mot être maître de tout faire comme un dieu parmi les hommes. En cela, rien ne le distinguerait du méchant et ils tendraient tous deux au même but et l'on pourrait voir là une grande preuve qu'on n'est pas juste par choix, mais par contrainte, vu qu'on ne regarde pas la justice comme un bien individuel, puisque partout où l'on croit pouvoir être injuste on ne s'en fait pas faute.

« Sujet 2091 Sommes-nous justes uniquement par contrainte ? "Glaucon a raconté à Socrate l'histoire légendaire de Gygès, berger qui découvrit un anneau capable de le rendre invisible.

S'étant aperçu du pouvoir de cet anneau, Gygès en a profité pour commettre les actes les plus criminels en toute impunité comme, en particulier, tuer le roi pour s'emparer de son trône. GLAUCON : Supposons maintenant deux anneaux comme celui-là, mettons l'un au doigt du juste, l'autre au doigt de l'injuste ; selon toute apparence, nous ne trouverons aucun homme d'une trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation de s'emparer du bien d'autrui, alors qu'il pourrait impunément prendre au marché ce qu'il voudrait, entrer dans les maisons pour s'accoupler à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres, en un mot être maître de tout faire comme un dieu parmi les hommes.

En cela, rien ne le distinguerait du méchant et ils tendraient tous deux au même but et l'on pourrait voir là une grande preuve qu'on n'est pas juste par choix, mais par contrainte, vu qu'on ne regarde pas la justice comme un bien individuel, puisque partout où l'on croit pouvoir être injuste on ne s'en fait pas faute." Platon, La République, trad.

Chambry, Les Belles Lettres Ce que défend ce texte: La thèse exposée ici au moyen de l'histoire de « l'anneau de Gygès », est celle de Glaucon, contradicteur de Socrate. Pour montrer que nous ne pratiquons la justice que sous l'effet de la contrainte et par peur du châtiment que prévoient les lois en cas de désobéissance à ce qu'elles prescrivent, Glaucon imagine la situation d'un personnage placé dans un état de totale impunité.

Cette impunité est symbolisée ici par la possibilité de devenir un « homme invisible », comme le personnage d'une fable, le berger Gygès.

Certes, on peut reprocher à Glaucon d'imaginer une situation qui ne se produira jamais, car personne ne s'est jamais trouvé en état dé totale impunité, et encore moins en mesure de devenir invisible.

Mais cette objection n'enlève pas sa force à cette argumentation qui, en poussant à l'extrême la logique de l'impunité, doit permettre de tirer des conclusions applicables à tous les hommes. Que nous dit Glaucon ? Si l'on envisage deux personnes, l'une réputée « juste » et l'autre « injuste », et si l'on suppose qu'elles obtiennent ce pouvoir de devenir invisible, il est certain qu'elles iront jusqu'au bout de ce qu'il leur est permis et « nous ne trouverions aucun homme d'une trempe assez forte pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation » de faire tout ce que les lois interdisent. Glaucon fait donc ici appel à une sorte de connaissance générale de l'homme, plus ou moins intuitive, et qui repose moins sur un raisonnement que sur un savoir basé sur l'expérience que nous avons acquise d'eux. « Selon toute apparence », nous dit-il, ils se conduiront injustement, ce qui prouve que nul n'est respectueux des lois (« juste ») par amour du Bien, mais par hypocrisie et par contrainte, car il est dans l'impossibilité de faire le mal en toute impunité. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Au contraire, pour Socrate (dont la pensée est retranscrite ici par Platon), non seulement il existe des hommes capables de suivre le Bien pour lui-même et non par peur du châtiment, mais la thèse qu'il défend s'oppose davantage encore à ce que veut montrer Glaucon. Alors que ce dernier nous montre des hommes capables de vouloir le mal, quand ils peuvent l'accomplir sans dommage, Socrate soutient que « nul n'est méchant volontairement.

» Cette phrase signifie que celui qui commet l'injustice croit que cela lui est plus avantageux, plus profitable, que de respecter la loi et que c'est donc son « bien » (son intérêt) de la commettre.

Il ne sait pas que ce qu'il croit être ici son bien lui est nuisible, en réalité, à lui-même tout autant qu'à celui contre qui il a commis une injustice. S'il avait connaissance du vrai bien, il le désirerait car il comprendrait qu'il vaut pour lui-même et ne chercherait pas ainsi à enfreindre les lois.

Aussi « nul n'est méchant volontairement » mais par ignorance du vrai bien confondu avec un faux bien personnel. Il faut donc maintenant démontrer que l'injustice est plus nuisible que la justice.

Tout l'effort de Socrate, à la suite de cet extrait, va tendre vers ce but, c'est-à-dire tenter de prouver que, même lorsqu'on croit que le criminel impuni est avantagé par son acte, ce dernier est tout autant lésé que sa victime. Pour comprendre la portée de cette position il faut alors définir ce que Platon entend par le vrai Bien et quelle est sa conception de la justice, ce qui est l'objet même de La République.

Pour Platon, en effet, la justice chez l'individu se définit comme le respect d'un ordre entre les trois parties de notre âme : la raison, tournée vers la connaissance, le courage et ses énergies parfois coléreuses, les passions, enfin, et leurs désirs.. »

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