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Platon: De l'opinion vraie et du savoir

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SOCRATE - Qu'on ne puisse bien diriger ses affaires qu'à l'aide de la raison, voilà ce qu'il n'était peut-être pas correct d'admettre ? MENON - Qu'entends-tu par là ? SOCRATE - Voici. Je suppose qu'un homme, connaissant la route de Larisse ou de tout autre lieu, s'y rende et y conduise d'autres voyageurs, ne dirons-nous pas qu'il les a bien et correctement dirigés ? MENON - Sans doute. SOCRATE - Et si un autre, sans y être jamais allé et sans connaître la route, la trouve par une conjecture exacte, ne dirons-nous pas encore qu'il a guidé correctement ? MÉNON - Sans contredit. SOCRATE - Et tant que ses conjectures seront exactes sur ce que l'autre connaît, il sera un aussi bon guide, avec son opinion vraie dénuée de science, que l'autre avec sa science. MENON - Tout aussi bon. SOCRATE - Ainsi donc, l'opinion vraie n'est pas un moins bon guide que la science quant à la justesse de l'action, et c'est là ce que nous avions négligé dans notre examen des qualités de la vertu ; nous disions que seule la raison est capable de diriger l'action correctement; or l'opinion vraie possède le même privilège. MÉNON - C'est en effet vraisemblable. SOCRATE - L'opinion vraie n'est pas moins utile que la science. MENON - Avec cette différence, Socrate, que l'homme qui possède la science réussit toujours et que celui qui n'a qu'une opinion vraie tantôt réussit et tantôt échoue. PlatonLe Ménon est antérieur au Banquet (-385) et au Phédon. Mais il est postérieur au Protagoras. On y ressent une influence orphico-pythagoricienne qui permet de mettre le Ménon en rapport avec le Gorgias. Bien que le but ultime de dialogue soit la question de la réminiscence, il n’en demeure pas moins que l’ouvrage débute par la question de la vertu et le texte qui est nous est proposé traite plus particulièrement de la méthode avec la distinction principale entre la raison (ou science) et l’opinion vraie. Cette question n’est pas seulement d’ordre scientifique, mais prend sens aussi dans la politique et dans la conduite individuelle de ses affaires. Ainsi, la vertu, si elle est utile, doit être une forme de raison. La vertu est la raison, soit toute la raison, soit une partie de la raison (89a). L’extrait proposé semble s’organiser logiquement autour de deux moments : la remise en cause de la distinction pratique entre la raison et l’opinion vraie ( du début à « il sera un aussi bon guide, avec son opinion vraie dénuée de science, que l'autre avec sa science. MENON - Tout aussi bon ».) et sa conséquence qui contrairement à ce que l’on pourrait croire réaffirme et complète cette distinction mais non plus sur le mode de l’utilité et du pragmatisme mais du point de vue de la scientificité et de la sûreté de la connaissance (de « SOCRATE - Ainsi donc, l'opinion vraie n'est pas un moins bon guide » à la fin). C’est suivant ces deux moments que nous entendons rendre compte du texte.

« SOCRATE - Qu'on ne puisse bien diriger ses affaires qu'à l'aide de la raison, voilà ce qu'il n'était peut-être pas correct d'admettre ? MENON - Qu'entends-tu par là ? SOCRATE - Voici.

Je suppose qu'un homme, connaissant la route de Larisse ou de tout autre lieu, s'y rende et y conduise d'autres voyageurs, ne dirons-nous pas qu'il les a bien et correctement dirigés ? MENON - Sans doute. SOCRATE - Et si un autre, sans y être jamais allé et sans connaître la route, la trouve par une conjecture exacte, ne dirons-nous pas encore qu'il a guidé correctement ? MÉNON - Sans contredit. SOCRATE - Et tant que ses conjectures seront exactes sur ce que l'autre connaît, il sera un aussi bon guide, avec son opinion vraie dénuée de science, que l'autre avec sa science. MENON - Tout aussi bon. SOCRATE - Ainsi donc, l'opinion vraie n'est pas un moins bon guide que la science quant à la justesse de l'action, et c'est là ce que nous avions négligé dans notre examen des qualités de la vertu ; nous disions que seule la raison est capable de diriger l'action correctement; or l'opinion vraie possède le même privilège. MÉNON - C'est en effet vraisemblable. SOCRATE - L'opinion vraie n'est pas moins utile que la science. MENON - Avec cette différence, Socrate, que l'homme qui possède la science réussit toujours et que celui qui n'a qu'une opinion vraie tantôt réussit et tantôt échoue. Peut-on se satisfaire, pour la conduite de l'existence, des seules opinions immédiates ? La question relève à la fois d'une approche de l'exigence rationnelle en sa vocation pratique et d'une analyse de l'opinion elle-même en tant que réalité mentale dont le mode de production explique les limites.

Souvent, l'opinion est jugée suffisante pour régler la conduite ordinaire, et il n'est pas rare de voir invoquer, contre la « théorie » qui serait, selon le lieu commun habituel, abstraite et partant inapplicable, le pragmatisme des opinions particulières, qui serait bien plus efficace, (cf.

la fameuse expression critiquée par Kant : « cela est vrai en théorie mais inapplicable en pratique »).

À l'appui de cette conception, on cite alors des exemples précis où le recours à des opinions a été plus opératoire que l'application d'une théorie.

Cependant, n'y a-t-il pas malentendu sur la nature de l'exigence rationnelle, dès lors que l'on confond son caractère méthodique et systématique avec le dogmatisme ? L'invocation de l'efficacité d'une opinion particulière dans la conduite de l'action peut-elle valoir au-delà du cas particulier ? Bref, c'est le problème des limites de l'opinion qu'il convient de poser.

L'étude d'un texte de Platon sur l'opinion vraie, extrait du dialogue Ménon, va nous permettre d'y réfléchir. Introduction : Le Ménon est antérieur au Banquet (-385) et au Phédon.

Mais il est postérieur au Protagoras.

On y ressent une influence orphico-pythagoricienne qui permet de mettre le Ménon en rapport avec le Gorgias.

Bien que le but ultime de dialogue soit la question de la réminiscence, il n'en demeure pas moins que l'ouvrage débute par la question de la vertu et le texte qui est nous est proposé traite plus particulièrement de la méthode avec la distinction principale entre la raison (ou science) et l'opinion vraie.

Cette question n'est pas seulement d'ordre scientifique, mais prend sens aussi dans la politique et dans la conduite individuelle de ses affaires.

Ainsi, la vertu, si elle est utile, doit être une forme de raison.

La vertu est la raison, soit toute la raison, soit une partie de la raison (89a).

L'extrait proposé semble s'organiser logiquement autour de deux moments : la remise en cause de la distinction pratique entre la raison et l'opinion vraie ( du début à « il sera un aussi bon guide, avec son opinion vraie dénuée de science, que l'autre avec sa science.

MENON - Tout aussi bon ».) et sa conséquence qui contrairement à ce que l'on pourrait croire réaffirme et complète cette distinction mais non plus sur le mode de l'utilité et du pragmatisme mais du point de vue de la scientificité et de la sûreté de la connaissance (de « SOCRATE - Ainsi donc, l'opinion vraie n'est pas un moins bon guide » à la fin).

C'est suivant ces deux moments que nous entendons rendre compte du texte. I – Raison et opinion vraie a) Dans cette discussion entre Menon et Socrate, il faut bien voir que l'essentiel est considérer la conduite du chemin non pas seulement comme l'art de bien s'orienter d'un point à un autre mais bien comme la question de la méthodologie à employer dans les sciences.

En effet, le chemin dont il est question se dit en grec « methodos », d'où la méthode.

Ainsi, les deux personnages ont convenu précédemment que la raison était la source de la bonne direction des affaires : « Qu'on ne puisse bien diriger ses affaires qu'à l'aide de la raison ».

La raison serait donc la source première de la scientificité, c'est-à-dire l'unique moyen d'être certain d'une connaissance.

Dès lors, il faut rapprocher ce passage du livre VI de la République avec le fameux passage de la ligne qu'illustrera le livre VII et l'allégorie de la caverne.

En effet, la raison a ontologiquement plus de valeur que l'opinion ou l'opinion vraie.

Elle est fondée sur un élément réel.

Dans ce cas, on peut être pour le moins surpris que Socrate revienne justement sur un point qui semble pourtant admis, ce que confirme l'étonnement de Ménon : « voilà ce qu'il n'était peut-être pas. »

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