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Platon

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La loi est faite pour les faibles et pour le grand nombre. C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme. Pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir. Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on appelle l'injustice. Mais la nature elle-même, selon moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit l'emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l'incapable. Elle nous montre partout, chez les animaux et chez l'homme, dans les cités et les familles, qu'il en est bien ainsi, que la marque du juste, c'est la domination du puissant sur le faible et sa supériorité admise. De quel droit, en effet, Xerxès vint-il porter la guerre dans la Grèce, ou son père chez les Scythes?... Mais tous ces gens-là agissent, à mon avis, selon la vraie nature du droit et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien que ce soit peut-être contraire à celle que nous établissons, nous, et selon laquelle nous façonnons les meilleurs et les plus vigoureux d'entre nous, les prenant en bas âge, comme des lionceaux, pour les asservir à force d'incantations et de mômeries. Platon

« "La loi est faite pour les faibles et pour le grand nombre.

C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme.

Pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir. Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on appelle l'injustice.

Mais la nature elle-même, selon moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit l'emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l'incapable.

Elle nous montre partout, chez les animaux et chez l'homme, dans les cités et les familles, qu'il en est bien ainsi, que la marque du juste, c'est la domination du puissant sur le faible et sa supériorité admise.

De quel droit, en effet, Xerxès vint-il porter la guerre dans la Grèce, ou son père chez les Scythes?...

Mais tous ces gens-là agissent, à mon avis, selon la vraie nature du droit et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien que ce soit peut-être contraire à celle que nous établissons, nous, et selon laquelle nous façonnons les meilleurs et les plus vigoureux d'entre nous, les prenant en bas âge, comme des lionceaux, pour les asservir à force d'incantations et de mômeries.

" PLATON QUESTIONNEMENT INDICATIF • Que signifie « en effet » dans « pour les empêcher de l'emporter en effet » ? • Importance dans le raisonnement de la notation : « sans les valoir.

»? • Le donc de : « C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils...

» est-il justifié ? • La loi est-elle jugée intrinsèquement contre nature ? Toute loi ou la loi de qui ? • « La nature » prouve-t-elle quelque chose ? • Qu'est-ce qui est en jeu dans ce texte ? • Que pensez-vous de la thèse développée et de l'argumentation qui s'efforce de la justifier ? Introduction Ce texte est centré autour de l'opposition de la nature (triomphe de la force et de la violence considérées comme bénéfiques) et de la loi, conçue comme une inversion des valeurs naturelles et un produit du ressentiment des faibles contre les forts.

La loi, oeuvre des faibles contre les forts, est en opposition avec la nature qui exige le triomphe des puissants. Ces lignes posent le problème du fondement du droit : peut-on, avec Calliclès, fonder le droit sur la force ? On peut diviser en deux parties ce texte.

La première partie (« La loi...

qu'on appelle l'injustice ») est toute entière organisée autour du thème de la loi, création des faibles dirigée contre les forts, produit de la vengeance des moutons contre les lions.

La seconde partie (« Mais la nature...

mômeries ») donne à voir le thème de la nature, triomphe des forts et des puissants, seul fondement du droit.

Cette seconde partie se subdivise en quatre sous-parties.

La première (« Mais la nature...

supériorité admise ») est théorique et développe l'idée que la vraie justice est celle de la nature.

La seconde (« De quel droit...

Scythes ») apporte un certain nombre d'exemples pour confirmer la thèse précédente, celle du droit du plus fort.

La troisième sous-partie (« Mais tous ces gens là...

loi de la nature ») dégage la signification des exemples précédents.

La quatrième (« Bien que...

mômeries ») s'attache au sens de l'éducation par la loi, éducation jugée asservissante. Étude ordonnée. Si l'opposition de la nature et de la loi a été, dans l'Antiquité grecque, chère aux Sophistes qui ont souvent exprimé le caractère conventionnel et artificiel des lois, néanmoins cette opposition classique prend ici un sens tout particulier, puisque Calliclès fonde sur elle sa théorie du droit du plus fort. Dans la première partie (« La loi...

ce qu'on appelle l'injustice »), Calliclès veut analyser l'origine de la loi.

Que signifie ici la loi et que désigne-t-elle exactement ? La loi (nomos) représente dans ce texte la règle générale et impérative régissant du dehors l'activité humaine.

Notons que, chez les Grecs, à l'époque classique, le nomos est une loi qui ne doit rien à la révélation : elle n'a pas été établie par les dieux, elle est « laïque » en quelque sorte.

Dès lors, quelle est son origine profonde? Calliclès voit dans la loi une création de la foule faible et impuissante, sans énergie physique et morale : la loi est une expression du manque, manque de force, de vigueur et de vie.

C'est le produit de ceux qui ne peuvent déployer dans l'existence une surabondance existentielle.

La foule, dans la mesure où elle ne possède pas l'énergie créatrice véritable, désire en somme se protéger de l'élite.

La loi, l'éloge, le blâme constituent autant d'armes dans la stratégie des faibles.

Éloge et blâme : ce sont les jugements favorables et défavorables, c'est-à-dire les énoncés axiologiques, portant sur des valeurs, qu'utilise la foule impuissante.

En même temps que la loi, elle crée les valeurs, le bien et le mal, les jugements préférentiels qui organisent l'existence sociale. Dans quel but exactement? Il s'agit d'effrayer « les lions », de se mettre à l'abri de leur supériorité, de les empêcher de. »

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