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Platon

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Il faut, sache-le, quand on va droitement à cette fin, que, dès la jeunesse, on commence par aller à la beauté physique, et que, tout d'abord, si droite est la direction donnée par le dirigeant de l'initiation, on commence par n'aimer qu'un unique beau corps, et par engendrer à cette occasion de beaux discours. Mais ensuite il faut comprendre que la beauté résidant en tel ou tel corps est soeur de la beauté qui réside en un autre, et que, si l'on doit poursuivre le beau dans une forme sensible, ce serait une insigne déraison de ne pas juger une et même la beauté qui réside en tout corps : réflexion qui devra faire de lui un amant de tous les beaux corps et détendre d'autre part l'impétuosité de son amour à l'égard d'un seul individu ; car un tel amour, il en est venu à le dédaigner et à en faire peu de cas. En suite de quoi, c'est la beauté résidant dans les âmes, qu'il juge d'un plus haut prix que celle qui réside dans les corps; au point que si la beauté qui convient à l'âme existe dans un corps dont la fleur a peu d'éclat, il se satisfait d'aimer un tel être, de prendre soin de lui, d'enfanter pour lui des discours appropriés, d'en chercher qui soient de nature à rendre la jeunesse meilleure ; de façon à être forcé cette fois de considérer le beau dans les occupations et les maximes de conduite; et d'avoir aperçu quelle parenté unit à soi-même tout cela, cela le mène à faire peu de cas du beau qui se rapporte au corps. Mais après les occupations, son guide le conduit aux connaissances, afin, cette fois, qu'il aperçoive quelle beauté il y a dans des connaissances et que, tournant son regard vers le domaine, déjà vaste, du beau, il n'ait plus, pareil au domestique d'un unique maître, un attachement exclusif à la beauté, ni d'un unique jouvenceau, ni d'une occupation unique, servitude qui ferait de lui un pauvre être et un esprit étroit ; mais afin que, au contraire, tourné vers cet océan immense du beau et le contemplant, il enfante un grand nombre de beaux, de sublimes discours, ainsi que des pensées, inspirées par un amour sans bornes pour la sagesse; jusqu'au moment où la force et le développement qu'il y aura trouvés, lui permettront d'apercevoir une certaine connaissance unique, dont la nature est d'être la connaissance de cette beauté dont je vais maintenant te parler. (...) Beauté dont, premièrement l'existence est éternelle, étrangère à la génération comme à la corruption, à l'accroissement comme au décroissement ; qui, en second lieu, n'est pas belle à ce point de vue et laide à cet autre, pas davantage à tel moment et non à tel autre, ni non plus belle en tel lieu et laide en tel autre, en tant que belle pour certains hommes, laide pour certains autres ; pas davantage encore cette beauté ne se montrera à lui pourvue par exemple d'un visage, ni de mains, ni de quoi que ce soit d'autre qui soit une partie du corps (...) Mais bien plutôt, elle se montrera à lui en elle-même et par elle-même, éternellement unie à elle-même dans l'unicité de sa nature formelle, tandis que les autres beaux objets participent tous de la nature dont il s'agit en une telle façon que, ces autres objets venant à l'existence ou cessant d'exister, il n'en résulte dans la réalité dont il s'agit aucune augmentation, aucune diminution, ni non plus aucune sorte d'altération. Platon

« Apollodore donne le récit d'un banquet offert par Agathon.

Les convives brillent par de beaux discours au sujet de l'amour.

Socrate y rapporte les propos qu'il entendit un jour de la bouche d'une femme de Mantinée, Diotime. « Il faut, sache-le, quand on va droitement à cette fin, que, dès la jeunesse, on commence par aller à la beauté physique, et que, tout d'abord, si droite est la direction donnée par le dirigeant de l'initiation, on commence par n'aimer qu'un unique beau corps, et par engendrer à cette occasion de beaux discours.

Mais ensuite il faut comprendre que la beauté résidant en tel ou tel corps est soeur de la beauté qui réside en un autre, et que, si l'on doit poursuivre le beau dans une forme sensible, ce serait une insigne déraison de ne pas juger une et même la beauté qui réside en tout corps : réflexion qui devra faire de lui un amant de tous les beaux corps et détendre d'autre part l'impétuosité de son amour à l'égard d'un seul individu ; car un tel amour, il en est venu à le dédaigner et à en faire peu de cas.

En suite de quoi, c'est la beauté résidant dans les âmes, qu'il juge d'un plus haut prix que celle qui réside dans les corps; au point que si la beauté qui convient à l'âme existe dans un corps dont la fleur a peu d'éclat, il se satisfait d'aimer un tel être, de prendre soin de lui, d'enfanter pour lui des discours appropriés, d'en chercher qui soient de nature à rendre la jeunesse meilleure ; de façon à être forcé cette fois de considérer le beau dans les occupations et les maximes de conduite; et d'avoir aperçu quelle parenté unit à soi-même tout cela, cela le mène à faire peu de cas du beau qui se rapporte au corps.

Mais après les occupations, son guide le conduit aux connaissances, afin, cette fois, qu'il aperçoive quelle beauté il y a dans des connaissances et que, tournant son regard vers le domaine, déjà vaste, du beau, il n'ait plus, pareil au domestique d'un unique maître, un attachement exclusif à la beauté, ni d'un unique jouvenceau, ni d'une occupation unique, servitude qui ferait de lui un pauvre être et un esprit étroit ; mais afin que, au contraire, tourné vers cet océan immense du beau et le contemplant, il enfante un grand nombre de beaux, de sublimes discours, ainsi que des pensées, inspirées par un amour sans bornes pour la sagesse; jusqu'au moment où la force et le développement qu'il y aura trouvés, lui permettront d'apercevoir une certaine connaissance unique, dont la nature est d'être la connaissance de cette beauté dont je vais maintenant te parler.

(...) Beauté dont, premièrement l'existence est éternelle, étrangère à la génération comme à la corruption, à l'accroissement comme au décroissement ; qui, en second lieu, n'est pas belle à ce point de vue et laide à cet autre, pas davantage à tel moment et non à tel autre, ni non plus belle en tel lieu et laide en tel autre, en tant que belle pour certains hommes, laide pour certains autres ; pas davantage encore cette beauté ne se montrera à lui pourvue par exemple d'un visage, ni de mains, ni de quoi que ce soit d'autre qui soit une partie du corps (...) Mais bien plutôt, elle se montrera à lui en elle-même et par elle-même, éternellement unie à elle-même dans l'unicité de sa nature formelle, tandis que les autres beaux objets participent tous de la nature dont il s'agit en une telle façon que, ces autres objets venant à l'existence ou cessant d'exister, il n'en résulte dans la réalité dont il s'agit aucune augmentation, aucune diminution, ni non plus aucune sorte d'altération.

» Contrairement aux autres discours, Diotime ne fait pas de l'amour un dieu : Le propre de l'amour étant de désirer, l'amour est toujours l'amour de quelque chose ; dans cette mesure, il se porte vers ce qu'il ne possède pas.

Contrairement aux dieux, il n'est pas en possession des choses bonnes et belles.

Par nature il est donc intermédiaire entre la pauvreté — il désire ce dont il manque — et la possession — il sait que le bien et le beau sont désirables.

Le mythe de sa naissance en témoigne : il est fils de l'abondance (Poros) et de la pauvreté (Pénia), conçu à l'occasion des fêtes de la naissance d'Aphrodite.

Ainsi, l'objet de l'amour est « la possession perpétuelle de ce qui est bon ».

L'amour implique ainsi un parcours initiatique, à la recherche de la beauté qu'il ne possède pas. Il s'agit d'une ascension de la pluralité des exemples vers la seule idée : on passe d'un beau corps à la considération de plusieurs beaux corps et, la beauté en chacun étant « sœur » de la beauté dans les autres, on est conduit vers l'unique Beauté.

Ce dépassement dialectique de l'objet contemplé peut surprendre : dans le cas d'une idée abstraite comme la vertu, on peut comprendre que les exemples renvoient tous à la même définition; mais comment l'objet ou l'oeuvre qui me plaît par sa présence originale, ici et maintenant, peut-elle être rattachée à une idée générale ? Le point de vue adopté par le texte choque nos habitudes de pensée : sans doute marqués par l'esthétique romantique, nous privilégions la singularité, la particularité.

Pourtant le jugement que nous formulons dépasse cette originalité ; nous disons volontiers : « cela est beau ».

Ce type de jugement subordonne, qu'on le veuille ou non, l'objet dont on parle à une catégorie à laquelle il appartient : je dis cette oeuvre belle parce que j'y reconnais les caractères de la beauté ; de même que je dis cet acte vertueux parce qu'il correspond à l'idée de vertu.

L'objet de l'analyse de Platon est donc de comprendre ce qui, au-delà de telle ou telle oeuvre en particulier, crée l'impression de beauté commune à la multiplicité des oeuvres, des personnes et même des actes.

La Beauté en soi apparaît ainsi comme la perfection absolue, éternelle, invisible : cette définition n'est pas abstraction ; en effet, elle permet de comprendre l'expérience des objets et des oeuvres belles : est beau ce qui arrête le regard, ce qui n'est pas pris dans un devenir, ce à propos de quoi on ne cherche ni ajout ni suppression.

En un mot : la beauté est la perfection.. »

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