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Philosopher, c'est réfléchir ?

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« Position de la question.

A première vue, la formule proposée semble banale : n'a-t-on pas toujours représenté le philosophe comme un homme qui réfléchit, comme un méditatif ? Mais, en creusant le sens du mot « réfléchir », peut-être découvrirons-nous à cette pensée une portée plus profonde. Réflexion et vie sensitive. MAINE DE BIRAN lui-même nous indique déjà un sens moins banal lorsque, dans le même Journal d'où cette pensée est extraite, il distingue (23 juillet 1816) par opposition à la « réflexion » un « état où l'homme se confond avec ses intuitions ou ses sensations et ne voit de lui que son corps propre où il rapporte toute son existence ».

Nous reconnaissons là cet état à demi conscient où l'homme « se laisse vivre » et demeure esclave de l'être organique qui est en lui.

Dans cet état, « les sensations, les mouvements, les images vagues et décousues » remplissent tout l'esprit, et l'âme est déterminée par l'état du corps : « Toujours remuée au gré des impressions du dehors, elle est affaissée ou élevée, triste ou joyeuse, calme ou agitée selon la température de l'air, selon une bonne ou mauvaise digestion...

» — A ces impressions de la vie organique, s'ajoutent les influences de la vie sociale : « Les passions sociales, écrit ailleurs BIRAN, se joignent toujours dans l'homme aux passions naturelles et les compliquent.

Dans l'état le plus ordinaire des hommes en société, toute passion naturelle ou appétit organique, partant de l'organisme, monte pour ainsi dire de la vie animale à celle de l'homme ».

Mais BIRAN voit fort bien que, tant qu'il se borne à subir cette influence du groupe social, l'homme n'est guère plus actif que lorsqu'il est l'esclave de son corps. C'est là justement que la réflexion vient nous libérer.

Réfléchir, c'est, « par rapport à soi-même ou dans la vie intérieure, être toujours au-dessus de ses affections, les juger et ne jamais s'en laisser dominer; par rapport à nos semblables ou dans la vie extérieure, être toujours au-dessus de toutes les influences, de toutes les opinions, les apprécier à leur juste valeur et ne jamais les prendre pour guides de nos actions, ni pour mesure de notre bonheur »; c'est donc faire usage de sa raison, en tout et partout, dans quelque position qu'on se trouve, au milieu des fous comme parmi les sages » (BIRAN).

C'est alors que l'homme entre vraiment en possession de lui-même, qu'il devient, comme dit BIRAN, compos sui.

Nous reconnaissons là le phénomène ou plutôt l'acte de la « prise de conscience ».

Et c'est déjà là philosopher : car on va voir que la Philosophie n'est pas autre chose que cette prise de conscience amplifiée et développée. La Philosophie comme attitude réflexive. « Philosophie » peut s'entendre, en effet, en deux sens.

Il y a d'abord une philosophie vulgaire, spontanée, et, en ce sens, « chacun, au cours de sa vie, adopte une philosophie » pourvu qu'il s'élève, si peu que ce soit, à l'attitude définie ci-dessus par Maine DE BIRAN.

Mais, en un sens plus restreint, la Philosophie (celle des « philosophes ») est une étude systématique et méthodique des problèmes humains de la Connaissance et de l'Action, auxquels on peut ajouter le problème de l'Être.

Or cette étude exige la prise de conscience de certains problèmes à côté desquels la pensée courante passe le plus souvent sans s'y arrêter, autrement dit : une attitude réflexive, une sorte de retour critique de la pensée sur elle-même et sur les normes et les fondements de l'action humaine. Conclusion.

Il est donc légitime de dire avec MAINE DE BIRAN : « Philosopher c'est réfléchir », pourvu qu'avec lui on entende ce dernier mot dans son sens plein, comme désignant, dans la pensée, un « système réflexif » qui vient s'ajouter au « système sensitif » et au « système perceptif ».. »

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