Phénoménologie de la religion.
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Il y a une expérience religieuse dont le mode d'être est d'une part intuitif et affectif, d'autre part existentiel. C'est ce dernier aspect qui nous intéresse : quelle est la manière d'être-au-monde de « l'homo religiosus » (M. Eliade), quel sens donne-t-il à ce qui l'entoure, quels sont les axes structurels de son comportement? Nous distinguerons le « sacer » ou « sacré », et F« espace-temps » religieux. 1 — Le sacré. Antérieurement à tout concept, qu'est-ce que le Sacré? Le sacré forme couple avec le profane. Le sacré est « station de la divinité », le profane « néant actif » : c'est-à-dire qu'il peut faire disparaître le sacré. Ce dernier est une énergie très volatile, fluide, très dangereuse et efficace. Le sacré est « tabou » (interdit, en polynésien), le profane « noa » (libre). Il faudra donc des rites précis d'entrée et de sortie, des sacrifices de purification et de désacralisation, fonctionnant comme un sas entre deux éléments différents, pour que le sacré et le profane aient des contacts. Le sacré est à la fois pur et impur, saint et souillé (même mot dans plusieurs langues, en grec « agios »). La pureté est conçue comme guérison possible, accroissement de la vie. L'impureté détruit. Le côté droit dans la représentation du monde est associé à la pureté, la droiture, l'adresse (avec les connotations de clarté, sécheresse, altitude). Le côté gauche est associé à l'impureté par la « gaucherie » (avec les connotations d'obscurité, humidité, bassesse). Il existe chez les primitifs une géographie de la pureté : le centre du village comporte tout le sacré, l'épaule droite doit être tournée vers lui ; la gauche vers la jungle, source de toutes les impuretés (Canaques).
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Phénoménologie de la religion.
Il y a une expérience religieuse dont le mode d'être est d'une part intuitif et affectif, d'autre part existentiel.
C'est ce
dernier aspect qui nous intéresse : quelle est la manière d'être-au-monde de « l'homo religiosus » (M.
Eliade), quel sens
donne-t-il à ce qui l'entoure, quels sont les axes structurels de son comportement? Nous distinguerons le « sacer » ou «
sacré », et F« espace-temps » religieux.
1 — Le sacré.
Antérieurement à tout concept, qu'est-ce que le Sacré?
Le sacré forme couple avec le profane.
Le sacré est « station de la divinité », le profane « néant actif » : c'est-à-dire qu'il
peut faire disparaître le sacré.
Ce dernier est une énergie très volatile, fluide, très dangereuse et efficace.
Le sacré est «
tabou » (interdit, en polynésien), le profane « noa » (libre).
Il faudra donc des rites précis d'entrée et de sortie, des
sacrifices de purification et de désacralisation, fonctionnant comme un sas entre deux éléments différents, pour que le
sacré et le profane aient des contacts.
Le sacré est à la fois pur et impur, saint et souillé (même mot dans plusieurs langues, en grec « agios »).
La pureté est
conçue comme guérison possible, accroissement de la vie.
L'impureté détruit.
Le côté droit dans la représentation du
monde est associé à la pureté, la droiture, l'adresse (avec les connotations de clarté, sécheresse, altitude).
Le côté
gauche est associé à l'impureté par la « gaucherie » (avec les connotations d'obscurité, humidité, bassesse).
Il existe chez
les primitifs une géographie de la pureté : le centre du village comporte tout le sacré, l'épaule droite doit être tournée vers
lui ; la gauche vers la jungle, source de toutes les impuretés (Canaques).
On peut essayer d'expliquer cette bipolarité du sacré en la rapprochant de dichotomies fondamentales : la dichotomie
sociale (les deux phratries avec chacune un totem), la dichotomie physiologique (les deux sexes), la dichotomie naturelle
(les deux saisons, été-hiver).
En fait ces dichotomies sont toujours données ensemble et interviennent (selon les rites, les
fêtes, les événements) en proportion variable.
Mais un sacré de type particulier, le sacré de l'interdit (du respect) provient
directement de la dichotomie sociale : on doit respecter les femmes de son clan (exogamie et prohibition de l'inceste) et ne
chercher femme que dans l'autre clan dépendant d'une autre phratrie (est profane tout ce qui est sacré pour l'autre tribu).
Celui qui y contrevient est « maudit ».
Cette règle permet l'échange généralisé (voir chapitre Les Échanges), et renforce
les liens dans la tribu qui n'est pas originellement une dans tous les cas.
En conséquence de ce sacré de l'interdit, il y a un « sacré de violence et de transgression » (R.
Caillois).
Il apparaît
notamment lors de la fête.
Le temps usé (chrono = qui use) doit être remplacé, rajeuni.
Il faut revenir au temps de la
création du monde par les « ancêtres » ou les « dieux ».
Il en résulte une mascarade (les officiants ont par le masque les
mêmes pouvoirs de métamorphose que les ancêtres ; voir Carnaval).
De plus tout doit être inversé : licences rituelles,
débauche, pillage, meurtres (Brésil), unions incestueuses rituelles.
En conséquence le sacré est double, en deux sens.
D'une part il est sainteté et souillure, d'autre part inhibition (interdit) et
stimulation (transgression), féminin et masculin (par exemple les totems sont du côté maternel, les dieux, du côté
paternel).
2 — Espace et temps religieux.
La religion sous sa forme primitive (sens du sacré) imprégnait tout acte de la vie : nous ne pouvons plus nous en rendre
compte clairement.
Certes il y a encore pour nous des « chiffres » (Jaspers), ou éléments du monde qui « parlent » ; mais
le monde n'est pas structuré selon le sacré.
Au contraire, à l'origine, l'Espace et le Temps sont saturés de sacré, Corme
particulière du rapport du primitif au monde.
C'est que le passage du chaos au cosmos est l'acte même du sacré, et en
même temps consiste en l'apparition des ordres temporels et spatiaux.
L'espace religieux.
Le lieu sacré est un pont entre le ciel et la terre.
Quelles que soient ses fonctions, il n'y a pas d'espace
homogène pour l'homme religieux.
L'espace présente des ruptures : un espace « fort » s'oppose à un espace dilué faible :
« il ne s'agit pas d'un espace géométrique, mais d'un espace existentiel et sacré » (M.
Eliade).
A — Il présente des centres dont la répartition impose la distribution des activités de la vie courante.
Ainsi tout sanctuaire,
toute maison, est un de ces « centres ».
La métaphysique n'est rien d'autre que le désir de coïncider avec ces centres (voir
chapitre La Métaphysique).
Et on les retrouve dans la radicalisation philosophique, la « réduction des commencements ».
B — Ce centre est un point d'énergie rayonnant de façon ordonnée, selon les quatre ou six points « cardinaux ».
D'où le
modèle romain de construction des villes et des camps.
G — Pour fonder une construction, il faut souvent répéter les actes des ancêtres créateurs du monde (danse du Barong
dans l'île de Bali).
Le maçon indien répète le sacrifice du serpent (le chaos) en plantant un pieu à l'endroit où la tête du
serpent se trouvait.
D — Le centre est un lieu de communication avec le sacré.
Tout objet élevé : montagne (du Décalogue), poteau (des
Azunta), totem, colonne (du temple d'Angkor), tour (de Babel), échelle (de Jacob), piliers qui soutiennent le monde,...
tout
objet élevé donc est un passage possible du profane au sacré, de la Terre au Ciel.
Le temps religieux.
Il s'agit d'un temps qui revient, qui peut se régénérer par la fête.
« Réintégrer le temps sacré des
origines, c'est être le contemporain des Dieux ».
D'où les mythes de l'éternel retour, et les cosmogonies qui semblent
constituer la première préoccupation intellectuelle des primitifs, fondatrice de la société pour eux.
L'homme religieux vit donc dans un milieu saturé de sacré..
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