Peut-on triompher de la mort ?
Extrait du document
«
« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face » : cette maxime de La Rochefoucauld nous invite à considérer
la mort comme un évènement que l'homme ne peut envisager sans un sentiment d'incompréhension qui confine à
celui de l'absurde.
En ce sens, nous pouvons nous demander s'il est possible de triompher de la mort, c'est-à-dire de
l'emporter sur elle en annulant les effets de celle-ci sur les êtres vivants.
Ces effets peuvent être de deux sortes :
d'une part, les effets qui affectent l'organisation physique de l'être vivant ; de l'autre, ses représentations morales.
En effet, la mort inspire effroi, crainte et inquiétude chez l'être qui peut s'en former une idée (l'homme) alors que
tous les autres cherchent instinctivement à se conserver, se perpétuer dans l'être (c'est ce que Spinoza nomme le
« conatus », soit la volonté de préservation et de perpétuation de la vie chez tous les êtres organisés).
La mort peut être définie de deux manières : comme l'évènement qui met un terme à l'existence d'un être vivant, et
l'état qui s'en suit pour lui.
Mais également come l'ensemble des forces qui conspirent à l'anéantissement de la vie
chez l'individu : ainsi entendue, la mort est moins l'évènement qui achève la vie, que l'effort du temps, de la
dégradation, de la maladie et des circonstances extérieures contre lesquels la vie doit lutter pour se perpétuer.
Se demander si l'on peut triompher de la mort revient donc à poser la question de la capacité de l'homme à contrer
les effets de la mort sur son organisation physique et ses représentations morales.
Si nous pouvons dire dans un
premier temps que l'homme est impuissant face aux effets de la mort sur son organisation physique, il n'en va pas de
même en ce qui concerne les effets de celle-ci sur ses représentations morales : l'homme peut en effet n'être pas
affecté par la crainte de la mort, soit en refusant de lui prêter la moindre attention, soit en faisant de l'idée de la
mort le moteur d'une vie exigeante, dont les productions échappent à la loi du devenir.
I.
a.
Le combat perdu d'avance contre les effets de la mort sur notre organisation physique
La défaite totale dans le combat contre la mort, entendue comme terme de la vie
Nous commencerons par nous demander s'il existe une faculté pour lutter contre la mort, entendue comme cessation
de la vie.
Cette question ne nous retiendra pas longtemps, dans la mesure où la réponse n'est que trop évidente : la
mort est l'horizon indépassable et nécessaire de la vie de tout être organisé, la fatalité impossible à éviter qui
attend chacun, jeune ou vieux, puisque, pour citer le philosophe Heidegger « Dès qu'un humain vient à la vie, il est
assez vieux pour mourir ».
Pourtant, nous devons nous arrêter un instant à ce questionnement en apparence naïf,
afin de prendre toute la mesure de la puissance de la mort, au centre de ce sujet : la mort est bien ce que Hegel
nomme « le maître absolu », et dans un premier temps, nous pourrons dire que nous sommes tout à fait incapables
de triompher d'elle.
b.
La défaite relative dans le combat contre la mort, entendue comme force opposée aux forces de la vie
« La vie est l'ensemble des facultés qui luttent contre la mort » a écrit le grand médecin Bichat.
Cette citation
peut nous permettre d'entendre différemment la mort elle-même.
En effet, nous pouvons définir celle-ci non
comme l'évènement qui met un terme à la vie, mais plutôt comme l'ensemble des forces contre lesquelles la vie
doit lutter pour se maintenir elle-même.
Ces forces sont celles du temps, de la dégradation physique, de la
maladie, les effets de la contingence qui peuvent provoquer la mort.
Ainsi entendue, nous pouvons dire que
notre vie elle-même manifeste une victoire constante contre la mort, c'est-à-dire une capacité à lutter contre
les forces mortifères que nous venons de nommer.
Mais cette lutte est perdue d'avance, et nous demeurons
impuissants à lutter contre l'effet final de la mort sur notre organisation physique.
II.
a.
Peut-on triompher des effets de la mort sur nos représentations morales ?
L'incompatibilité radicale entre la mort et la conscience de la mort.
»
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