Peut-on tout pardonner ?
Extrait du document
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Se poser cette question, c'est suggérer qu'il y aurait un « tri » à faire dans les fautes ; nous en venons alors à nous
poser une question essentielle : comment définir les limites du pardon, du pardonnable et donc de l'impardonnable ?
Est-il légitime de ne pas pardonner ? Or pardonner tout, c'est enlever de la légitimité à l'impardonnable, c'est risquer
que les injustices commises ne soient pas reconnues, que le pardon mène à l'oubli.
Mais est-ce vraiment le pardon
qui est soumis à conditions (repentir du coupable, degré de la faute…), ou plutôt notre capacité à pardonner ?
1ère PARTIE
Pardonner, notre responsabilité
Qui sommes-nous pour refuser le pardon ?
Au niveau collectif (entre pays, ethnies,…), on entretient l'hostilité en transmettant le refus du pardon de
générations en générations c'est créer un état de violence latent.
On peut donc envisager de retirer à chacun son
droit de décider s'il doit pardonner ou non, dans certains cas au moins.
Un pardon systématique devient alors une
condition de paix : la construction de l'Europe, par exemple, exige que soient pardonnées les souffrances
réciproquement infligées par les guerres.
Le pardon comme reconnaissance de l'humanité en autrui
Reconnaître un être humain comme une personne, c'est le considérer comme responsable de ses actes
(contrairement à la chose qui suit les lois de la physique ou à l'animal qui réagit à des comportements instinctifs).
Lorsqu'il commet une faute, le coupable aurait pu ne pas faire ce qu'il a fait.
Un homme peut évoluer, regretter une
faute commise.
On se doit de lui pardonner, pour ne pas l'identifier à un acte isolé (il a tué, c'est donc un tueur).
Le pardon comme devoir
Lorsqu'un fautif se reconnaît coupable, on se doit de lui pardonner («faute avouée à moitié pardonnée » ?).
C'est
une exigence morale de respect d'autrui.
Ne pas pardonner une injustice commise, c'est se montrer soit même
injuste, partial.
Il faut pouvoir faire abstraction du désir de vengeance.
2ème PARTIE
Vécus personnels
Chacun a ses limites du pardonnable et de l'impardonnable et elles sont très aléatoires ; la gravité d'une faute est
un jugement très personnel.
Obliger quelqu'un à pardonner, c'est faire violence à sa personnalité, son vécu, ses
croyances morales.
Nous n'avons pas tous la même histoire, notre sensibilité face aux degrés des fautes subies
n'est pas la même.
« L'erreur est humaine, le pardon divin »
Le pardon est une valeur biblique.
Un célèbre adage dit que l'erreur est humaine mais que le pardon est divin.
On
peut donc envisager de laisser le pardon à un dieu, ou en tout cas à une entité impartiale ; nous sommes aveuglés
par nos intérêts particuliers, ancrés dans une réalité concrète qui veut que nous considérions certaines fautes
comme impardonnables.
Cela semble au-dessus des capacités de l'homme de pouvoir tout pardonner.
Crainte de l'oubli
Plus que la méfiance envers la sincérité du fautif repenti, c'est la crainte de l'oubli qui freine le pardon qu'on pourrait
accorder.
Le devoir de transmission est capital afin que les générations futures apprennent des fautes du passé.
Pardonner un acte que l'on juge impardonnable, ce n'est peut être pas l'effacer totalement, mais cela l'atténue
forcément.
Conclusion :
Le coupable qui demande pardon ne cherche pas à faire oublier sa faute, bien souvent c'est au contraire une preuve
qu'il l'assume, mais qu'il ne veut pas être réduit à elle.
Le pardon est ainsi un acte proprement humain, c'est le refus
du pardon qui parait « divin », arbitraire.
Une étape capitale vers le pardon est la compréhension de la faute, de ses
intentions.
C'est ce à quoi la philosophe Hannah Arendt a consacré une partie de sa vie : étudier et essayer de
comprendre le nazisme et le phénomène totalitaire.
Contrairement au temps qui passe et altère la force de la
rancune, la tentative de compréhension va plus loin, car elle peut conduire à nier la culpabilité du coupable (pas de
volonté de faire le mal, circonstances atténuantes, intentions ambiguës, …) Il ne suffit pas d'oublier pour pardonner,
le pardon est un acte beaucoup plus lourd de sens..
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