Peut-on se soustraire au temps ?
Extrait du document
«
Problématique
Le temps est vécu sous la forme de la perte, plus encore que le vieillissement, il est promesse de soi à la mort, à la
disparition.
Le temps est la figure de ma mortalité.
Thème paradoxal cependant, puisque c'est bien en ce même
temps que je suis appelé à être malgré tout.
Le temps est aussi bien mon être que ma disparition
Proposition de plan
I.
"SE SOUSTRAIRE" AU SENS DE S'ABSTRAIRE
Tout de mon être est temporel, jusqu'à sa réalité psychique.
L'intention morale échappe-t-elle à ce constat ? Sans
doute pour Kant puisqu'il n'y a de liberté que transcendantale et non psychologique (Critique de la raison pratique,
pp.
103-104, PUF).
Mais postuler pratiquement de nous une dimension intemporelle n'est pas dire de quelle façon il
nous est possible de nous soustraire au temps.
II.
L'IRRÉVERSIBILITÉ TEMPORELLE EST LA FIGURE DE NOTRE ALIÉNATION
Dans la mythologie grecque, Kronos est l'un des Titans ; il s'unit avec sa soeur Rhéa, avec qui il a de nombreux fils
qu'il dévore aussitôt : l'un d'eux, Zeus, échappe à son père et libère ses frères, pour former la première génération
des dieux de l'Olympe.
Celui qui engendre est donc aussi celui qui dévore sa propre progéniture : le temps, Chronos,
détruit tout ce à quoi il donne le jour.
Ce paradoxe fait l'essence du temps, sa nature : non seulement ce dans quoi tout se produit et s'évanouit, mais
cette dévoration elle-même ; chaque instant, chaque « maintenant » disparaît à peine éclos.
Pire encore, il n'a
presque aucune existence réelle, il est nié par le maintenant suivant qui prend sa place : le temps est production et
anéantissement simultanés.
Les hommes (contrairement à Zeus) sont soumis à cette loi sans partage.
Pourtant, un autre mythe (raconté par
Platon) dit comment ce temps tragique que nous vivons fut précédé par un temps de plénitude : le mouvement du
monde était dirigé par le dieu, toutes choses étaient à disposition des hommes ; nul travail n'était nécessaire, tout
leur était donné.
Mais quand le monde fut livré à lui-même, régna alors véritablement la pénurie, le manque.
Cette
période-là est celle du véritable krônos, non plus le dieu, mais le devenir et la disparition des ressources.
Ce temps est le temps humain, où les hommes sont responsables de leur survie, et doivent alors inventer leurs
ressources : sans le secours du « pasteur divin » qui règle tout, le vrai temps qui commence est celui de la
production humaine ; ce n'est pas le temps « en personne » qui détruit : le temps est au contraire ce que les
hommes doivent prendre en charge.
III.
LA CRÉATION ENVISAGÉE COMME RECONSTRUCTION DE NOTRE SINGULARITÉ PAR-DELÀ NOTRE MORT
La mort est la même pour tous, elle est la confusion des éléments, la dissolution de toute singularité.
La création, en
tant qu'elle porte l'empreinte de cette singularité, est-elle appelée à s'élever au-dessus de la confusion des
éléments, ou bien ne consacre-t-elle que l'illusion de la postérité ?
Resterait à savoir si nous ne sommes jamais à la hauteur des oeuvres que nous nous imposons.
Mais ce qui en un
sens sauve tout est que nous sommes dans l'incapacité de nous faire à l'idée de notre propre disparition.
L'homme
se crédite toujours d'une action ou d'une oeuvre qu'il veut absolue.
On n'agit pas à moins, comme si nous étions à
nos yeux dépositaires de l'infini.
Aucun homme ne crée
d'oeuvre » intemporelle mais tous s'imaginent créer intemporellement.
L'homme ne crée que dans l'illusion d'être
immortel.
Créer suppose de croire.
Du coup, un même élan ordonne notre vie autour d'un projet essentiel.
La
temporalité se marque de la griffe de notre singularité.
Au fond, nous dirons que si d'un côté nous n'échappons pas
au temps parce que nous sommes asservis à son irréversibilité, cette même irréversibilité animée d'un projet
(impossible) qui la remplit singularise notre temporalité et nous aura soustrait à l'indistinction qui nous menace tous.
À ce moment notre temporalité devient la dimension singulière de notre être..
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