Peut-on se libérer du passé ?
Extrait du document
«
L'idée de "se libérer" du passé implique que d'une certaine manière nous sommes prisonniers de notre passé.
Comment comprendre cette idée du passé comme prison, qui ne va pas de soi (puisque, après tout, le passé est le
passé, il n'existe plus) ? En quel sens peut-on ou doit-on s'en libérer ? Si le passé joue un rôle de modèle, la vie ou
le présent est réduit à une répétition.
Le passé joue un rôle de déterminisme pour qui n'arrive pas à s'en libérer.
Dans quelle mesure le passé est-il la marque de ce que nous sommes, et dans quelle mesure pouvons-nous dépasser
notre passé ? En quel sens l'homme peut-il "revenir" sur son passé pour s'en libérer ? Se libérer, est-ce revenir sur
son passé ? Est-ce l'oublier ? La psychanalyse ne nous aide-t-elle pas au contraire à nous libérer du passé par sa
compréhension, son acceptation ? Le passé n'est-il pas donné une fois pour toutes, ce sur quoi l'on aurait d'autant
moins de prise et qui aurait donc d'autant plus de poids et d'influence qu'il n'existerait plus, qu'on ne pourrait pas
revenir sur lui ? Références utiles : Nietzsche, Deuxièmes Considérations inactuelles, "De l'utilité de l'histoire" ;
Sartre, L'Être et le Néant, "Le passé comme projet".
[On peut se libérer du passé]
Le poids du passé n'est pas fatal
Certes, les événements du passé ont eu une influence sur notre présent.
Les choix de mes aïeux, les événements
que je vis pendant l'enfance ont des répercussions sur ma situation actuelle.
Toutefois, cette influence n'est
aucunement une fatalité.
Sartre montrera que le sens de mon passé dépend de mes actes présents.
La signification du passé est étroitement dépendante de mon
projet présent.
Cela ne signifie nullement que je puis faire varier
au gré de mes caprices le sens de mes actes antérieurs; mais,
bien au contraire, que le projet fondamental que je suis décide
absolument de la signification que peut avoir pour moi et pour les
autres le passé que j'ai à être.
Moi seul en effet peux décider à
chaque moment de la portée du passé: non pas en discutant, en
délibérant et en appréciant en chaque cas l'importance de tel ou
tel événement antérieur, mais en me « pro-jetant » vers mes
buts, je sauve le passé avec moi et je décide par l'action de sa
signification.
Cette crise mystique de ma quinzième année, qui
décidera si elle « a été » pur accident de puberté ou au contraire
premier signe d'une conversion future? Moi, selon que je
déciderai - à vingt ans, à trente ans - de me convertir.
Le projet
de conversion confère d'un seul coup à une crise d'adolescence la
valeur d'une prémonition que je n'avais pas prise au sérieux.
Qui
décidera si le séjour en prison que j'ai fait, après un vol, a été
fructueux ou déplorable? Moi, selon que je renonce à voler ou que
je m'endurcis.
Qui peut décider de la valeur d'enseignement d'un
voyage, de la sincérité d'un serment d'amour, de la pureté d'une
intention passée, etc.
? C'est moi, toujours moi, selon les fins par
lesquelles je les éclaire.
• Structure du texte :
Dans un premier mouvement, la pensée de Sartre est théorique.
Thèse sur la signification du passé humain,
sur le caractère choisi et construit du passé.
Ensuite, une série d'exemples nous est présentée.
Passage de
l'abstrait au concret, de l'élucidation philosophique à l'illustration concrète.
1) « La signification du passé ...
sa signification » : mon « projet originel » et mon projet présent décident de
la signification de mon passé, lequel n'est donc pas un bloc figé.
a) « La signification...
projet présent » : énoncé de la thèse générale, selon laquelle le passé est informé par
le présent.
b) « Cela...
j'ai à être » : ce ne sont pas des déterminations arbitraires et fantaisistes qui décident de mon
passé, mais bien mon projet originel.
c) « Moi seul...
signification » : ma projection permanente vers le futur décide de mon passé.
2) « Cette crise mystique...
je les éclaire » : les exemples illustrent la thèse générale énoncée.
a) « Cette crise mystique...au sérieux » : exemple d'une crise mystique, d'une phase critique où j'ai eu le.
»
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