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Peut-on renoncer librement à la liberté ?

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« D'une façon générale est libre, le sujet qui dans une situation donnée, peut agir ou agit conformément à son jugement sur ce qu'il est bon de faire. Affirmer que l'on peut nier librement sa liberté, revient d'une part à faire de la liberté une potentialité que chacun est libre à sa guise d'actualiser.

Mais aussi c'est suggérer, non sans paradoxe, que nier sa liberté peut se faire au nom de la liberté, qu'il existe en un sens une servitude volontaire. Nous verrons en premier lieu qu'il est possible que l'homme renonce à la liberté et peut même se maintenir dans un état de servitude de façon plus ou moins volontaire.

Mais, et tel sera l'objet de notre seconde partie, renoncer à sa liberté, n'est-ce pas renoncer à sa condition d'homme ? Il sera aisé d'affirmer alors, et ce dans une ultime partie, que l'homme est condamné à être libre, que le renoncement à la liberté est encore une manière d'affirmer sa liberté, et qu'on ne peut en somme réellement nier sa liberté sans tomber dans la mauvaise foi. La servitude volontaire Le paradoxe de la servitude volontaire chez LA BOETIE Si un tyran peut, à l'origine, asservir les hommes par la force et la terreur, il ne peut se maintenir qu'avec leur consentement.

Les hommes ne sont pas esclaves par contrainte ou par lâcheté, mais parce qu'ils le veulent bien, car il suffirait de ne plus vouloir servir le tyran pour que son pouvoir s'effondre.

En effet, le tyran est infiniment faible comparé à la force du nombre : sa seule force, c'est celle que lui offrent ses sujets.

On peut aussi remarquer que ceux- ci ne manquent pas de courage, car ils pourraient combattre jusqu'à la mort pour leur tyran.

Ils font donc le choix incompréhensible de lui sacrifier leur liberté, aliénant par là leur être même. Cette « volonté de servir » peut s'expliquer par le fait que « la nature a en nous moins de pouvoir que la coutume » : les hommes élevés sous la tyrannie prennent le pli de la servitude.

Le tyran abrutit et corrompt ses sujets par le principe du pain et des jeux, consistant à« sucrer la servitude d'une venimeuse douceur ».

Il utilise la religion pour leur inculquer la dévotion, à travers des fables.

La Boétie évoque ici la croyance aux rois thaumaturges, c'est-àdire faiseurs de miracles (on leur prête la faculté de guérir les maladies), mais esquisse aussi une critique de la théorie du droit divin, ramenée à une histoire qu'on raconte.

Quant aux rares individus éclairés ayant gardé le désir de la liberté, le tyran les élimine ou les isole par la censure. Un seul homme ne pourrait jamais asservir tout un peuple sans une chaîne d'intermédiaires grâce à laquelle « le tyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres ».

Le secret de la domination réside en effet dans la complicité des « tyranneaux », ces « mange-peuples » qui soutiennent le tyran pour satisfaire leur ambition et leur cupidité.

Chaque maillon de la chaîne accepte d'être tyrannisé pour pouvoir tyranniser à son tour, démultipliant ainsi la relation de domination jusqu'à enserrer toute la population dans le filet du tyran. Le discours de la servitude volontaire de La Boétie propose d'analyser « comment s'est ainsi si avant enracinée cette opiniâtreté volonté de servir, qu'il semble maintenant que l'amour de la liberté ne soit pas si naturelle ».

La première cause de la servitude volontaire est la coutume.

Les hommes se sont tellement habitués à leur joug qu'ils ont perdu jusqu'au souvenir de ce qu'est la liberté.

C'est donc la force de l'habitude qui est l'ennemi principal de la liberté politique.

Il écrit au cours de ce discours : « C'est chose étrange d'ouïr parler de la vaillance que la liberté met dans le cœur de ceux qui la défendent ; mais ce qui se fait en tous pays, par tous les hommes, tous les jours, qu'un homme maltraite cent mille et les prive de leur liberté, qui le croirait, s'il ne faisait que l'ouïr dire et non le voir ? Et, s'il ne se faisait qu'en étranges et lointaines terres, et qu'on le dit, qui ne pensait que cela fût plutôt feint et trouvé que non pas véritable ? Encore ce seul tyran, il n'est pas besoin de le combattre, il n'est pas besoin de le défaire, il est de soi-même défait, mais que le pays ne consente à sa servitude ; il ne faut pas lui ôter rien, mais ne lui donner rien ; il n'est pas besoin que le pays se mette en peine de faire rien pour soi, pourvu qu'il ne fasse rien pour soi.

Ce sont donc les peuples qui se font gourmander, puisqu'en cessant de servir ils en seraient quittes ; c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal ou plutôt la pourchasse ». L'asservissement est issu d'un choix, en un sens le peuple pour La Boétie choisit de ne pas être libre, il le décide librement.

Mais la servitude volontaire prend la forme d'une faiblesse.

Puisqu'il précise plus loin : « c'est la liberté, qui est toutefois un bien si grand et si plaisant, qu'elle perdue, tous les maux viennent à la file, et les biens mêmes qui demeurent après elle perdent entièrement leur goût et leur saveur, corrompus par la servitude : la seule liberté, les hommes ne la désirent point, non pour autre raison, ce semble, sinon que s'ils la désiraient, ils l'auraient, comme s'ils refusaient de faire ce bel acquêt, seulement parce qu'il est trop aisé ». »

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