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Peut-on penser la mort ?

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« L'homme a conscience de sa mortalité.

Comment peut-il ne pas penser à la mort ? Cette conscience peut-elle être réprimée à volonté ? Puisque l'homme est conscient de la mort, il paraît difficile qu'il ne cherche pas à la connaître.

Pourtant, comment penser une idée qui ne peut pas être vécue en soi, la mort étant la fin de toute pensée ? La mort étant néant de pensée, comment concevoir une pensée de la mort ? Penser la mort paraît assez vain, puisque nous ne pouvons avoir aucune idée de son contenu.

Si nous n'avons pas la capacité d'avoir une idée précise de la mort, nous sommes confrontés à elle durant notre existence.

Doit-on l'ignorer, ou au contraire la penser ? N'y a-t-il pas une nécessité de penser la mort, pour prendre conscience de son existence, de l'importance de celle des autres ? Ou au contraire n'y a-t-il pas un devoir de la laisser hors de notre esprit, pour qu'elle ne nous rende pas mélancolique, qu'elle ne ternisse pas notre présent (voir Lettre à Ménécée d'Épicure) ? Autres références utiles : Jankélévitch ; les existentialistes (Heidegger, Kierkegaard). Comment se projeter au-delà de ce qui est ? La mort au sens biologique marque la fin d'une existence individuelle.

Elle signifie donc une limite fixée à ce qui a une durée.

La mort étant un rien, ce qui n'existe pas ou plus précisément ce qui est de l'autre côté de l'existence, peutelle être pensée? Dans une nouvelle de Sartre qui date de 1939, un des personnages nommé Pablo, qui est sur le point d'être fusillé, cherche à jeter sa pensée de l'autre côté du mur, de manière à concevoir sa mort.

En vain, car de l'autre côté, il n'y a rien de pensable.

Comment se projeter au-delà de ce qui est ? La mort, ne pouvant être sentie ou ressentie, ne peut être connue.

Et quand je suis mort, je ne suis plus là pour en parler.

L'apôtre Jean est le seul à raconter le miracle d'une vraie résurrection : celle de saint Lazare.

Or ce dernier, qui a séjourné au royaume des morts pendant trois jours et trois nuits, reste étrangement silencieux.

Comment parler, en effet, du vide et du non-être? Ne faut-il donc pas, avec Jankélévitch, considérer que la plénitude de l'existence est plus forte que la mort et que penser le non-être équivaut à une non-pensée? Parler de la mort, n'estce pas encore parler de la vie? L'expérience du temps qui passe. On peut toutefois se demander si la mort n'est qu'un événement qui nous est extérieur.

Ne fait-elle pas, d'une certaine manière, partie de nous? Notre être-pour-la-mort ne se révèle-t-il pas dans l'expérience du temps qui passe? Ce présent qui se passéifie sans cesse, ne signifie-t-il pas qu'à un moment X je disparaîtrai aussi? Notre conscience n'est-elle pas ce pouvoir de néantiser ce qui est? Avoir conscience, n'est-ce pas, en effet, se dédoubler, se séparer de soi, mourir un peu? La mort n'est-elle pas inscrite au plus profond de nous, comme une certitude inséparable de notre destin? N'est-ce pas, dès lors, elle qui donne un sens et une valeur à notre vie ? "La mort n'est rien pour nous...

" EPICURE. - On trouve la formule «Habitue-toi à penser que la mort n'est rien par rapport à nous» dans la Lettre à Ménécée qu'Épicure (341-270 avant J.-C.) envoie à l'un de ses disciples pour lui enseigner la philosophie, c'est-à-dire le moyen de se procurer le bonheur. En effet, Épicure écrit dans une période extrêmement sombre, où les cités grecques connaissent le déclin, où la misère politique et économique s'instaure.

Le but que poursuit notre auteur est de permettre à l'individu d'accéder au bonheur. - Dans les « sombres temps » où écrit Épicure, si les hommes se proposent toujours comme but le bonheur, ils ne peuvent plus le penser, comme le faisait la tradition grecque, au sein d'une cité harmonieuse.

L'époque est une période de violence et d'incertitude, où l'individu se retrouve seul face à luimême, privé des solidarités traditionnelles.

Deux écoles philosophiques importantes et rivales vont tenter d'offrir à chacun un «salut» individuel, toutes deux en lui proposant de vivre «conformément à la nature» : le stoïcisme et l'épicurisme. La Lettre à Ménécée s'ouvre sur ce constat que tous les hommes recherchent le bonheur, mais en aveugles ; c'est-à-dire sans savoir ni le définir, ni par quelle voie l'atteindre.

La philosophie, elle et elle seule, permet d'accéder au bonheur parce qu'elle connaît la méthode pour y parvenir.

Dans celle-ci les deux premiers remèdes sont de ne pas craindre les dieux et de ne pas redouter la mort. Crainte de la mort et souci religieux sont liés.

Les hommes désirent l'immortalité, mais redoutent le jugement divin. De plus «La foule tantôt fuit la mort comme le plus grand des maux, tantôt la désire comme le terme des misères de la vie»: c'est dire que l'incertitude de notre sort futur pourrit notre existence.

D'autres hommes enfin tiennent le raisonnement suivant, décrit par Lucrèce (disciple romain d'Épicure, 98-55 av.

J.-C.) : « Désormais il n'y aura plus de maison joyeuse pour t'accueillir, plus d'épouse excellente, plus d'enfants chéris pour courir à ta rencontre [...] tu ne pourras plus assurer la prospérité de tes affaires et la sécurité des tiens.

» Bref, regret de la vie et de ses joies, souci du souvenir que les autres garderont de nous, peur de la douleur, tout. »

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