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Peut-on parler d'un droit à la différence ?

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« VOCABULAIRE: DROIT: a° Un droit: liberté d'accomplir une action (droit de vote); possibilité d'y prétendre ou de l'exiger (droit au travail, droit de grève). b° Le droit: ce qui est légitime ou légal, ce qui devrait être, opposé au fait, ce qui est. c° Ce qui est permis par des règles non écrites (droit naturel) ou par des règles dûment codifiées (droit positif). Le droit positif est l'ensemble des règles qui régissent les rapports entre les hommes dans une société donnée.

Le droit naturel est l'ensemble des prérogatives que tout homme est en droit de revendiquer, du fait même de son appartenance à l'espèce humaine (droit au respect). Le sujet proposé commence par la formule canonique : peut-on ? Il faut s'interroger sur elle.

Est-il possible ? Estil permis ? légitime ? Que signifierait alors précisément ce droit-là ? Le droit a-t-il à voir avec les différences individuelles ? Doit-il s'en soucier ? Le droit est précisément là pour permettre la coexistence des libertés, éventuellement antagonistes.

On peut questionner le concept de droit : si le droit renvoie bien à l'idée d'égalité, alors le terme de droit à la différence semble contradictoire puisque bien au contraire le droit annule le différent pour penser une égalité devant la loi, égalité certes seulement juridique.

Peu importe que je sois vert, rouge, jaune, peu importe ma préférence sexuelle, mon sexe lui-même, ma religion, etc, la loi est et doit être la même pour tous.

Elle s'applique et doit s'appliquer de manière égale.

La différence est donc à priori une revendication contraire au droit et c'est cela qu'il conviendra de montrer en premier lieu.

Le droit (entendu comme le juste ou plus exactement l'ensemble des dispositifs qui s'enracinent dans la notion de justice) a un rapport à l'universalité et à l'égalité.

La loi est censée s'appliquer à tous de la même façon, c'est-à-dire en faisant abstraction des différences et en postulant l'existence d'un sujet abstrait, le sujet de droit.

On ne peut que conclure à première vue à l'incompatibilité entre la généralité du droit et la notion de différence.

À propos de cette généralité, on peut se reporter par exemple à la définition du "Contrat social" de Rousseau ou bien au livre V de l'Éthique à Nicomaque qui pose sur le thème de la justice une série de distinctions capitales.

Mais cette généralité du droit n'est-elle pas un peu formelle et vide, voire incompatible avec la justice et l'égalité réelles ? En effet, la justice, l'égalité peuvent s'entendre dans deux sens. Soit de façon formelle : la justice et l'égalité désignent ce qui s'applique de la même façon à tous.

Soit de façon plus factuelle : la justice et l'égalité réelles renvoient au dispositif qui permet aux hommes, inégaux dans les faits (par leur âge, leur sexe, leur richesse, leur nationalité...), de vivre de façon moins injuste, voire plus injuste du tout. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'entre un riche et un pauvre, un vieux et un jeune...

il y a une différence que la vraie justice doit essayer de corriger, ce qui ne peut passer par une application à tous de la loi mais par un système de " discriminations positives " qui favorisent ceux que la réalité défavorise.

L'institution de maisons de retraite subventionnées par l'État aux yeux d'un droit rigoureusement formel constitue une injustice : pourquoi offrirait- on des " logements " aux personnes âgées mais pas au reste de la population ? Le droit réel répond : parce qu'il y a une fragilité inhérente à la vieillesse qu'une loi vraiment juste se doit de prendre en compte.

Ce à quoi le droit formel peut rétorquer que la reconnaissance de l'inégalité et de la différence autorise toutes les dérives.

Si on traite différemment les personnes âgées, les personnes pauvres...

Mais attention : ce raisonnement ne peut-il pas conduire aussi à l'établissement de différences entre les races ? Pourquoi cette différenciation serait-elle nécessairement positive ? Le paradoxe est donc le suivant : le droit prétend être source d'égalité, mais pour parvenir à cette égalité faut-il qu'il s'applique à tous de la même manière ou faut-il qu'il tienne compte des différences et essaye de corriger les inégalités de fait ? Les récents débats sur la parité des femmes en politique pourraient servir de point de départ.

Dès lors, que signifie par rapport à cette idée d'égalité cette revendication courante d'un droit à la différence ? Références utiles : le texte du Gorgias où Socrate est opposé à Calliclès : la force est précisément la différence selon ce dernier et pour lui le droit est l'artifice des faibles pour annuler les différences de nature (fort/faible, beau/laid, etc.). Le droit à la différence est-il un droit sans limite ? Qu'est-ce que c'est le droit à la différence ? S'agit-il d'un droit ou d'une nécessité ? Pourquoi ? Parce que la différence, avant d'être un droit, c'est surtout un fait.

Donc réclamer un droit à la différence, c'est réclamer une caution juridique pour ce qui existe déjà.

À quoi bon ? Souvent, justement parce que, dans les faits, cette différence est difficilement admise, voire maltraitée (racisme, intolérance).

Le droit est alors appelé au secours de la différence pour l'institutionnaliser.

Mais la démarche du droit consiste avant tout à mettre sur le même plan, à universaliser, et non à différencier.

En effet, quand le droit met à égalité les gens de races, origines ethniques, origines sociales, religions différentes dans un pays, il répond à un droit à la différence, mais précisément, il abolit les différences.

Au contraire des tenants de l'apartheid, qui précisément faisaient une différence juridique forte entre les blancs et les noirs.

Ici, le droit à la différence, c'est donc le droit à l'indifférence devant la différence : faire en sorte que ces différences de fait n'impliquent pas de différences de droit.

Mais s'agit-il de revendiquer la spécificité de certains groupes (ethniques, culturels, sociaux), et de leur accorder des privilèges, qui consistent d'ailleurs souvent en une exception ? Le droit à la différence peut-il cautionner des barbaries ? En effet, le droit à la différence ne peut-il être la marque d'une passivité : ne jugeons pas ce qui est différent de nous, ce qui nous est étranger, donc n'intervenons pas dans les conflits des autres ? Le droit à la différence ne peut pas être sans limites. C'est pourquoi, avant les droits positifs, qui sont les droits de chaque pays, il doit y avoir un fondement du droit qui s'applique à tous les hommes, et c'est le droit naturel, dont la Déclaration des Droits de l'Homme peut être considérée comme un des symboles.

Certains droits sont universels et précèdent les différences, des droits auxquels on ne peut toucher.

La limite du droit à la différence, ce serait donc lorsqu'il est utilisé pour porter atteinte aux droits naturels de l'homme.. »

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