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Peut-on parler d'art populaire ?

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« VOCABULAIRE: ART: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive. Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté. Problématique: Une forme esthétique peut être largement appréciée, sans pouvoir être qualifiée de "populaire" ou démagogique.

Un art populaire est un art qui s'adresse explicitement au peuple, voire au prolétariat.

Or, une oeuvre d'art exprime une nécessité interne de l'artiste, et ne vise pas d'abord un public. Introduction « Le sens de la beauté n'appartient qu'à quelques-uns » (Horace).

Le cinéma lui-même, l'art le plus populaire, n'est-il pas aussi socialement divisé ? d'un côté le cinéma commercial, produit pour la masse et, de l'autre, le « cinéma d'auteur », réservé au happy few des gens cultivés ? On voit que le rapprochement de l'art et du peuple fait problème ; mais faut-il entendre par « art » les seuls « beaux-arts » et par « peuple » la seule multitude inorganisée, la masse amorphe des individus déracinés par la révolution industrielle ? I - Les raisons du clivage a) Les statistiques sont formelles, il faut être l'héritier (Bourdieu) de milieux aisés pour apprécier comme pour produire une oeuvre d'art ; le sachem iroquois n'appréciera jamais, à Paris, que les rôtisseries (Kant). b) La culture de masse entièrement soumise à la demande publique et aux pressions commerciales (cf.

la tyrannie de l'audimat), considère l'art comme une évasion, n'engage que des préoccupations superficielles, ne produit que des stéréotypes éphémères, dépourvus de toute créativité dont le conformisme concerne aussi bien le contenu que la forme.

L'art qui ne vit que de ruptures novatrices est et doit être essentiellement anti-populaire. c) Ce clivage entre l'art élevé et savant et les divertissements vulgaires remonte à la fondation de l'esthétique qui a creusé le fossé entre l'art et la réalité. Mais l'art identifié aux seuls beaux-arts, coupé des énergies vivifiantes propres aux formes créatrices d'expression populaire, ne risque-t-il pas ainsi de dépérir ? II - L 'art vivant contre l'art des musées. a) Ce concept de l'« art » est un produit historiquement déterminé, inventé non pas pour unir les hommes mais pour les diviser : pour séparer, pour « distinguer » le peuple de ses « élites ».

L'ésotérisme de « l'art contemporain » a porté à son comble cette fracture. b) Mais ce concept de l'art est, à l'évidence, idéologique et étriqué ; l'art en effet a toujours fait partie intégrante de la vie de tous les peuples car il plonge ses racines dans ses fonctions vitales les plus élémentaires et les plus universelles.

Le théâtre qu'il soit grec, élisabéthain ou médiéval, a, par exemple, d'abord été un divertissement populaire. c) Les grands créateurs ont puisé aux sources populaires pour se démarquer de l'art académique ; c'est en renouant avec l'extraordinaire inventivité de la langue du peuple comme avec son sens subversif de la fête que des écrivains comme Rabelais ont pu s'affirmer.

A côté de l'art officiel, il y a donc toujours un art non conformiste et subversif comme le jazz et le rock, modes d'expression populaire d'abord décriés par l'establishment. Si le grand art est « socialement coupable » (Adorno) faut-il pour autant brûler Raphaël et demander aux artistes de rejoindre le peuple pour « changer la vie » ? III - Le peuple origine et destinataire de l'oeuvre d'art en demeure pourtant séparé a) Soutenir que telle est la mission de l'art est pourtant une affirmation gratuite et une escroquerie.

Si l'art peut exprimer la révolte à l'égard de la réalité, inévitablement, il purifie les affects et transforme en jouissance esthétique la réalité qu'il voulait dénoncer.

L'art en aucun cas ne saurait être un moyen efficace d'agir sur les masses à moins de le dénaturer comme le firent Hitler (kitsch totalitaire) et Staline (réalisme socialiste). b) Contre le populisme esthétique, contre la dangereuse idolâtrie du peuple - quel crime n'a-t-on pas commis en son nom ! - il faut affirmer que l'art a toujours été d'un accès difficile.

Faut-il rappeler l'indifférence ou l'hostilité avec lesquelles ont été accueillies toutes les oeuvres novatrices ? c) La croyance des tenants de l'art brut en la spontanéité créatrice de tout un chacun est démagogique et illusoire ; il n'y a pas d'art sans école et sans tradition, sans transmission de génération en génération, de règles, de coutumes, d'habitus. Conclusion Contre le mythe romantique de la solitude du génie, on peut parler c'est possible et c'est souhaitable - d'art populaire mais uniquement en ce sens : l'art procède du peuple et doit s'adresser à lui, puisqu'il a vocation à l'universel : ne faut-il donc pas imaginer que s'efface un jour la frontière qui oppose le grand art et l'art populaire ? et, effectivement, les grandes oeuvres d'art ne sont-elles pas grandes uniquement parce qu'elles sont accessibles et compréhensibles à tous ?. »

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