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Peut-on faire naître une passion ?

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« Introduction On dit souvent que la passion nous emporte, nous fait faire des folies...

Maîtriser l'expression de nos passions semble donc une tâche particulièrement difficile.

Davantage encore celle de faire naître une passion : car si on la faisait naître, ne serait-on pas quelque part les maîtres de celle-ci ? Comment concilier dès lors l'impossibilité de contrôler entièrement son expression avec la possibilité néanmoins de la faire advenir ? Pour répondre à cette question, nous nous demanderons ceci : quelle est l'origine d'une passion humaine ? Cette origine est-elle libre ou déterminée ? Et quelle conséquence cela peut-il avoir sur la maîtrise et la légitimité rationnelle de cette passion ? I Nos passions sont inconsciemment déterminées : Spinoza et Freud -Spinoza.

Le désir est pour Spinoza chez l'homme complètement déterminé par la série des causes extérieures du monde.

Un désir dont les causes déterminantes ne sont pas connues est une passion : elle relève d'une ignorance fondamentale quant à sa propre origine, et relève d'une confusion de l'entendement.

Dès lors, il est impossible de faire naître une passion par notre volonté : c'est seulement la faiblesse de notre connaissance qui fait apparaître ces illusions passionnelles (Ethique). -Freud : dans Le ça et le moi, Freud va plus loin que Spinoza : il affirme également que les désirs humains sont déterminés par les pulsions inconscientes du ça et les normes morales exprimées par le surmoi, mais que le processus génétique de la conscience fait que celle-ci exprime une passion de liberté.

Cette passion, vectrice d'illusions, est irréductible.

Dès lors, on doit conclure que non seulement on ne peut consciemment faire naître les passions, mais on ne peut non plus volontairement les faire disparaître. II La conscience comme origine d'une passion légitime : Kant et Platon -Kant : cependant, si les passions inconscientes échappent à notre contrôle, nous pouvons les contrecarrer par le biais de passions rationnelles, issues de notre conscience légitime.

Le respect est ainsi un sentiment de soumission à la loi morale, sentiment mêlé de crainte mais qui fonde aussi la dignité humaine.

Cette passion naît d'un acte libre d'universalisation de ma volonté qui se mue en un "devoir", expression de la loi morale, laquelle suscite ce sentiment de respect (Critique de la raison pratique).

Faire naître une passion ne peut donc être que le fruit d'un acte conscient de raison, un acte de fondation de notre liberté. -Platon : cette sphère morale n'est-elle pas dès l'origine celle de la philosophie même ? Car la philosophie elle-même semble comprendre la raison mais également une forme de passion : la passion de la vérité.

Ainsi, la sortie de la Caverne ne peut se faire que par une violente et pénible réaction contre les images fallacieuses du monde empirique : cette réaction ne peut être originellement qu'émotionnelle, passionnée, non rationnellement fondée, mais relevant d'un désir de contemplation, d'une passion pour la vérité (La République).

Dès lors, on arrive à un point paradoxal : le fondement de toute possibilité de passion consciente et philosophique présuppose déjà une passion inconsciente de philosopher. III Affirmer une liberté inconsciente des passions pour en créer de nouvelles : Nietzsche -Nietzsche n'oppose pas des passions légitimes car rationnelles à des passions illégitimes car inconscientes.

Pour lui, la raison est une passion comme une autre, sauf qu'elle ne veut pas se dévoiler comme passion, alors qu'elle n'est en fait qu'un composé des autres passions élémentaires.

C'est donc une passion humaine plus raffinée, mais si les autres sont en dehors de notre pouvoir quant à leur apparition, celle-ci n'échappera pas à la règle (Le gai savoir). -Mais Nietzsche ne pense pas les autres passions comme déterminées, non libres.

Elles sont pour lui une expression de liberté qu'il faut soutenir, affirmer le plus possible : nous pouvons donc faire apparaître de nouvelles passions sur les bases des passions élémentaires en affirmant celles-ci.

A l'inverse, celles que nous n'affirmons pas comme passions inconscientes, comme c'est le cas pour la raison, ont toutes les chances de demeurer des passions qui nous gouvernent entièrement, malgré leur prétention à fonder le contraire (Ecce homo).

Nietzsche partage donc avec Freud le diagnostic d'une irréductibilité des passions, mais il pense, lui, que nous les surmonter en considérant pratiquement leurs déterminations inconscientes comme des possibilités libres de vie à explorer. Conclusion -Nous ne pouvons décider de faire naître ex nihilo une passion, qu'elle soit consciente, rationnelle, ou non. -Par contre, nous pouvons métamorphoser cette passion, la rendre plus active, en connaissant ses déterminations, sa nature (Spinoza), et en se l'appropriant de façon volontaire (Nietzsche). -Ainsi, ce sont ces processus de transformation qui sont les réelles naissances des passions : celles-ci ne naissent pas indépendantes les unes des autres, mais liées dans un flux affectif continu que l'homme doit s'approprier, de manière à mieux en maîtriser les variations.

Faire naître une passion par notre propre action, c'est donc la faire renaître comme nôtre, et non plus existant comme mouvement étranger à nous, à notre conscience.. »

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