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Peut-on distinguer une oeuvre d'art d'un objet quelconque?

Extrait du document

« Il s'agit ici de se demander à partir de quel moment il y a art.

Un objet quelconque est un objet issu par exemple de la production industrielle, fabriqué en série, il ne se démarque en rien des autres objets de la série.

Il peut être quelconque car il est fabriqué en matériaux médiocres, il peut être mal fini, bâclé, purement utilitaire et construit sans soin.

Au contraire un objet d'art serait fabriqué avec attention, de manière soigneuse, en petite série ou même à exemplaire unique, il serait le résultat d'un travail créatif et original, et il aurait pour qualité d'avoir une certaine beauté, et de ressortir avec éclat des autres objets de la vie quotidienne.

Mais à l'heure du design, de l'art contemporain, il devient difficile de distinguer ces deux types d'objets.

Un objet issu d'un grand designer peut être produit en grande série, une œuvre d'art peut être reproduite avec minutie.

Cette distinction a-t-elle encore lieu d'être ? 1) Les procédés de l'art et sa beauté. On reconnaîtra l'art du reste des objets par les procédés qui ont été mis en place pour réaliser cet objet.

Il y a aura une création à l'origine de cet objet, une intention artistique visant à créer une émotion.

L'objet artistique sera bien souvent en dehors du circuit d'utilité des objets ordinaires.

On reconnaîtra une certaine facture, un savoirfaire, une certaine patine que ne possèdent pas les objets ordinaires.

L'art a une visée plus haute que la simple satisfaction des désirs, il a un but qui intéresse l'esprit.

Pour Hegel dans son Esthétique, L'art dégage la vérité des apparences et la doté d'une réalité plus haute crée par l'esprit lui-même.

L'objet existe pour lui-même.

La contemplation esthétique ne satisfait que des intérêts spirituels.

L'art est au milieu du sensible immédiat et de la pensée pure.

Le sensible de l'art n'intéresse que nos sens intellectuels.

Nos sens intellectualisés sont la vue et l'ouïe, tandis que le goût, le toucher, l'odorat s'occupent des choses plus matériels.

Donc dans l'art, le sensible est spiritualisé.

On reconnaîtra un objet d'art à ce qu'il ne sert pas à satisfaire les besoins humains.

L'objet artistique, culturel se démarque des autres objets dans la mesure où il a une signification qui dépasse le milieu parfois étroit qui l'a vu naître. Hegel rompt avec Kant, pour qui la beauté naturelle tient une large part.

La contemplation de la belle nature accorde mystérieusement l'imagination et l'entendement.

Hegel rejette la beauté naturelle, car la beauté artistique étant un produit de l'esprit lui est nécessairement supérieure.

C'est pour nous et non en soi et pour soi qu'un être naturel peut être beau.

L'imitation de la nature n'est donc pas de l'art, tout au plus un exercice d'habileté, par lequel on imite le Créateur.

Il y a plus de plaisir à fabriquer des outils ou des machines qu'à peindre un coucher de soleil.

La valeur de l'art est tout autre : c'est l'esprit à l'oeuvre, qui s'arrache de la nature en la niant.

Au moyen de l'art, l'homme se sépare de la nature et se pose comme distinct.

L'art peut donc faire l'objet d'une science, pense Hegel, il suffit d'en montrer la nécessité rationnelle dans l'histoire de l'humanité.

L'oeuvre d'art ne décrit pas une réalité donnée, elle n'est pas faite pour notre plaisir, mais l'art est en son essence une intériorité qui cherche à s'exprimer, à se manifester ; c'est un contenu qui cherche une forme, un sens qui veut se rendre matériel.

On ne peut le condamner pour son apparence, car il faut bien à la vérité une manière de se montrer.

L'art étant historiquement la première incarnation de l'esprit, il se confond d'abord à la religion : la religion grecque est l'art grec lui-même.

Ce sont Homère et Hésiode qui ont inventé les dieux grecs.

Cet âge d'or de l'art, que Hegel définit comme "classique", sera dépassé par l'art romantique avec l'apparition du christianisme. La religion chrétienne est essentiellement anthropomorphique : le divin est le Christ, soit une pure individualité charnelle, qui a souffert et qui est morte en croix.

Seul l'art peut ici donner une représentation charnelle de ce divin, dont le passage historique a été fugitif, et si l'art est mort dans notre société moderne, c'est probablement pour la raison que la spiritualité chrétienne ne suffit plus tout à fait aux besoins de l'esprit. Le beau est une idée, soit l'unité d'un concept et de la réalité.

Le concept est l'âme tandis que la réalité en est l'enveloppe charnelle.

Le beau est donc la manifestation sensible de cette unité ; il exprime une réconciliation.

Il est naturel qu'il échappe à l'entendement qui sépare et qui divise, de même qu'à la volonté qui cherche à soumettre l'objet à ses propres intérêts.

Tout ce qui est libre, indépendant, infini, conforme à la seule nécessité de son concept, peut être dit beau.

De plus, un bel objet est vrai, puisqu'il est conforme à son être.

Cela implique qu'aucun organisme vivant ne pourra être beau, parce que soumis au besoin, il n'a pas de véritable liberté.

Seule la beauté artistique peut être accomplie : elle représente l'idéal.

L'idéal est soustrait de la vie quotidienne imparfaite et inauthentique.

Il incarne l'universel dans l'individualité absolument libre et sereine : le symbole en est l'individualité apollinienne, perfection d'harmonie et de forme, sérénité conquise sur la douleur.

En un sens, cette beauté idéale est hors du temps et de l'histoire, symbole de l'éternité.

Si cet idéal de beauté est désormais révolu, alors qu'il culminait dans l'art grec, c'est que l'organisation sociale et la production économique sont devenues prévalentes, soudant les individus dans des rapports de besoin, d'échange et de travail complexes et étroits.

L'Idéal ne peut plus s'incarner dans l'art, il s'est incarné dans l'État et la politique à la fin du xixe siècle et au cours du xxe siècle.

On peut toutefois remarquer qu'à notre époque présente, ces deux formations ne semblent plus animées par les aspirations spirituelles les plus hautes des individus et de la collectivité.

Nous vivons dans l'ère du nihilisme que Nietzsche avait diagnostiquée à la fin du xixe siècle.. »

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