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Peut-on dire d'une coutume qu'elle est barbare ?

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« -Juger un homme ou une culture quand à son degré plus ou moins élevé d' "humanité", c'est porter un jugement d'appréciation qui prend pour critère objectif notre propre évaluation sur ce qui doit constituer l'humanité. -Ainsi, dire qu'une coutume est barbare, cela revient tout aussi bien à affirmer par contraste le haut degré d'humanité de la nôtre ; c'est donc tout aussi bien révéler la teneur de notre propre culture particulière. -Or, affirmer le caractère barbare d'une coutume particulière, n'est-ce pas, par là même, caractériser notre propre culture comme une culture négatrice et incapable de tolérance, donc précisément comme une culture "barbare" ? La barbarie n'est-elle pas tout autant dans celui qui juge que celui qui est jugé comme barbare ? I.

La "barbarie" est la caractéristique de ce qui est étranger à notre civilisation. -Perspective grecque : un "barbare" est un homme qui n'articule pas correctement son langage, c'est celui qui s'exprime davantage par des cris que par un langage articulé.

Un barbare est donc un "sauvage" (au sens latin de silva, forêt), c'est-à-dire un animal qui n'a de l'homme que l'apparence physique. -Néanmoins, le sauvage n'est pas si étranger à l'humanité que l'on pense : l'historien grec Hérodote a exorcisé le "chauvinisme" grec en relativisant la culture hellène par sa comparaison avec d'autres coutumes étrangères.

L'esprit grec a compris que l'hellénisme ne constitue qu'une forme particulière de culture, et que les "barbares" ont bien plus de points communs que l'on pense avec les peuples qui se disent "civilisés". II.

La tolérance est l'idée par laquelle l'amalgame entre étrangeté et barbarie doit être rendue caduque. -Diderot, Supplément au voyage de Bougainville : non seulement les cultures exotiques (en son sens étymologique de culture recélant une extériorité, une étrangeté radicale par rapport à la nôtre) ne sont pas barbares, mais à travers leur examen on peut même prendre conscience de la barbarie que peut recéler notre propre culture, dans son non-respect du droit naturel. -L'idée de tolérance permet de relativiser les cultures : notre culture diffère d'une autre, mais cette différence ne doit pas être l'occasion d'une hiérarchisation par rapport à un hypothétique degré d'humanité.

Car ce sur quoi doit se fonder une culture ou une coutume proprement humaine, c'est le respect du droit naturel, qui se fonde notamment sur le respect de la liberté naturelle.

C'est ce respect fondamental de la liberté naturelle qui doit constituer le critère de tout jugement accusant une coutume donnée de "barbare".

Ce n'est donc pas une culture en son ensemble qui peut être qualifiée de "barbare", mais une pratique, une coutume donnée à l'intérieur même de cette culture. III.

Le jugement de barbarie révèle davantage la barbarie de celui qui l'énonce. -Lévi-Strauss : toute civilisation, toute culture particulière est naturellement portée à juger une culture étrangère à la sienne comme barbare, en tant précisément qu'étrangère.

Un village peut considérer les habitants d'un village étranger mais situé à proximité comme des non-hommes, en raison de leur caractère d'extériorité. «Habitudes de sauvages», «cela n'est pas de chez nous», etc.

Autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères.

Ainsi l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare ; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens.

Or, derrière ces épithètes se dissimule un même jugement : il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l'inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain ; et sauvage, qui veut dire «de la forêt», évoque aussi un genre de vie animale par opposition à la culture humaine.

Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité culturelle; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit." Claude Lévi-Strauss, Race et histoire (1970), Unesco. Ce que défend ce texte: Claude Lévi-Strauss tente de montrer dans ce texte que la notion de « sauvage » qu'on oppose traditionnellement à celle d'« homme civilisé », n'est qu'un mythe.

Certes, ce terme, qui dérive du latin silva, signifie au sens étymologique « qui vient de la forêt », et évoque le genre de vie animale, comme dans l'expression « bête sauvage », par opposition à la vie de l'homme dans des sociétés organisées par la culture. Mais le mot « sauvage » fait l'objet d'un emploi révélateur qui ne concerne ni la vie animale ni même celle des premiers hommes préhistoriques.

Il est utilisé en tant qu'il porte en lui un jugement de valeur péjoratif que l'on retrouve également dans le mot « barbare ». Ce dernier terme a pour origine probable, selon Lévi-Strauss, la désignation du chant inarticulé des oiseaux, par opposition au langage humain.

Mais ni le mot «sauvage», ni le mot «barbare» ne se réduisent à qualifier la nature par. »

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