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Peut-on concevoir une société sans l'État ?

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« VOCABULAIRE: SANS: A l'exclusion de, exprime l'absence. ÉTAT: 1) A vec une minuscule, manière d'être, disposition (un état d'esprit). 2) A vec une majuscule, un ensemble d'individus soumis à une même autorité politique, ou plus précisément cette autorité politique elle-même.

L'État c'est le gouvernement et l'ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité. 3) État de droit: tout État qui s'applique à respecter la personne et à garantir les libertés individuelles. 4) Raison d'État: motif d'intérêt public invoqué par l'État pour justifier une action contraire à la loi ou à la morale. Société : association d'individus qui constitue le milieu où chacun s'intègre.

Toute espèce vivante est plus ou moins sociale ; mais tandis que les sociétés animales sont naturelles et gouvernées par l'instinct, les sociétés humaines, organisées selon des institutions mobiles, véhiculent une culture. L'État est l'ensemble des institutions publiques détentrices dans leur ensemble d'une certaine prééminence sur tout ce qui touche à la société : pouvoir législatif, monopole des forces de police et de la Justice notamment).

Il semble donc difficilement séparable de la notion de société (sauf dans un état totalitaire, où la notion de société devient problématique).

M ais qu'en est-il de la société, n'existe-t-il pas des sociétés sans État (sociétés primitives) ? Parle-t- on encore de "société" dans ces cas-là ? La communauté dite primitive vit selon des règles quasi-organiques qui la dispensent d'État ; mais une fois que la communauté des hommes ne vit plus selon des règles immanentes assurant la perpétuation de l'équilibre social, qu'en est- il ? Le pouvoir politique est-il nécessaire à une société, l'idée de stabilité et de sécurité suffisent- elles à le justifier ? L'État permet à la société de se développer et d'exister (selon Hegel : la volonté de l'État réalise l'essence de l'homme, sa liberté).

La société peut-elle se contenter d'un état minimal (l'État libéral) ? En effet, quand celui-ci devient proéminent, ne devient-il pas injuste, ne va-t-il pas contre les intérêts de la société ? L'État n'est-il pas paradoxalement le garant de la société par sa capacité à la modifier ? On parle généralement de sociétés « primitives » pour désigner des sociétés non occidentales dont la particularité est d'être « sans État ».

Il s'agit de groupes sociaux formant unité, mais qui ne possèdent pas d'organe séparé du pouvoir politique.

Dans cette absence de « roi » et de loi, on lit généralement la marque d'un déficit, qui signale surtout, au-delà de tout ethnocentrisme, une difficulté pour notre pensée : si ces sociétés ne s'organisent pas selon la division entre dominants et dominés, comment comprendre cette logique singulière d'un chef sans autorité, d'un pouvoir impuissant, d'une institution sans substance ? L'organisation d'une société suppose-t-elle la hiérarchisation et la domination ? 1. Qu'est-ce qu'une société sans État ? A ~ Le paradoxe d'un chef sans autorité. q Les sociétés indiennes d'A mérique du Sud sont l'exemple d'une organisation singulière du pouvoir, puisque la communauté se donne un chef, mais ce chef n'est pas un chef d'État.

dans sa fonction diplomatique et guerrière, le chef parle au nom de la communauté, et prend en charge l'affirmation de son autonomie, mais aucune décision n'est imposée ensuite au reste du groupe : il est au contraire à son service. q C e « chef » porte donc un nom paradoxal, il n'est pas comme n'importe quel ministre des A ffaires étrangères.

En fait, il exécute seulement la volonté explicite de la tribu, et risque d'être destitué s'il commence à « faire le chef »...

Pour résorber les conflits qui peuvent surgir, il a pour seul moyen son prestige, et l'usage exclusif de la parole, pour persuader les individus ; prestige ne signifie pas pouvoir, puisqu'il arbitre mais ne juge pas.

Il tente de persuader, mais sa parole n'a pas force de loi. B ~ Une institution sans substance, mais pas apolitique. q C e chef n'a donc pas l'attribut essentiel par lequel nos sociétés reconnaissent le signe même du politique, à savoir la possibilité d'exercer un pouvoir sur la communauté.

Sans pouvoir de commandement, il assume le rôle symbolique de porte-parole ; il n'est donc pas séparé du groupe lui-même, comme s'il était l'organe d'une loi instituée et dépassant ceux à qui elle s'applique. q C es sociétés sont donc des sociétés indivises, sans classes, mais cela ne signifie pas que la question du pouvoir ne s'y pose pas : contre la pensée évolutionniste, cette structure paradoxale n'est pas le signe d'une immaturité politique ou d'un retard de développement.

Il y a là au contraire, un mode politique parfaitement achevé, qui refuse, et la division qui l'accompagne. 2. La société contre l'Etat. A ~ L'essence de la société primitive. q Elle exerce un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose, en interdisant dès lors l'autonomie éventuelle de l'un quelconque de ses sousensembles.

C 'est le spectre de la division que la société primitive tente d'exorciser, en mettant le chef lui-même sous surveillance ; il est le lieu où pourrait surgir « la captation du pouvoir » qui entraînerait l'inégalité entre maître et sujets par l'émergence d'un pouvoir politique individuel, central et séparé. q Le chef a pour fonction de « maintenir tous les mouvements c o n s c i e n t s et inconscients qui nourrissent la vie sociale [mariages, naissances, conflits...], dans les limites et dans les directions voulues par la société » (Clastres).

Le politique est la préservation de l'ordre social tel qu'il est voulu par la tribu.

Il n'y a donc nulle nécessité historique d'une apparition de l'Etat dans une culture. B ~ L'essence du politique ? q C e modèle des sociétés sans Etat montre le paradoxe d'une extériorité relative (le chef), qui ne serait instituée que pour mieux en conjurer le pouvoir, le réduire à l'impouvoir : en étant chef, il ne peut justement être un tyran ; extériorisé dans sa fonction, il figure donc ce que la société exclut d'ellemême, mais en appartenant à la tribu, ce chef est un lieu où la société peut se reconnaître. q Il y a là une sorte de loi anthropologique.

Toutes les sociétés doivent ainsi constituer un lieu qui puisse être un miroir où se voir : pas d'unité possible sans une image de cette unité Le politique est comme ce point aveugle où une société (une culture) peut s'apparaître à elle-même, non pas comme « singulière », mais justement « générale ».

Notre ethnocentrisme en est la preuve : toute culture tend à se penser elle-même, pour s'instituer, comme le meilleur point de vue sur le soleil. Ø L'institution désigne une fonction politique à laquelle on confère une existence positive.

A insi la personne du chef est l'institution d'un certain rôle politique. Ø La loi suppose la position d'une règle qui est un instrument du pouvoir et de son exercice, puisqu'une loi peut servir de justification à un acte politique, à l'exercice d'un pouvoir. Ø État : il y a État lorsque la fonction politique s'autonomise au sein du corps social, et utilise pour s'exercer un appareil institutionnel ; l'ensemble des fonctions politiques sont particularisées, singularisées (police, armée, système pénal, éducation, santé...) et prises en charges par un secteur particulier de l'appareil d'Etat, entendu comme organisation administrative.. »

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