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Peut-on complètement changer ?

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« Dans le film intitulé « La vie des autres » le pers onnage du politicien corrompu déclare que les hommes sont incapables de c hanger, c'est-à-dire qu'une fois qu'ils sont devenus quelque chose, ils sont voués à le demeurer pour toujours.

O r, tout le film raconte précisément la réfutation de cette thèse, c'est-à-dire comment un officier de la STA SI est capable de changer complètement, de remettre en cause ce qu'il est devenu pour devenir un autre : un homme bon. A insi la question qui nous es t posée est d'une importance considérable puisqu'elle engage toute une compréhension de l'humanité.

Si nous prétendons que nous ne pouvons complètement changer, nous impliquons que la volonté de l'homme n'est pas suffisante pour faire advenir une identité nouvelle en fonction de sa propre volonté.

C ela s ignifie donc que l'homme n'est pas libre, puisqu'il est tout entier soumis à la contrainte d'une définition de son essence sur laquelle il n'a pas de prise.

A contrario, la thèse inverse implique une compréhension de l'homme qui en fait un être capable de décider de sa vie, de faire advenir librement sa propre identité.

P renons garde à l'adverbe qui accompagne la formulation de ce sujet : il s'agit d'un terme qui fait du changement un changement radical, non un c hangement qui s'inscrit dans la continuité, dans la cohérence de ce qu'était l'individu avant de l'entreprendre. Nous nous demanderons donc si l'homme a la liberté suffisante pour décider de son identité, ou s'il est victime d'un déterminisme à ce point puissant qu'il l'empêche de renouveler la définition de son ess ence. I. L'homme est la victime d'un déterminisme organique et expérientiel qui l'empêche de changer complètent a. Le déterminisme organique Nous commencerons par soutenir l'idée que la thèse que l'on ne peut complètement changer, car il existe un déterminisme organique qui empêche l'individu de devenir différent de celui qu'il était, de changer complètement en fonction d'un libre décret.

En effet, pour toute une part des philosophes matérialistes du X V IIIe siècle, tels que La Mettrie et Sade, l'individu est tout entier défini et déterminé par la conformation native de ses organes.

L'individu est donc ce que son corps le force à être : il aura tel penchant en fonction de la nature de tel organe, s on tempérament sera relatif à son corps.

P ar conséquent, nous dirons que dans le cadre de cette pensée, il est rigoureusement impossible de changer, que c e soit complètement ou ne serait-ce que partiellement : c ar comment l'homme pourrait il modifier au moyen de sa volonté ce qui est proprement impossible à modifier, c'est-à-dire l'organisation de son corps qui le détermine à être ce qu'il est ? b. Le déterminisme expérientiel A u déterminisme organique s'ajoute le déterminisme expérientiel qui a priori pouvaient s'exclure : en effet, si l'homme est déterminé par la conformation de s e s organes, la nature de s e s a c t e s , quand bien même ils seraient pris dans une s érie répétitive, ne saurait modifier ce qu'il est.

Néanmoins, pour les matérialis tes du XV I I I e s i è c le, l'individu renforce ce qu'il est, et qu'il ne saurait ne pas être, lorsqu'il agit habituellement de la manière déterminée par les appétits propres de son corps.

L'habitude ancre en effet l'identité de l'individu, de sorte que sa nature organique lui devient progressivement indissociable. C 'est cette idée qu'exprime Sade dans le passage suivant des M alheurs de la vertu : « C'est dans le sein de la mère que se fabriquent les organes qui doivent nous rendre susceptibles de telle ou telle fantais ie, les premiers objets représentés, les premiers discours entendus achèvent de déterminer le ressort ; les gouts se forment, et rien au monde ne peut plus les détruire ». II. a. L'homme a la liberté de définir sa propre identité est d'en changer complètement L'homme choisit son identité… Néanmoins, nous remettrons en question ici la thèse selon laquelle il existe un déterminisme organique renforcé par un déterminisme expérientiel.

En effet, un penseur comme Sartre répondrait qu'il ne s'agit pas d'un déterminisme objectif, c'est-à-dire de p u i s s a n c e s réellement contraignantes contre la puissance desquelles l'individu n'aurait pas le loisir de lutter, mais d'un déterminisme purement subjectif, qui fait en vérité l'objet d'un choix par l'individu. C 'est ce dernier en effet qui choisit de croire qu'il est déterminé à agir d'une certaine manière pour s uivre les penchants prétendument tout puissants d'organes soi disant autoritaires.

En vérité, pour Sartre, l'homme peut on complètement changer, car il est libre de se donner un projet et d'agir pour le réaliser.

C 'est parce que l'existence précède l'essence, pour reprendre la célèbre formule sartrienne, que l'homme peut complètement c hanger : « Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après.

L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'es t pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien.

I l ne sera qu'ensuite, et tel qu'il se sera fait ». L'existentialisme est un humanisme, p.

29. b. … et la réajuste en fonction des circons tances et de sa volonté propre C ependant, la thèse du projet sartrien ne nous empêcherait-elle pas de penser le changement complet décidé et voulu par l'homme ? En effet, dès lors que l'individu a décidé d'incarner un projet, d'agir dans le but de sa réalisation, c e projet ne représente-t-il pas une sorte d'essence chois ie dont l'homme n'est pas capable de se défaire ? En ce sens, l'individu ne pourrait complètement changer.

Sartre répond à l'objection dans l'Etre et le N éant en disant que le projet est susceptible de changer en fonction de l'individu ou des possibilités de ce dernier : pensons à un athlète devenu tétraplégique : il ne peut plus réaliser son projet d'incarner un sportif de haut niveau.

M ais il lui reste la possibilité de se donner à lui-même un autre projet par lequel il deviendra quelque chose de différent, dès lors que le nombre et la nature de ses possibilités ont été modifiés par l'ordre du monde.

L'homme peut donc complètement changer. III. a. Dans quelle mesure peut-on parler d'un changement absolument complet ? La conscience d'avoir changé est une limite de la complétude du changement C ependant, contre Sartre, nous apporterons quelques restrictions à l'idée d'une possibilité du sujet de changer complètement, dans le sens le plus fort de cet adverbe.

L'homme qui a changé complètement en fonction de sa volonté est un homme qui se sait avoir voulu changer : par conséquent, il n'est pas l'homme absolument neuf que nous voudrions voir en lui, mais l'homme qui était quelque chose et qui a voulu changer pour faire advenir une nouvelle identité.

Il n'y a donc pas de changement absolument complet pour l'homme, dans la mesure où il demeure l'homme qui garde la mémoire et la trace de celui qu'il était. b. Des limites à la complétude du changement Dans le même ordre d'idées, nous dirons que l'homme peut changer de vie, d'apparenc e physique, de goûts avec le temps, mais que quelque chose demeure toujours en lui : il est l'éternel sujet, substrat, de ces changements constants.

Il est le sujet auquel se rapportent toutes les modifications qu'il a subies au cours du temps, de sorte que nous parlons toujours d'un homme en particulier, qui demeure le même, lors que nous parlons de quelqu'un qui a complètement changé.

P ar conséquent, nous dirons qu'il y a une limite à la complétude parfaite du changement, à la possibilité d'une modification absolue du changement pour un homme en fonction de s a volonté ou des circonstances extérieures : c ' e s t la notion de substrat métaphysique, c e qu'A ristote nommait l'hypokeimenon, ou substance, c'est-à-dire ce qui est toujours identique à soi même et supporte la pluralité et la variabilité des prédicats.

Nous ne pouvons donc dire que l'on peut complètement changer, accepter toute l'étendue de cette assertion, puisqu'en l'homme toujours demeure quelque chose, c'est-à-dire le substrat invariant des déterminations. Conclusion : A première vue, l'homme est incapable de changer en raison d'un déterminisme organique, génétique et expérientiel, qui lui interdit la possibilité de la palinodie.

Néanmoins, il semble que ces prétendues déterminations ne sont en vérité que des obstacles pour la liberté humaine, qui est capable de franchir, afin de faire advenir un être complètement différent si tel e s t s a volonté.

En définitive, on dira qu'il est possible de changer radicalement, mais jamais complètement, puisque celui qui change conserve la mémoire d'avoir été celui qui a changé et puisque tous les changements qu'il connait, ou dont il décide, se font sur la base d'une identité qui permet de dire de celui qui change qu'il est néanmoins le même.. »

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