Peut-on avoir peur des mots ?
Extrait du document
«
Directives du professeur :
Le sujet porte sur le langage et plus précisément sur les effets que peuvent avoir les mots, effet redoutable dont
nous devrions avoir peur.
Les mots sont les plus petites unités de sens du langage.
Montrez d'abord que l'on peut
concevoir les mots comme de simples intermédiaires (entre nous et les choses qu'ils nomment ou qu'ils désignent),
des outils qui en eux-mêmes auraient simplement le pouvoir de représenter les choses.
Cependant cette conception
suppose que tout ce que les mots désignent a une réalité, or ceci est en fait loin d'aller de soi : Dieu, l'Homme (non
pas tel homme en particulier mais l'homme en général), la liberté, etc., ces mots sont des exemples de choses dont
l'existence n'est pas concrète, sensible.
En ce sens, nous pouvons avoir peur des mots parce qu'ils se substituent à
la réalité et les mots ont le pouvoir de faire exister ce dont on parle, alors même que cela n'existe pas.
Ainsi les
sophistes pensaient que le langage créait de lui-même la chose dont on parlait.
De même, nous pouvons craindre les
mots parce que les mots peuvent servir à la persuasion qui nous rend victimes du rhéteur, de celui qui sait bien
parler.
Enfin, nous pouvons craindre les mots parce qu'ils peuvent faire mal (pensez à l'expression " changer des
mots ").
Pourtant, les mots sont objet de crainte parce qu'ils sont utilisés à des fins de puissance et de pouvoir, et
vous devrez vous demander si la littérature, mais aussi le dialogue amical avec autrui, ne sont pas autant de façons
de reprendre confiance dans le langage.
À partir de là, c'est à vous de formuler la problématique du sujet.
Suggestion de plan :
Première partie : Le langage, un véhicule de la communication
« Le langage est aussi vieux que la conscience –il est la conscience réelle, pratique, aussi présente pour les autres
hommes que pour moi-même, et, comme la conscience le langage naît du seul besoin, de la nécessité du commerce
avec d'autres hommes.
» Marx, L'idéologie du langage.
À la différence des autres codes, qu'utilisent les animaux
notamment, le langage humain permet une désignation ainsi qu'une prise de distance à l'égard du monde
environnant.
«Le langage est d'abord une méditation entre l'homme et le monde, seule forme de contact possible
entre eux» Benveniste.
Les mots sont donc le moyen d'une prise de possession des choses, et la manière d'établir
une relation complexe avec autrui.
« Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose » Freud.
Deuxième partie : L'écart entre le langage et le réel
Les mots rendent possible la construction des images mentales et la transposition de la réalité en idées.
« La
connaissance des mots conduit à la connaissance des choses » Platon.
C'est la façon de développer du sens à partir de ses expériences, à partir de ce qui se passe autour de soi et en soi.
« Ce n'est pas des mots qu'il faut partir mais (...), et pour apprendre et pour chercher le réel, c'est du réel lui-même
qu'il faut partir bien plutôt que des noms » Platon, Cratyle.
Les mots supposent une distanciation par rapport aux objets du monde, ils engagent la réflexivité, offrent la
possibilité de réfléchir sur le discours, la communication, la langue, en présence lors d'un message à transmettre.
La
plupart des énoncés comportent implicitement ou explicitement, une référence à leur propre code.
Mais l'on
s'aperçoit rapidement qu'en dépit de la richesse du code celui-ci est inapte à rendre compte de la diversité infinie
des expériences réflexives ou sensibles : « Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la
pensée demeure incommensurable avec le langage.
» Bergson, Sur les données immédiates de la conscience, 1889.
« Le langage travestit la pensée.
Et notamment de telle sorte que d'après la forme extérieure du vêtement l'on ne
peut conclure à la forme de la pensée travestie; pour la raison que la forme extérieure du vêtement vise à tout
autre chose qu'à permettre de reconnaître la forme du corps.
» Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus..
»
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