Peut-on avoir peur de penser ?
Extrait du document
«
[La pensée ébranle nos certitudes et nous laisse désemparés face à l'angoisse du néant.
C'est pour quoi
l'on peut avoir peur de penser.
En pensant, on risque de remettre en cause notre tranquillité et nos
certitudes existentielles.]
Le péril de la remise en cause de nos certitudes
Notre esprit est plein de certitudes et de préjugés qui nous donnent une assurance dans notre vie.
A l'inverse, la
pensée, et en particulier la philosophie, est une remise en cause radicale.
Que l'on songe ici à l'entreprise
cartésienne du doute méthodique et hyperbolique.
La pensée est source de déstabilisation.
Il faut donc éviter de se
poser des questions inutiles qui d'ailleurs n'apportent que nuisances et désagréables pour notre existence
quotidienne.
En effet, qu'importe de savoir "pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ?", l'essentiel pour chacun
est de pouvoir satisfaire l'urgence de la vie.
Penser est malsain presque pathologique
De tout temps, les poètes et les intellectuels ont connut les affres de cette rumination mentale que l'on nomme la
pensée.
Au Moyen Age, on appelait «mélancolie» ce mal qui frappait les poètes.
Aujourd'hui, nous parlons plutôt de
folie ou de dépression.
Voilà pourquoi un intellectuel peut avoir peur de penser.
La lucidité est souvent tristesse.
Penser nous permet de prendre conscience de maux que nous ignorons dans le quotidien de l'action.
La pensée est angoisse
Wittgenstein affirme dans ses lettres que la logique le conduit au bord de la folie.
Ce grand logicien découvre que la
pensée n'est pas seulement un instrument d'ordre et de clarté, mais que, poussée trop loin, elle devient inhumaine,
se détache de la réalité et finit par plonger le penseur dans l'angoisse.
De même, Nietzsche n'a-t-il pas sombré dans
la folie ? La pensée engendrerait les monstres.
L'homme devrait se méfier de la philosophie et ne pas vouloir goûter à
cet arbre de la connaissance...
[La pensée nous aide à maîtriser les problèmes et nous conduit au bonheur.
Il ne faut donc pas avoir peur
de penser.]
La méditation console
La pensée n'est pas forcément angoissante.
Pour certains, elle est au contraire un refuge et un rempart contre les
difficultés de la vie réelle.
Pour les philosophes Boèce (480-524) ou Antonio Gramsci (1891-1937), qui furent
emprisonnés pour des raisons politiques, la réflexion constitua une consolation, et même une activité vitale, comme
en attestent les livres qu'ils écrivirent en captivité, Consolation de la philosophie et Cahiers de prison.
En effet, face
à une réalité blessante ou décevante, la pensée permet une mise à distance salvatrice.
Il n'y a pas de sagesse sans pensée
Pour la plupart des philosophes de l'Antiquité (Platon, Aristote, Épicure, les stoïciens, Sénèque), la réflexion
philosophique est le chemin qui mène au bonheur.
La philosophie libère notre esprit et nous procure la tranquillité de
l'âme.
Il n'y a donc aucune raison d'en avoir peur.
C'est ici, particulièrement, le sens de la physique épicurienne qui
nous montre que ni les dieux, ni la mort ne sont à craindre.
Penser ses maux c'est panser ses plaies.
La pensée nous libère.
La libération est joie
Selon Platon, la pensée est le moyen par lequel le philosophe parvient à se libérer de son corps.
La pensée nous
rend insensibles aux désirs, aux maladies, aux impressions trompeuses.
Libérés des contraintes corporelles, nous
pouvons enfin atteindre le Vrai, le Beau, le Bien.
Loin d'être dangereuse, la pensée est donc libératrice.
Que l'on
songe ici à la célèbre allégorie de la caverne où le philosophe se défait de ses chaînes pour contempler la réalité
extérieure.
Penser ne représente aucun danger.
Au contraire, c'est ne pas penser qui nous livre, pieds et poings liés, à toutes
les séductions et les manipulations du monde.
La réflexion nous protège contre les vicissitudes du monde extérieur
et nous conduit au bonheur.
L'activité intellectuelle est libératrice.
"Sapere aude", "Ose te servir de ton
entendement" écrira Kant dans "Qu'est-ce que les Lumières ?".
L'homme ne peut rester toute sa vie un mineur, il
doit devenir un adulte libre et autonome.
Cette majorité ne peut s'atteindre que dans et par l'usage de la pensée..
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