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Peut-il etre légitime de recourir a la violence dans ses rapports a autrui ?

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« Le problème qui nous est posé concerne la légitimité de la violence dans nos rapports avec autrui ; en d'autres termes, la violence, condamnée par la loi, peut-elle trouver une justification, c'est-à-dire devenir juste en certains cas ? Il s'agit donc de déterminer si, d'un point de vue moral, la violence peut trouver une caution quelconque.

Cela implique de nous interroger sur la nature de la violence et les modalités du recours à la force, plutôt qu'à la parole, dans nos rapports à autrui. I – Nature de la violence S'interroger sur la violence revient à remarquer que celle-ci est toujours l'expression d'une force, au-delà des différentes formes qu'elle emprunte, c'est-à-dire qu'elle soit physique (violence sexuelle, conjugale) ou psychologique (violence symbolique, verbale) ; la violence renvoie en ce sens à l'idée de contrainte, c'est-à-dire à la tentative d'imposer quelque chose à autrui contre son gré.

Ainsi, le viol apparaît comme l'imposition de rapports forcés ; l'insulte est la tentative de s'imposer face à l'autre, sans lui laisser la réplique, etc.

En première approche, la loi sanctionne le recours à la violence, car la force est l'exact opposé du droit. En effet, tandis que la force ne dure qu'autant qu'elle est forte, c'est-à-dire qu'elle ne contraint que le temps de sa manifestation (devenue faible, la force ne vaut rien), le droit repose sur le sentiment d'obligation, c'est-à-dire non plus sur la pression extérieure exercée sur autrui, mais sur l'aspiration libre et intérieure à respecter la loi.

La violence est donc une forme de coercition, qui nie la liberté d'autrui. De cela, retenons que la violence ne se résume pas seulement à l'usage de la force brute (donner un coup de poing, par exemple), mais qu'elle forme un système centré sur l'usage de la force (sous toutes ses formes : ascendant moral, force physique, etc.), dans le but de contraindre (une fois, voire plusieurs fois, c'est-à-dire de manière systématique) quelqu'un à faire ou à admettre quelque chose et cela contre son gré.

C'est pour cela qu'elle n'apparaît pas légale, c'est-à-dire non conforme au droit. II – Le problème de la légitimité Cependant, pour illégale que puisse être tenue la violence, est-elle pour autant toujours illégitime ? Alors que la légalité concerne le rapport entre notre actions et la loi, c'est-à-dire une question de fait : « mes actions sont-elles conformes à la loi ? », la légitimité interroge le bien fondé de la loi lui-même ; en cela, la question de la légitimité renvoie à une exigence morale, au problème de déterminer si la loi est juste ou non.

Ainsi une dictature peut promulguer des lois (censure de la presse, etc.) qui n'en sont pas moins moralement injustes, donc illégitimes.

Concernant le recours à la violence, l'enjeu est de savoir si, malgré son illégalité, celui-ci demeure légitime en certain cas. Voilà au moins ce que semble annoncer la notion de « légitime défense » ; en effet, il s'agit de cas où l'utilisation de la violence est manifestement cautionnée.

Cependant, il semble que la nature de la violence change dans ces situations : en effet, la violence n'est plus ici active, mais seulement réactive : je me sers de la violence pour me défendre.

De même, elle ne fait plus système : elle est la tentative spontanée de se dégager d'une contrainte ; de ce point de vue, elle ne cherche à contraindre qu'en vue de la cessation de la contrainte elle-même.

Ainsi, d'une violence offensive, systématique et voulue, on passe à une violence défensive, spontanée et qui n'est pas voulue pour elle-même. La violence apparaît alors légitime, car elle se manifeste comme le sursaut désespéré d'un droit bafoué, ce qui n'empêchera pas un acte de violence isolé, irréfléchi et spontané de passer à juste titre pour de la violence gratuite, c'est-à-dire de la force n'ayant pour but que de se manifester, aux dépens du droit et de la liberté d'autrui. III – Les hommes et la violence Dans la Politique, Aristote définit l'homme comme « animal politique », c'est-à-dire qui vit en communauté.

Mais, à la différence des animaux qui vivent en communauté (fourmis, abeilles), l'homme possède le langage (logos).

Tandis que les animaux sont dotés d'une « voix » ( phonè), c'est-à-dire d'un système de communication leur permettant d'exprimer le douloureux et l'agréable, mais qui ne leur permet pas de s'arracher du moment présent et à l'impression qui lui est associée, l'homme, par le langage, est susceptible d'exprimer des pensées indépendantes de ce qu'il vit dans le moment, c'est-à-dire qu'il peut énoncer des propriétés, des relations ou des valeurs abstraites.

L'homme ne se contente donc pas de communiquer, mais il peut mettre en commun des valeurs sociales abstraites, comme le bien et le mal, le juste et l'injuste, etc.

Les rapports interhumains semblent alors se fonder sur la parole non violente, c'est-à-dire le dialogue autour de valeurs communes. La violence apparaît de ce fait toujours comme un échec de la parole ; notamment, dans les cas de violence légitime, où l'on comprend à quel point le dialogue n'est pas possible, puisque l'on se trouve acculé à la riposte violente.

C'est donc paradoxalement dans les cas exceptionnels de violence légitime que celle-ci indique l'impasse momentanée dans laquelle se trouve les hommes. Conclusion Ainsi, au premier abord, il ne paraît pas légitime d'user de la violence sur autrui, au point que l'on considère qu'il vaut mieux se faire violence à soi-même, c'est-à-dire réfréner ses propres élans et pulsions, plutôt que d'en faire pâtir autrui.

Cependant, quand la violence elle-même mène à l'impasse du dialogue et de la parole, la légitimité (momentanée) de la violence apparaît : face à la contrainte que rien ne peut contenir, je tente d'opposer une contrainte adverse.

C'est cependant à ce moment-là, où elle apparaît le plus justifiée, que la violence se donne comme insupportable : c'est l'instant où, pour faire valoir notre droit (à vivre, à nous exprimer, etc.), nous ne pouvons avoir recours qu'à la violence.. »

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