Personne, personnage, personnalité ?
Extrait du document
«
Entrant dans un lieu vide, on dit qu'il n'y a « rien ni personne », c'est-à-dire ni chose ni homme.
À un enfant on dit
que, lorsqu'il sera une « grande personne », il pourra et devra faire ceci ou cela, il sera responsable; sa «
personnalité » et son caractère se seront affirmés, il aura développé son être.
Mais, de tel individu, on dit « quel
personnage! », indiquant par là qu'il joue sur un paraître spectaculaire.
Comment saisir l'unité de la personne à partir de cette diversité d'aspects, dont certains renvoient à la nature d'un
être et d'autres à l'artifice du paraître?
Personnage et personnalité
Le qualificatif de « personne » n'est accordé qu'à l'homme, être conscient de lui-même.
Un animal, si proche soit-il
de l'homme par certains aspects, n'est pas une personne.
L'homme, par un retour sur soi, sait qu'il est; il vit et sait
qu'il vit.
En cela, la personne est un sujet, à la différence des animaux et des simples choses.
Ce sujet est un moi, il
se pense ou se dit « je », même si toutes les langues n'ont pas la même façon de le donner à penser ou à exprimer.
L'homme, en ce sens, manifeste la conscience qu'il a de son individualité corporelle et spirituelle.
Mais, comme le
montre Mauss, personne et personnage sont intimement liés.
La personne, dans une tribu, un clan où elle a un nom,
joue un rôle clairement défini, personnage symbolisé par un masque lors de cérémonies rituelles.
Le masque montre
le rôle, mais simultanément il cache le visage de celui qui le porte.
De même, à travers le masque de théâtre (en
latin : persona), sonne la voix de l'acteur interprétant un rôle, celui de son personnage.
Ou encore, l'acte& « prête
son visage » au personnage.
Plus généralement, pour Épictète, l'homme, acteur et personnage, a un rôle à
jouer sur la scène du monde en tant que personnage convié au grand festin
de la vie.
Cependant, il s'agit de lui-même.
A lui d'interpréter au mieux le rôle
qui lui incombe, c'est tout le sens de sa personnalité et de son existence qui
se joue.
Dès lors , chaque homme doit se persuader que la Providence lui a assigné un
rôle à jouer sur la terre.
Il ne doit pas désirer changer de rôle ou de condition,
mais il doit s'efforcer de jouer correctement son rôle ; « Souviens-toi que tu
joues dans une pièce qu'a choisie le metteur en scène: courte, s'il l'a voulue
courte, longue, s'il l'a voulue longue.
S'il te fait jouer le rôle d'un mendiant,
joue-le de ton mieux; et fais de même, que tu joues un boiteux, un homme
d'État ou un simple particulier.
Le choix du rôle est l'affaire d'un autre.
»
(Pensée 17).
Personne, visage et conscience
On peut dire que la personne est présente par son visage.
Que l'on pense au
« masque funéraire », moulage du visage d'un mort, pour garder les traits de
sa personne.
Seul l'homme a un visage.
Le visage est habité par la personne :
« ce visage, ce regard, c'est bien lui », dit-on.
Mais un visage est changeant,
selon les sentiments, l'âge, etc.
Il a des expressions.
Il extériorise des aspects intérieurs de la personne.
Il peut
même « trahir » une pensée ou un sentiment.
« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue », dit Phèdre (Racine, Phèdre,
Acte I, scène 3).
Son visage change et révèle son amour quand elle est face à l'être aimé.
Cependant, au coeur de la personne, le cogito, le « je pense » se tient, indubitable.
Et cette conscience qui
accompagne la pensée est à la fois centre générateur et point d'ancrage qui fait que chacun a le sentiment de
demeurer lui-même, la même personne, par-delà les changements.
C'est toujours « moi » qui, maintenant comme
hier, ici comme là-bas, me pense identique à moi-même et cependant pris dans un devenir.
Je suis ce tout
complexe.
Et quand je me pense, je suis à la fois le sujet pensant et pensé.
Cette appartenance à soi qualifie la
personne.
Elle renvoie donc à une intériorité du sujet.
Par-delà la multiplicité de ses affections, la conscience est ce qui se présente comme quelque chose d'unique.
Le
vécu peut se présenter sous des formes multiples, les réactions devant des situations diverses, voire identiques,
peuvent être différentes, mais en dépit de ces différences, il s'agit de mon expériences, de mon vécu.
La multiplicité
ne prend sens que sur fond d'unité de la conscience.
Ainsi Descartes, dans la « Deuxième Méditation » reconnaît
qu'il existe des facultés diverses et multiples : l'entendement, la volonté, l'imagination, la sensibilité.
Mais ces
facultés sont toutes déduites à partir de l'unité du cogito.
La conscience s'apparaît donc à elle-même comme
fondamentalement unique & identique.
Elle joue comme pouvoir unificateur.
C'est cette unité de la conscience qui
assure l'accès à la personne.
Kant écrit : « Posséder le JE dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme
infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre.
Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de
la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, cad un être
entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses, comme le sont les animaux sans raison, dont on peut
disposer à sa guise.
» (« Anthropologie du point de vue pragmatique »).
À partir de cette idée de la personne, peut être compris le respect qui lui est dû, tant sur le plan juridique que
moral.
Personne et sujet de droit
Les Romains ont défini précisément la notion juridique de la personne comme sujet de droit, à qui sont attribués un
statut civil et un droit de cité, auxquels les esclaves n'avaient pas accès.
La personne est donc attachée à une.
»
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