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Où trouver la force de vaincre ses passions ?

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« [Introduction] « Le bon sens, dit Descartes, est la chose du monde la mieux partagée ».

Au contraire, la passion, depuis Platon, a été considérée avec suspicion.

Cette méfiance a fait de la passion un ennemi de la raison.

Et cet ennemi, il s'agirait de le circonvenir.

D'ailleurs, on figure souvent les sages, les philosophes comme détachés des passions, les ayant vaincues.

Comment y sont-ils parvenus ? Quel puissant ressort ont-ils trouvé pour annihiler ces maîtres tyranniques que sont les passions ? On peut aussi s'interroger sur le sens de ce combat : Pourquoi vouloir à tout prix combattre les passions ? [I.

La puissance des passions] L'homme se définit par la raison, « lumière naturelle », dit Descartes, identiquement répartie entre tous les hommes. Et si l'on fait des reproches aux passions c'est parce qu'elles corrompent la raison et aliènent le sujet à son objet. Elles soumettent l'homme aux valeurs du corps et l'empêchent de s'élever vers la connaissance véritable : Platon souligne que ce qu'il y a de terrible dans cet emprisonnement, c'est que le prisonnier lui-même, ignorant, désire ses chaînes. Une longue tradition philosophique condamne ainsi les passions, c'est-à-dire toutes les affections de l'âme issues du corps, cette partie animale de l'homme.

L'âme subit les passions puisqu'elles lui sont étrangères.

Elle essaie donc de les combattre — armée de la raison contre armée des passions. Si les passions sont jugées néfastes et dangereuses — tant qu'on se doit apparemment de leur livrer bataille —, c'est qu'elles sont malgré tout une part de l'homme.

Les animaux ne connaissent ni la passion ni la raison.

Les passions sont le risque extrême de la raison.

La passion, quelle qu'elle soit, corrompt l'intelligence en ce sens qu'elle prend l'homme comme un moyen pour réaliser son but.

Prenons l'exemple du jeu : Dostoïevski, dans Le Joueur, décrit cette passion et montre que le but du joueur n'est pas de gagner de l'argent mais de « dominer toutes les extravagances du destin ». La puissance des passions tient en ceci qu'elles existent en même temps que la raison : il n'y a pas lieu de distinguer entre « bonnes » et « mauvaises » passions.

Même « noble », la passion dessert son objet : par exemple, la passion amoureuse aime l'amour et non une personne particulière.

Et la raison, ici, devient esclave de la passion.

Si Kant condamne les passions, ces « maladies de l'âme », c'est avant tout parce qu'elles « portent le plus grand préjudice à la liberté ». Il faut donc vaincre les passions pour rester libre.

C'est dans l'apprentissage de la raison que peut se mettre en place la stratégie de lutte contre les passions.

Il faut « appliquer bien », dit Descartes, la raison.

Il est donc nécessaire de suivre une méthode logique, rationnelle, pour nous délivrer des préjugés et des passions, qui, en ellesmêmes, ne sont ni bonnes ni mauvaises.

L'homme triomphe de la passion en exerçant fermement sa raison. [II.

Raison et passion : l'équilibre nécessaire] Combattre les passions suppose un entraînement au combat.

On ne gagne qu'après plusieurs expériences.

D'ailleurs, cette « guerre intestine de l'homme entre la raison et les passions », dont parle Pascal, a-t-elle lieu d'être ? Renoncer aux passions, c'est vouloir devenir des dieux ; renoncer à la raison, c'est devenir des bêtes brutes, continue Pascal.

La raison seule, la raison qui pèse, calcule, rend impuissant par sa prudence même.

Elle ne peut donc pas combattre.

La passion seule détruit tout et rend esclave.

Sa stratégie est en quelque sorte celle de la terre brûlée.

S'il ne reste rien sur son passage, elle devient bientôt stérile, desséchée, inanimée, exsangue. Ce jeu des passions et de la raison fait donc l'homme.

Pour Hegel, c'est la passion qui entraîne l'homme à accomplir, sans le savoir, les buts de l'Esprit du monde : « Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion ».

Et s'il admire tant Napoléon 1er, qu'il vit passer à Iéna — « l'Esprit du monde à cheval » –, c'est parce qu'il voit en lui la réalisation de cet esprit.

La Raison se réalise dans l'histoire grâce aux passions. NOTE: Témoin de la victoire de Napoléon à Iéna, Hegel écrit dans une lettre: "Je vis l'empereur, cette âme du monde, traverser à cheval les rues de la ville." Ce que Hegel admire en Napoléon, c'est le fondateur de l'Etat moderne.

Pour lui, l'Etat est une fin indispensable de l'organisation humaine, c'est grâce aux Institutions étatiques que les hommes peuvent devenir des citoyens libres et rationnels. À quoi sert alors de vaincre les passions ? Le lieu où vaincre les passions est celui de la raison.

Mais une raison dominante, austère, qui voudrait pourfendre toutes les passions, ne devient-elle pas elle-même une raison passionnée, fanatique ? Vaincre les passions, toutes les passions, n'est pas une force : il s'agit au contraire de les démythifier et d'y voir, comme Descartes, la possibilité d'un véritable bonheur.

La maîtrise des passions ne signifie pas la domination des désirs puisque les passions ne sont pas foncièrement mauvaises.

Notre corps peut être dressé, conditionné, à écarter les « passions tristes ». Ainsi, « les passions sont toutes bonnes de leur nature, et nous n'avons rien à éviter que les mauvais usages et leurs excès » (Descartes, Les Passions de l'âme, 212). La maîtrise des passions peut transformer le désagréable en agréable, le douloureux en plaisir.

C'est l'unique façon d'être heureux. [Conclusion]. »

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