Aide en Philo

OBSERVATION ET EXPÉRIMENTATION ?

Extrait du document

Le fait physique ne s'identifie pas au fait brut; pour le découvrir il faut donc dépasser les données sensibles, mais partir de ces données elles-mêmes. L'opération mentale par laquelle on passera du donné immédiat au fait physique est l'observation.    A) Percevoir et observer    a) Observer, c'est d'abord percevoir, mais percevoir n'est pas nécessairement observer. Je perçois, par exemple, une goutte d'eau restée au fond d'un verre ; je la vois comme je vois tous les objets de mon entourage, sans spécialement porter mon attention sur elle ; ou, si je porte mon regard sur elle, ce sera pour vider le verre ou pour l'essuyer, c'est-à-dire pour agir. Mais si je veux savoir de quoi est faite cette goutte d'eau, il me faudra passer d'une attitude simplement perceptive à une attitude d'observation : je prendrai un microscope de fort grossissement, et je verrai des particules en mouvement désordonné. De toute évidence, il faut percevoir pour observer.

« Le fait physique ne s'identifie pas au fait brut; pour le découvrir il faut donc dépasser les données sensibles, mais partir de ces données elles-mêmes. L'opération mentale par laquelle on passera du donné immédiat au fait physique est l'observation. A) Percevoir et observer a) O bserver, c'est d'abord percevoir, mais percevoir n'est pas nécessairement observer.

Je perçois, par exemple, une goutte d'eau restée au fond d'un verre ; je la vois comme je vois tous les objets de mon entourage, sans spécialement porter mon attention sur elle ; ou, si je porte mon regard sur elle, ce sera pour vider le verre ou pour l'essuyer, c'est-à-dire pour agir.

Mais si je veux savoir de quoi est faite cette goutte d'eau, il me faudra passer d'une attitude simplement perceptive à une attitude d'observation : je prendrai un microscope de fort grossissement, et je verrai des particules en mouvement désordonné. De toute évidence, il faut percevoir pour observer ; b) Q u'y a-t-il cependant de plus dans l'acte d'observer que dans l'acte de percevoir ? O n voit facilement une première différence entre perception et observation : l'objet tel qu'il m'apparaît au microscope n'est plus l'objet tel qu'il m'apparaissait à l'œil nu.

Même si, sans microscope ni aucun autre instrument j'examine la goutte d'eau pour l'observer, elle ne m'apparaîtra pas telle qu'à la simple perception.

C 'est, au fond, parce que je compare implicitement la goutte d'eau observée à la goutte d'eau antérieurement perçue, que je pense être en présence du même objet.

Il me semble alors que j'ai pénétré dans la connaissance de l'objet, que j'en connais mieux la nature.

L'objet se donne à l'observation comme analysé.

Encore faut-il remarquer que, dans le présent exemple, les particules en mouvement sont vues au microscope, comme la goutte d'eau est vue dans une perception ordinaire ; mais il n'en est pas toujours ainsi : c'est l'observation des planètes qui permet de saisir ce fait que chacune d'elles se meut suivant une ellipse ; on ne voit pourtant jamais l'ellipse.

On a donc interprété les données de l'expérience, et inféré le fait à partir des signes observés ; c) Une seconde différence entre percevoir et observer : l'analyse de l'objet perçu réalisée par l'acte d'observer n'est pas gratuite ; elle est destinée à permettre de prendre conscience des caractères de l'objet qui ne sont pas immédiatement apparents ; elle doit donc s'y exprimer en un jugement.

A u reste, n'importe qui pourrait regarder une goutte d'eau au microscope et y voir des particules en mouvement, sans pour autant observer : il manquerait la fin visée, c'est-à-dire l'intention de saisir la nature de l'objet, et de la saisir telle qu'elle est.

Le jugement : « Il y a des particules en suspension dans la goutte d'eau, particules animées d'un mouvement désordonné », exprime une foi de l'observation.

Sans doute pourrait-on, à certains égards, en dire autant de la perception ; sans doute le jugement : « Il y a une goutte d'eau dans le fond de ce verre » peut-il exprimer la prise de conscience du perçu ; mais la perception n'a pas pour fin ce jugement même, tandis que l'observation est essentiellement destinée à l'élaboration d'énoncés scientifiques. B) Observation et intelligence Si donc l'observation est une analyse d'un donné aboutissant à un énoncé, elle est une opération de l'intelligence bien plutôt qu'un enregistrement par les sens de perceptions brutes.

De cette remarque dérivent plusieurs conséquences intéressantes : a) Le meilleur observateur ne sera pas nécessairement celui dont les organes sensoriels sont le mieux conditionnés.

La qualité de l'intelligence et l'ensemble des connaissances acquises importent bien davantage, e t c e c i e s t d'autant plus vrai que les sens sont avantageusement perfectionnés ou remplacés le plus souvent par des appareils.

On peut classer ainsi les instruments de laboratoire : a) Les uns sont destinés à augmenter la portée des sens, par exemple le télescope et le microscope ; b) D'autres, comme les appareils électriques ou hygrométriques, tiennent lieu de sens qui nous manquent ; c) C ertains permettent la mesure précise de données subjectives en elles-mêmes vagues et floues : le thermomètre, le dynamomètre ; d) Q uelques-uns enfin remplacent des fonctions psychiques imprécises telles que la mémoire ou l'attention : ce sont les appareils enregistreurs. Or il est manifeste que les appareils sont au service du savant qui observe, au service de son intelligence qui interprétera les données fournies ; et l'on voit par analogie que les organes sensoriels de l'observateur jouent, par rapport à sa pensée, exactement le même rôle que les appareils ; b) Les erreurs de l'observation ne seront graves que si elles sont erreurs d'interprétation, c'est-à-dire fautes intellectuelles ; elles seront négligeables si elles sont dues aux sens ou aux instruments de laboratoire, car on peut toujours faire la théorie de l'erreur elle-même, et tenir compte des résultats du calcul de l'erreur dans l'interprétation des résultats.

D'un microscope par exemple, on sait d'avance qu'il grossit 3 0 0 fois ; d'un observateur on peut déterminer l'« équation personnelle ». C) Observation et expérimentation Sur la distinction entre l'observation et l'expérimentation, une opinion assez claire en apparence a longtemps dominé la méthodologie d e s s c i e n c e s physiques : l'observation serait passive et l'expérimentation active.

Herschel écrivait : si nous notons les faits tels qu'ils se présentent, sans chercher à les reproduire et sans modifier les circonstances qui les accompagnent, il y a observation ; si nous mettons en action des causes, des objets sur lesquels nous pouvons agir en variant à dessein leurs combinaisons, il y a expérience, c'est-à-dire expérimentation.

Mais C laude Bernard déjà dénonçait la fausse clarté de cette distinction.

Lorsque le savant attend le passage d'un astre en un point du ciel préalablement déterminé par le calcul et qu'il se place dans les meilleures conditions pour observer, dira-t-on qu'il observe ou qu'il expérimente ? Lorsque le médecin observe dans des milieux différents le comportement d'un même processus morbide, dira-t-on qu'il observe ou qu'il expérimente ? Lorsqu'au cours d'une guerre le chirurgien observe les modifications produites dans l'organisme par des blessures, dira-t-on qu'il observe ou qu'il expérimente ? O n peut dire l'un ou l'autre, et cela du reste importe peu.

Dans la pratique de la recherche scientifique, la distinction entre observer et expérimenter est malaisée, et elle est sans importance.

D'un point de vue purement abstrait, elle est en revanche facile si l'on choisit un critère autre que le précédent : si l'expérimentation modifie le donné, si elle fait varier les conditions d'apparition d'un phénomène, cette modification n'est pas une fin en soi ; elle est faite pour améliorer l'observation, pour permettre l'inférence du fait scientifique à partir du donné sensible.

Le rapport de l'expérimentation à l'observation est un rapport de moyen à fin, rapport que l'on exprime dans cette définition de l'expérimentation proposée par Dorolle : « L'expérimentation, c'est la production provoquée ou artificielle, ou la modification voulue ou cherchée d'un fait, pour l'observer.

» D) L'idée-hypothèse Si l'expérimentation a pour fin l'observation et si l'observation est essentiellement une opération intellectuelle, le savant doit aborder l'expérience avec l'idée de la loi qu'il cherche à lire dans la réalité.

L'idée de la loi suggère le dispositif expérimental, et les expériences confirmeront ou infirmeront l'idée.

S'il y a confirmation, V idée est posée comme loi ; on dira qu'elle a été vérifiée. Examinons d'abord l'idée de la loi, que l'on appelle souvent, nous l'avons vu, idée-hypothèse, afin de marquer la différence entre la loi telle qu'elle est simplement pensée par le savant avant vérification, c'est-à-dire posée à titre d'hypothèse.

L'idée-hypothèse a une fonction principale, et on peut lui attribuer deux fonctions dérivées.

Sa fonction principale est de rendre intelligible le phénomène : quand on constate que deux masses liquides contenues dans des récipients différents peuvent être mélangées dans un récipient plus grand, on s e trouve en présence d'un phénomène constaté mais incompréhensible, puisque les deux masses liquides apparaissaient chacune comme des masses continues ; l'idée-hypothèse d'une structure moléculaire de chaque liquide, structure invisible à l'œil nu, rend intelligible le phénomène préalablement opaque à l'intelligence : on comprend facilement comment les billes contenues dans deux sacs peuvent être toutes réunies dans un troisième.

Mais l'idée n'a de valeur que dans la mesure où l'expérience la vérifiera : elle aura donc aussi pour fonction de prédéterminer les moyens de vérification, c'est-à-dire le dispositif expérimental qui permettra de transformer en loi l'idée-hypothèse.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles