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N'y a-t-il que ce qui est pratique qui ait de la valeur ?

Extrait du document

« [Le vrai n'existe pas pour lui-même.

Ce qui confère de la valeur à une idée, c'est son utilité pratique.

Elle doit pouvoir diriger mon action, faire la preuve de son efficacité.

Si elle est avantageuse pour ma conduite, elle peut être tenue pour vraie.] Le pragmatisme, avec James, soutient que le seul critère de la vérité est le succès.

La pensée est au service de l'action.

Les idées ne sont que des outils dont nous nous servons pour agir : l'idée vraie c'est celle qui paie le mieux, celle qui a le plus de rendement, qui est la plus efficace. Pour apprécier la valeur de cette théorie il faudrait savoir quel sens donner aux formules de James.

L'idée vraie c'est l'idée utile. Mais que veut dire « utile » ? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas le pragmatisme est très acceptable. Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées » et aux évidences pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet.

» Malheureusement le mot « utile » tel qu'il est employé par les pragmatistes a le sens le plus large et le plus vague.

James n'a jamais rien fait pour en dissiper l'équivoque : « Ce qui est vrai c'est ce qui est avantageux de n'importe quelle manière.

» Ainsi une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes.

Une théorie scientifique n'a aucune valeur de vérité tant qu'elle ne permet pas de prédire les phénomènes.

Le physicien parle d'atomes, de protons, de neutrons, d'électrons.

Libre à lui! Ce qu'il dit, d'un point de vue théorique, n'a aucune valeur tant qu'il restera incapable d'agir sur ces particules, de créer et de contrôler, comme dans la fission nucléaire, une réaction en chaîne libérant de l'énergie. Mais aussi une croyance politique est vraie si elle me donne « bonne conscience », si elle me justifie ; une théorie philosophique est vraie si elle calme mes inquiétudes, si elle assure « mon confort intellectuel », une religion est vraie si elle est consolante, si elle me permet de m'améliorer moralement.

L'idée de Dieu est comme toutes les autres idées, elle n'est vraie que si elle est rentable et James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert.

» Si le salut de l'âme n'a rien de certain, il ne relève pas non plus de la pure fiction.

Rien ne permet de lui attribuer une valeur, sinon la croyance en un jugement dernier, en un Dieu qui permet à l'homme d'obtenir la grâce et la vie éternelle.

Peu importe! Pour le croyant, ce qui est vrai est ce qui procure un bénéfice pour l'âme. « Je dois d'abord vous rappeler ce fait que posséder des pensées vraies, c'est, à proprement parler, posséder de précieux instruments pour l'action.

Je dois aussi vous rappeler que l'obligation d'acquérir ces vérités, bien loin d'être une creuse formule impérative tombée du ciel, se justifie, au contraire, par d'excellents raisons techniques. Il n'est que trop évident qu'il nous importe, dans la vie, d'avoir des croyances vraies en matière de faits.

Nous vivons au milieu de réalités qui peuvent nous être infiniment utiles ou infiniment nuisibles.

Doivent être tenues pour vraies, dans le premier domaine de la vérification, les idées nous disant quelle sorte de réalités, tantôt avantageuses pour nous, tantôt funestes, sont à prévoir.

Et le premier devoir de l'homme est de chercher à les acquérir.

Ici, la possession de la vérité, au lieu, tant s'en faut ! d'être à elle-même sa propre fin, n'est qu'un moyen préalable à employer pour obtenir d'autres satisfactions vitales [...]. Mais, maintenant, que faut-il entendre par « l'accord » que la définition courante exige à l'égard de la réalité ? C'est ici que le pragmatisme et l'intellectualisme commencent à se fausser compagnie.

Le fait d'être « d'accord », au sens le plus large du mot, avec une réalité, ne peut être que le fait, ou bien d'être conduit tantôt tout droit à elle, tantôt dans son entourage, ou bien d'être mis en contact effectif et agissant avec elle, de façon à mieux opérer soit sur elle-même, soit sur un intermédiaire, que s'il y avait désaccord [...] J'en viens donc à dire, pour résumer tout cela : « le vrai » consiste tout simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée, de même que « le juste » consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre conduite.

» James, « Le pragmatisme ». La conception pragmatiste de la vérité vient de ce que James subordonne la pensée à l'action.

La réussite de celle-ci devient dès lors le juge de la vérité ou de la fausseté de nos « croyances » ou idées.

Cette vision utilitariste de la vérité s'oppose absolument à la conception spéculative des philosophes grecs, et d'une manière générale à ce que James appelle l' « intellectualisme », c'est-à-dire une définition de la vérité comme simple contemplation du réel :la vérité ne satisfait pas une exigence spéculative désintéressée (elle n'est pas « à elle-même sa propre fin »), elle répond à « d'excellentes raisons pratiques ». Cela signifie pas que la vérité est arbitraire, et qu'il n'existe pas de vérités objectives, comme le croyait Protagoras.

La vérité est bien concordance avec le réel, mais pas en le copiant : en nous guidant à travers lui et en permettant à nos actions d'avoir prise sur lui.. »

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