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Nos préférences sont-elles des fonctions suffisantes pour juger une oeuvre d'art ?

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« L'art n'est pas homogène Je ne suis pas toujours d'accord avec les autres quand il s'agit de juger de la beauté, que ce soit celle d'un être humain, d'un paysage ou d'une oeuvre d'art ; on peut même dire sans doute que je ne partage jamais complètement les goûts de quelqu'un : le goût est une marque de ma singularité. C'est que juger du beau fait appel à ma subjectivité, au domaine intime de mes sentiments ; ne dit-on pas couramment « aimer » pour dire : « trouver beau » ? On pourra bien me donner l'ordre de trouver beau ce que je n'aime pas, jamais on ne m'en convaincra intimement ; seul, je puis savoir ce que je ressens. Enfin, je juge de la beauté de quelque chose à la lumière de mon expérience personnelle, qui n'est jamais la même que celle des autres ; ce que j'ai vu et entendu modèle ce que j'apprécie.

Mes souvenirs m'appartiennent et individualisent mon jugement de goût par le prisme de ma culture. Le jugement n'a pas besoin de théorie L'art contemporain, en particulier, est devenu une affaire de spécialistes.

Les critiques tentent de justifier théoriquement les raisons pour lesquelles il faut aimer un peintre, un film, une pièce de théâtre.

Or, l'art ne devrait pas avoir besoin de théorie pour être compris ou apprécié.

Il est inutile de se creuser la tête: si je n'aime pas les colonnes de Buren ou les films de Godard, cela me suffit pour étayer mon jugement. L'art est subjectif "L'esthétique n'existe pas", dit Valéry.

Il veut dire par là qu'il ne peut pas y avoir de science de l'art, d'objectivité dans le jugement esthétique.

Tout artiste, aujourd'hui, peut prétendre faire une oeuvre d'art sans se soucier de la tradition.

Si l'art est devenu une valeur subjective, alors il n'y a pas de raison pour que le jugement esthétique ne puisse pas être lui aussi subjectif. Le beau s'impose Que le beau doive être jugé, c'est l'exigence de la subjectivité ; qu'il soit universel, celle de l'objectivité.

Un jugement qui soit tout à la fois l'expression la plus intime de l'individu, et la plus commune de l'universalité humaine, doit reposer sur la distinction du plaisir esthétique, lié à la beauté, et du plaisir des sens, lié à l'agréable. En ce qui concerne l'agréable en effet, le principe « à chacun son goût » fait loi : tu aimes tel vin que je n'aime pas, ce n'est pas la peine d'essayer de me convaincre.

Ce qui est beau, au contraire, doit enlever l'unanimité d'un sentiment pourtant profondément personnel. Un homme qui juge mal d'une oeuvre d'art est un homme qui juge moins de sa beauté que de ses agréments.

Parce qu'il se laisse dominer par l'intérêt sensuel, tout à fait personnel, qu'il porte à l'objet représenté par un tableau, son jugement de goût n'est pas pur. C'est la raison pour laquelle l'universalité du jugement de goût est moins un fait qu'un idéal à atteindre. L'ignorant ne peut pas juger Le jugement est une opération intellectuelle qui exige un minimum de culture esthétique.

Je ne peux pas juger une oeuvre d'art si je ne la comprends pas.

Cela suppose que j'aie des connaissances d'histoire de l'art, que je sois conscient de la démarche de l'artiste, que je dispose de critères objectifs et rationnels pour me prononcer. Pour juger, il faut comprendre "En face d'une oeuvre d'art, il importe de se taire comme en présence d'un prince: attendre de savoir s'il faut parler et ce qu'il faut dire, et ne jamais prendre la parole le premier.

Faute de quoi, on' risquerait fort de n'entendre que sa propre voix», dit Schopenhauer dans Le Monde comme volonté et comme représentation.

Si je ne suis que mon goût, je ne pénétrerai jamais la vérité d'une oeuvre d'art, je ne saurai pas pourquoi elle me plaît ou me déplaît. Même si l'époque contemporaine ne reconnaît plus de canon esthétique unique, l'on ne peut pas dire pour autant que les préférences personnelles suffisent pour juger une oeuvre d'art.

Les oeuvres d'art, surtout à notre époque, s'adressent à l'intellect autant, sinon plus, qu'aux sens.

Elles établissent leurs propres critères, et c'est pourquoi il faut chercher à les comprendre si on veut les juger en connaissance de cause.

Faute de cet effort de corn préhension, on risque de rejeter les oeuvres nouvelles parce qu'on ne les comprend pas, comme cela est arrivé à beaucoup d'artistes aujourd'hui reconnus.

Cela dit, on n'est pas obligé d'aimer Picasso ni Van Gogh, ou on peut n'en aimer que certains aspects.

Et l'on peut continuer de préférer une madone du XVe siècle à un tableau cubiste, pourvu qu'on reconnaisse qu'il s'agit d'art dans les deux cas.. »

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