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Nietzsche: la "vérité à tout prix"

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Nous savons désormais trop bien certaines choses, nous autres hommes conscients : ô comme nous apprenons désormais à bien oublier, à bien ne-pas-savoir, en tant qu'artistes. [...] Ce mauvais goût, cette volonté de vérité, de la "vérité à tout prix", ce délire juvénile dans l'amour de la vérité nous l'avons désormais en exécration : nous sommes trop aguerris, trop graves, trop joyeux, trop éprouvés par le feu, trop profonds pour cela... Nous ne croyons plus que la vérité soit encore la vérité dès qu'on lui retire ses voiles : nous avons trop vécu pour croire cela. Aujourd'hui c'est pour nous une affaire de convenance qu'on ne saurait voir toute chose mise à nu, ni assister à toute opération, ni vouloir tout comprendre et tout "savoir" [...] On devrait mieux honorer la pudeur avec laquelle la nature se dissimule derrière des énigmes et des incertitudes bigarrées. Peut-être la vérité est-elle femme et est-elle fondée à ne pas laisser voir son fondement (Gründe), peut-être son nom, pour parler grec, serait-il Baubô ?... O ces Grecs, ils s'entendaient à vivre : ce qui exige une manière courageuse de s'arrêter à la surface, au pli, à l'épiderme ; l'adoration de l'apparence, la croyance aux formes, aux sons, aux paroles, à l'olympe tout entier de l'apparence. Ces Grecs étaient superficiels - par profondeur. Et n'est-ce pas à cela même que nous revenons, nous autres risque-tout de l'esprit, qui avons escaladé la plus haute et la plus dangereuse cime de la pensée contemporaine, et qui, de là-haut, avons inspecté les horizons, qui, de cette hauteur, avons jeté un regard vers le bas ? N'est-ce pas en cela que nous sommes - des Grecs ? Adorateurs des formes, des sons, des paroles ? Et par conséquent des artistes ? Nietzsche

« Nous savons désormais trop bien certaines choses, nous autres hommes conscients : ô comme nous apprenons désormais à bien oublier, à bien ne-pas-savoir, en tant qu'artistes.

[...] C e mauvais goût, cette volonté de vérité, de la "vérité à tout prix", ce délire juvénile dans l'amour de la vérité nous l'avons désormais en exécration : nous sommes trop aguerris, trop graves, trop joyeux, trop éprouvés par le feu, trop profonds pour cela...

Nous ne croyons plus que la vérité soit encore la vérité dès qu'on lui retire ses voiles : nous avons trop vécu pour croire cela.

Aujourd'hui c'est pour nous une affaire de convenance qu'on ne saurait voir toute chose mise à nu, ni assister à toute opération, ni vouloir tout comprendre et tout "savoir" [...] On devrait mieux honorer la pudeur avec laquelle la nature se dissimule derrière des énigmes et des incertitudes bigarrées.

P eut-être la vérité est-elle femme et est-elle fondée à ne pas laisser voir son fondement (Gründe), peut-être son nom, pour parler grec, serait-il Baubô ?...

O ces Grecs, ils s'entendaient à vivre : ce qui exige une manière courageuse de s'arrêter à la surface, au pli, à l'épiderme ; l'adoration de l'apparence, la croyance aux formes, aux sons, aux paroles, à l'olympe tout entier de l'apparence.

C es Grecs étaient superficiels - par profondeur.

Et n'est-ce pas à cela même que nous revenons, nous autres risque-tout de l'esprit, qui avons escaladé la plus haute et la plus dangereuse cime de la pensée contemporaine, et qui, de làhaut, avons inspecté les horizons, qui, de cette hauteur, avons jeté un regard vers le bas ? N'est-ce pas en cela que nous sommes - des Grecs ? A dorateurs des formes, des sons, des paroles ? Et par conséquent des artistes ? 1) En déchirant le voile de l'apparence, P laton et tous les philosophes sont pour Nietzsche des ennemis de l'art.

C e texte est au contraire, — et jusque dans son style — celui d'un philosophe-artiste qui d'un même mouvement sanctifie l'apparence et glorifie l'art. 2) C e retournement du platonisme est caractérisé comme une marque de courage, vertu qui prend le pas sur la sagesse des philosophes. • Le refus de l'escapade métaphysique, l'affirmation de la vie dans sa puissance d'illusion, sont pour la généalogie, un symptôme de force. • L'artiste, habitant de la surface, retrouve ainsi l'expérience proprement grecque du rapport au monde que Nietzsche avait appelé tragique. L'opposition majeure de la surface et de la profondeur qui organise c e texte reprend en effet le contraste énigmatique de l'apollinien* et du dionysiaque* de La Naissance de la tragédie. 5) M ais il ne s'agit pourtant pas de mettre purement et simplement l'apparence à la place de l'être.

La vérité est femme ; présente dans la dissimulation, tout entière dans son paraître et sa parure, elle cache, dans sa pudeur, qu'il n'y a pas de « vérité » derrière le voile, pas de profondeur derrière la surface, mais seulement la mort.

La femme devient ainsi la figure de la vérité : contrairement à l'homme qui s'identifie au phallus, la femme, dépourvue d'un sexe visible et singulier est en effet sans identité propre ; elle est présente d a n s s e s v o i l e s e t s e s plis, dans le jeu multiple et lunatique de ses visages.

L'apparence n'est pas le contraire de la vérité mais son expression même. 6) Il n'y a ainsi ni réel, ni « vérité », le monde n'est qu'une construction illusoire de la vie mais, parmi tous les systèmes d'illusion que l'homme fabrique, l'art est le seul à n'être pas mystifiant puisqu'il s'avoue, courageusement, comme tel ; l'art magnifie la vie comme puissance d'illusion, redouble ce qui est actif en elle, glorifie le monde comme erreur.

Être artiste c'est croire en la forme, c'est avoir le pied léger du danseur qui respecte l'épiderme des choses et se joue de l'apparence fugitive.

L'association répétée des « mots » (Worte) et des « sons » montre aussi que la parole a originellement une essence musicale. 7) Dans la mythologie grecque Baubô est cette femme qui reçoit Déméter en deuil de sa fille et qui la fait rire en relevant subitement sa robe et en découvrant son ventre.

Le rire de Déméter nous fait comprendre quelle est la fonction de l'art pour Nietzsche : une façon de défier l'abîme et de le révéler tout à la fois, une dénégation de la mort qui en signale la présence inexorable. NIETZSCHE (Friedrich-Wilhelm).

Né à Rocken en 1844, mort à Weimar en 1900. I l fit ses études à l'école de P forta, puis, renonçant à l a carrière ecclésiastique, il les termina aux Universités de Bonn et de Leipzig.

La lecture de Schopenhauer et la rencontre avec Wagner sont les événements capitaux de cette période.

En 1868, Nietzsche est nommé professeur de philologie grecque à l'Université de Bâle ; il conserva ce poste jusqu'en 1878, date à laquelle il fut mis en congé définitif pour raisons de santé.

C ommence alors la série des voyages de Nietzsche en Italie : Gênes, l'Engadine, Rapollo, Nice, la Sicile, Rome, V enise, lisant Empédocle, jouant C hopin et Rossini.

Il découvrit Stendhal et Bizet.

Il passe les mois d'été à Sils-Maria, dans une petite chambre, face à la montagne.

C 'est à T urin, en janvier 1889, qu'il fut terrassé dans la rue par une crise de démence, probablement d'origine syphilitique, et qui se termina par la paralysie générale.

Ramené à Bâle, Nietzsche dut être interné quelque temps dans une maison de santé ; puis, sa soeur l'accueillit auprès d'elle, à Weimar, où il mourut le 25 août 1900.

La philosophie de Nietzsche se caractérise par un amour passionné de la vie.

Ses premiers écrits concernent l'A rt ; reprenant la terminologie de Schopenhauer, volonté et représentation, 'Nietzsche distingue l'art dionysien (musique) : c'est l'exaltation tragique de la vie, l'état où l'homme a tendance à se confondre dans le monde ; et l'art apollinien (arts plastiques) : le principe apollinien est le principe contemplatif.

Le rêve apollinien s'oppose à l'ivresse dionysiaque.

C'est dans le drame wagnérien que Nietzsche voit la réconciliation de ces deux principes.

Nietzsche fait la critique de la C onnaissance et de l'Histoire.

Si la durée du monde n'a pas de terme, la nature cosmique et humaine, cependant, ne varie pas, et les combinaisons qui constituent le monde sont limitées.

La vie que nous vivons, nous devons la revivre plusieurs fois. La doctrine nietzschéenne de l'éternité est un éternel retour de l'identique, qui surmonte la temporalité du temps.

Midi est l'instant éternel où le temps, arrêté, devient éternité.

Nietzsche a toujours eu la nostalgie du soleil, de la M éditerranée, de la Grèce.

A près sa brouille avec Wagner, c'est Bizet qui lui semble le plus grand musicien.

Les pages cruelles qu'il a écrites contre les A llemands, les pages enthousiastes sur la civilisation juive, peuvent expliquer que Nietzsche n'ait pas exercé une grande influence, ni philosophique, ni littéraire, sur les Anglo-Saxons.

Brandès et d'A nnunzio furent les premiers à saisir l'importance de la pensée de Nietzsche.

II faut accepter joyeusement la vie, et la volonté et l'imagination permettent seules d'échapper au pessimisme schopenhauerien, qui a profondément marqué Nietzsche.

L'homme doit donner éternité à l'instant, saisir à la fois le passé et le futur, supratemporellement et surhumainement.

La tentative de Nietzsche fut d'enseigner « une nouvelle éternité ».

L'homme doit se transformer en un être supérieur : le Surhomme (Ubermensch).

Les valeurs vitales, force de la volonté et de la pensée, intensité de la vie, sont exaltées aux dépens des valeurs de la connaissance.

La pitié et la résignation chrétiennes deviennent de fausses valeurs ; la volonté de puissance est la base de la nouvelle éthique.

Le national-socialisme s'est emparé, en la déformant, de la pensée de Nietzsche.

Le philosophe de Sils-Maria fut surtout moraliste et poète.

Ses livres sont, le plus souvent, une suite d'aphorismes ou de paragraphes ayant chacun un titre.

Le style est fulgurant.

Nietzsche a dit lui-même qu'il brûlait « au feu de sa propre pensée », et qu'il n'écrivait plus avec des mots, « mais avec des éclairs».

L'influence de Nietzsche fut et demeure considérable.

Heidegger voit en sa pensée l'achèvement logique de toute la métaphysique occidentale.. »

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