Aide en Philo

Nietzsche

Extrait du document

Si l'on parle de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait très bref que les gens atteints de cette superstition n'aiment guère avouer ; c'est à savoir qu'une pensée vient quand "elle" veut et non quand "je" veux, en telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet "je" est la détermination du verbe "pense". Quelque chose pense, mais que ce soit justement ce vieil et illustre "je", ce n'est là, pour le dire en termes modérés, qu'une hypothèse, une allégation ; surtout ce n'est pas une "certitude immédiate". Enfin, c'est déjà trop dire que d'affirmer que quelque chose pense, ce "quelque chose" contient déjà une interprétation du processus lui-même. On raisonne selon la routine grammaticale : "Penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc..." C'est par un raisonnement analogue que l'atomisme ancien plaçait à l'origine de la "force agissante" la parcelle de matière où réside cette force et à partir de laquelle elle agit, l'atome ; des esprits plus rigoureux ont fini par apprendre à se passer de ce dernier "résidu terrestre", et peut-être arrivera-t-on un jour, même chez les logiciens, à se passer de ce petit "quelque chose", résidu qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux "moi". Nietzsche

« NIETZSCHE : EST-CE BIEN "JE" QUI PENSE ? Réalité spirituelle pour Descartes, unité transcendantale selon Kant, la conscience ("je") est le sujet qui rend possible la pensée et la connaissance.

Nietzsche discute cette idée d'un "je" qui serait ainsi "cause de la pensée".

Le concept de sujet ne serait-il d'ailleurs pas lui-même une illusion ? « Si l'on parle de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait très bref que les gens atteints de cette superstition n'aiment guère avouer ; c'est à savoir qu'une pensée vient quand "elle" veut et non quand "je" veux, en telle sorte que c'est falsifier les faits que de dire que le sujet "je" est la détermination du verbe "pense".

Quelque chose pense, mais que ce soit justement ce vieil et illustre "je", ce n'est là, pour le dire en termes modérés, qu'une hypothèse, une allégation ; surtout ce n'est pas une "certitude immédiate".

Enfin, c'est déjà trop dire que d'affirmer que quelque chose pense, ce "quelque chose" contient déjà une interprétation du processus lui-même.

On raisonne selon la routine grammaticale : "Penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc..." C'est par un raisonnement analogue que l'atomisme ancien plaçait à l'origine de la "force agissante" la parcelle de matière où réside cette force et à partir de laquelle elle agit, l'atome ; des esprits plus rigoureux ont fini par apprendre à se passer de ce dernier "résidu terrestre", et peut-être arrivera-t-on un jour, même chez les logiciens, à se passer de ce petit "quelque chose", résidu qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux "moi".

» Ordre des idées 1) Exposé d'un fait : des pensées peuvent m'apparaître sans que je les aie voulues. 2) Première analyse de ce fait : celui-ci constitue une objection à la croyance selon laquelle les pensées résultent de l'activité du sujet conscient. Cette croyance nous trompe parce que, si "quelque chose pense", il n'est pas du tout évident que ce quelque chose soit "je". 3) Approfondissement de l'analyse de l'acte de penser - Critique de la thèse : "quelque chose pense".

Cette idée ne décrit pas le mouvement réel de la pensée, elle en est déjà une interprétation particulière. - Origine de cette thèse : la grammaire.

On passe abusivement du sujet grammatical à l'idée d'un sujet réel : la conscience ("je") ou, plus généralement "quelque chose". - Une comparaison, enfin, montre comment l'étude de la pensée pourrait faire l'économie d'une "réalité" dont elle dépendrait : l'étude scientifique des forces ne suppose plus aujourd'hui l'existence d'une substance qui en serait le support (par opposition à ce que pensait le matérialisme antique). Présentation Descartes affirme que les choses sont douteuses, qu' elles ne sont pas telles qu'elles apparaissent, mais il ne doute pas que la conscience soit telle qu'elle s'apparaît à elle-même.

Dans le cogito, sens et conscience du sens coïncident.

Avec Nietzsche nous entrons dans le doute sur la conscience.

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche affirme que le sens et la conscience ne sont que des instruments et des jouets car, derrière eux, à la lisière, «se tient un maître plus puissant, un sage inconnu qui a nom "soi"».

Ce dernier habite le corps, il est le corps.

Participant de la grande raison organique, il rit du moi et de ces bonds prétentieux.

Aussi devrait-on dire «ça pense» en moi plutôt que je pense.

Dans le texte qui suit, Nietzsche nous montre que la pré-éminence du Je dans le «je pense» n'est en somme qu'une simple affaire linguistique. Analyse Ce texte commence par la critique d'une croyance, celle des logiciens qui posent d'une manière illégitime le sujet «je» comme condition du verbe «pense».

A cette croyance, Nietzsche oppose un fait : il y a des pensées qui nous viennent à l'esprit sans que nous les ayons voulues.

Aussi, en conclut-il, on devrait dire «quelque chose pense» plutôt que «je pense».

Ensuite, l'auteur étend sa critique à la proposition «quelque chose pense» : Il y a là, dit-il, la croyance en la vérité éternelle de la grammaire et par conséquent au sujet, à l'attribut, au complément, mais rien ne nous permet d'affirmer que ce «quelque chose» qui s'annonce grammaticalement comme le sujet du verbe «penser» soit vraiment quelque chose, c'est-à-dire un sujet réel.

Le texte s'achève par une comparaison qui nous éclaire sur le sens de la critique de Nietzsche : l'atomisme ancien posait, comme cause de la «force agissante», l'atome.

Or il s'est avéré qu'on pouvait se passer de ce dernier «résidu terrestre» dans l'explication scientifique des forces.

Nietzsche en conclut qu'on pourrait aussi se passer de ce «quelque chose» qui est un résidu du «moi».. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles