Aide en Philo

Nietzsche

Extrait du document

Nombreuses sont les forces d'organisation que l'humanité a déjà vues dépérir, - par exemple celle de la communauté de race, qui fut pendant des millénaires beaucoup plus puissante que celle de la famille, qui disposait même du pouvoir et de l'organisation bien avant que la famille ne fût constituée. Nous voyons nous-mêmes pâlir et s'affaiblir un peu plus chaque jour la grande idée du droit et du pouvoir familiaux, qui exerça jadis sa domination sur toute l'étendue du monde romain. C'est ainsi qu'une génération future verra l'État lui aussi perdre toute importante, - idée à laquelle beaucoup de contemporains ne sauraient guère penser sans crainte et sans horreur. Certes, travailler à la propagation et à la réalisation de cette idée est déjà autre chose : il faut nourrir une opinion fort prétentieuse de sa raison et ne guère comprendre l'histoire qu'à demi pour mettre d'ores et déjà la main à la charrue - alors que personne ne saurait encore nous montrer les graines qu'il s'agira de semer ensuite sur le terrain labouré. Faisons donc confiance « au bon sens et à l'égoïsme des hommes » pour laisser subsister l'État encore un bon bout de temps et parer aux tentatives destructrices de certains, trop zélés et trop pressés avec leur demi-savoir ! Nietzsche

« Nombreuses sont les forces d'organisation que l'humanité a déjà vues dépérir, par exemple celle de la communauté de race, qui fut pendant des millénaires beaucoup plus puissante que celle de la famille, qui disposait même du pouvoir et de l'organisation bien avant que la famille ne fût constituée.

Nous voyons nousmêmes pâlir et s'affaiblir un peu plus chaque jour la grande idée du droit et du pouvoir familiaux, qui exerça jadis sa domination sur toute l'étendue du monde romain.

C'est ainsi qu'une génération future verra l'État lui aussi perdre toute importante, - idée à laquelle beaucoup de contemporains ne sauraient guère penser sans crainte et sans horreur.

Certes, travailler à la propagation et à la réalisation de cette idée est déjà autre chose : il faut nourrir une opinion fort prétentieuse de sa raison et ne guère comprendre l'histoire qu'à demi pour mettre d'ores et déjà la main à la charrue - alors que personne ne saurait encore nous montrer les graines qu'il s'agira de semer ensuite sur le terrain labouré.

Faisons donc confiance « au bon sens et à l'égoïsme des hommes » pour laisser subsister l'État encore un bon bout de temps et parer aux tentatives destructrices de certains, trop zélés et trop pressés avec leur demi-savoir ! QUELQUES DIRECTIONS DE RECHERCHE • Quelles sont « les forces d'organisation que l'humanité a déjà vues dépérir »? • Est-ce que telle ou telle « force d'organisation » laisse complètement place nette à celle qui la suit ? • Sur quoi se fonde Nietzsche pour affirmer « qu'une génération future verra l'État lui aussi perdre toute importance »? • En quoi travailler à la propagation et à la réalisation de cette idée est déjà autre chose »? • En quoi Nietzsche se pense-t-il autorisé à parler de « demi-savoir » et « comprendre l'histoire à demi » relativement à ceux qui mettent « d'ores et déjà la main à la charrue »? • Que pensez-vous de la position et de l'argumentation de Nietzsche ? (Comparez-les à celles d'autres penseurs.) Constatant que l'humanité est passée, durant la phase de son existence qui s'est déjà écoulée, par diverses formes d'organisation de groupes, qui ont les unes après les autres disparu, Nietzsche s'interroge sur la notion de mort de l'État, sur le droit et la possibilité qu'ont les hommes de rendre plus prompt cet événement capital. Il parle de « forces d'organisation »; quel peut être en pareil cas le sens de ces deux mots ? Sont-ils univoques ? Pourquoi cite-t-il, ici, la communauté de race et qu'est-elle ? Pour l'auteur, sa naissance est nettement antérieure à celle de la famille mais peut-on les comparer ? Est-il possible, aussi, de tenir ce langage à la lumière de la parole de Rousseau : «la plus ancienne des sociétés et la seule naturelle est la famille »? Il faut alors se demander quel est le sens de parler de société et de forces d'organisation, de comparer comme telles famille et « communauté de race ». Mais il faudrait encore savoir ce que sont « le droit et le pouvoir familiaux » et, donc, d'où vient sa domination.

Puis, à propos de l'État, il convient de se poser des questions similaires : d'où vient que Nietzsche le compare aux formes précédemment nommées ? Qu'est-ce qui le fait croire à sa disparition ? Quant à la crainte « et à l'horreur » qu'éprouveront, selon lui, bien des témoins de ce périssement, où en est la source ? Puisqu'il dit et souligne « travailler », c'est que d'autres envisagent avec sérénité cette éventualité; mais de quel travail peut-il s'agir ? Pour ce qui est de la propagation et la réalisation de cette idée, pense-t-il que la notion qu'il a « démontrée doit demeurer la pudeur cachée de quelques âmes solitaires » comme il l'a dit, s'adressant aux « prédicateurs de morale »? Quel est le sens de cette méfiance ? Craint-il un non-savoir, ou un croire-savoir-trop, de la part des autres ? Il écrit : « il faut nourrir une opinion fort prétentieuse de sa raison et ne guère comprendre l'histoire qu'à demi »; y a-t-il un lien entre ces deux axiomes, faut-il lire « et donc », ou « car », où Nietzsche a noté « et »? Mais pourquoi parler de méfiance, quand l'auteur dit lui-même : « faisons confiance », mais ce n'est pas aux hommes que s'adresse ce sentiment mais à leur « bon sens » et leur « égoïsme » c'est-à-dire d'une part à une qualité, d'autre part à ce que l'on considère habituellement comme une tare.

Y a t-il un lien entre les deux ? Puis, en disant « encore un bon bout de temps », il envisage pourtant sa disparition plus tard, mais lui ne donne-t-il pas là un rôle d'arme défensive contre quelque chose de pire ? Est-ce lui donner « le beau rôle » ou, au contraire, lui enlever une grandeur qu'il mériterait ? Quand il écrit « un demi-savoir », n'a-t-il pas l'air de le considérer comme plus dangereux que l'ignorance totale ? Quel peut être le rôle nocif de chacun ? Qu'est-ce, selon Nietzsche, qu'une « force d'organisation »? L'organisation entre les hommes est une forme de groupement décidé où, en quelque sorte, chacun a sa place; mais faut-il, pour comprendre ceci, parler de décision formulée, comme Rousseau parlera de convention entre les différents membres pour régler un contrat les unissant et les garantissant ? Pour mieux comprendre, il s'agira de consulter avec soin les divers exemples qui sont donnés plus loin.

Mais pourquoi dit-il « forces », et non pas, comme on pourrait s'y attendre, « formes »? Ce mot introduit-il la notion de contrainte (son sens usuel), ou de solidité de l'organisation ? Il y a en fait dans cette phrase un balancement entre la solidité des groupes et leur disparition : Nietzsche dit : « nombreuses ».et « dépérir »; il semble alors que ce qui subit un tel sort doit être faible, et pourtant, en parlant de « forces d'organisation », il évoque quelque chose de solide.

Voyons donc les exemples : il parle de « la communauté de race, ...

qui disposait même du pouvoir et de l'organisation bien avant que la famille ne fût constituée. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles