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Nietzsche

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Notre bon droit à faire l'hypothèse d'un animique inconscient (d'un psychisme inconscient) et à travailler scientifiquement à cette hypothèse est contesté de nombreux côtés. Nous pouvons là-contre avancer que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient. Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont, à un haut degré, lacunaires ; chez les gens sains comme chez les malades se produisent fréquemment des actes psychiques qui, pour leur explication, présupposent d'autres actes que toutefois la conscience n'atteste pas. De tels actes ne sont pas seulement les actions manquées et les rêves chez les gens sains, tout ce que l'on appelle symptôme psychique et phénomène de contrainte chez le malade — notre expérience quotidienne la plus personnelle nous fait faire la connaissance d'idées incidentes dont nous ne connaissons pas la provenance, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est restée cachée. Tous ces actes conscients restent sans cohérence et incompréhensibles si nous voulons maintenir la prétention que nous devons aussi nécessairement faire l'expérience par la conscience de tout ce qui se passe en nous en fait d'actes animiques (psychiques), et ils s'ordonnent dans une cohérence qu'on peut mettre en évidence si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or un gain de sens et de cohérence est un motif pleinement justifié à nous conduire au-delà de l'expérience immédiate. S'avère-t-il en outre que nous pouvons édifier sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, au service d'une fin, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve inattaquable de ce dont nous avons fait l'hypothèse. On doit donc se ranger au point de vue qu'il n'y a rien d'autre que présomption insoutenable à exiger que tout ce qui se passe dans l'animique doive nécessairement être porté aussi à la connaissance de la conscience. (...) L'assimilation conventionnelle du psychique au conscient est absolument inappropriée. Elle déchire les continuités psychiques, nous précipite dans les difficultés insolubles du parallélisme psychophysique, tombe sous le coup du reproche de surestimer, sans fondement intelligible, le rôle de la conscience, et nous oblige à abandonner prématurément le domaine de la recherche psychologique, sans pouvoir nous apporter de dédommagements venant d'autres domaines. Nietzsche

« La réalité de l'inconscient psychique Depuis l'Antiquité, les rêves, les pensées et les sentiments involontaires sont objet d'explication.

Deux types de réponses dominent : les dieux et le corps.

Inspiration divine ou effets des mécanismes du corps, les phénomènes inconscients ne sont jamais analysés comme relevant d'une pensée souterraine du sujet.

C'est pourtant ainsi qu'ils apparaissent si l'on veut les comprendre réellement. « Notre bon droit à faire l'hypothèse d'un animique inconscient (d'un psychisme inconscient) et à travailler scientifiquement à cette hypothèse est contesté de nombreux côtés.

Nous pouvons là-contre avancer que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient.

Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont, à un haut degré, lacunaires ; chez les gens sains comme chez les malades se produisent fréquemment des actes psychiques qui, pour leur explication, présupposent d'autres actes que toutefois la conscience n'atteste pas.

De tels actes ne sont pas seulement les actions manquées et les rêves chez les gens sains, tout ce que l'on appelle symptôme psychique et phénomène de contrainte chez le malade — notre expérience quotidienne la plus personnelle nous fait faire la connaissance d'idées incidentes dont nous ne connaissons pas la provenance, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est restée cachée.

Tous ces actes conscients restent sans cohérence et incompréhensibles si nous voulons maintenir la prétention que nous devons aussi nécessairement faire l'expérience par la conscience de tout ce qui se passe en nous en fait d'actes animiques (psychiques), et ils s'ordonnent dans une cohérence qu'on peut mettre en évidence si nous interpolons les actes inconscients inférés.

Or un gain de sens et de cohérence est un motif pleinement justifié à nous conduire au-delà de l'expérience immédiate.

S'avère-t-il en outre que nous pouvons édifier sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, au service d'une fin, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve inattaquable de ce dont nous avons fait l'hypothèse.

On doit donc se ranger au point de vue qu'il n'y a rien d'autre que présomption insoutenable à exiger que tout ce qui se passe dans l'animique doive nécessairement être porté aussi à la connaissance de la conscience.

(...) L'assimilation conventionnelle du psychique au conscient est absolument inappropriée.

Elle déchire les continuités psychiques, nous précipite dans les difficultés insolubles du parallélisme psychophysique, tombe sous le coup du reproche de surestimer, sans fondement intelligible, le rôle de la conscience, et nous oblige à abandonner prématurément le domaine de la recherche psychologique, sans pouvoir nous apporter de dédommagements venant d'autres domaines.

» Ce texte théorique a pour but de prouver l'hypothèse de l'inconscient psychique.

L'existence de comportements, de pensées qui « échappent » au sujet n'est pas en cause ici : cela est un fait d'expérience constaté depuis longtemps. La question porte sur le statut de ces phénomènes : quelle est leur cause ? Les développements de la psychiatrie au XIX siècle sont liés à un essor de l'anatomie et de la physiologie : le trouble psychique est pensé comme un effet de troubles corporels.

A l'aube du siècle, Pinel classe les causes physiques des troubles mentaux accordant une place importante à l'hérédité.

La méthode anatomo-clinique préconisée par Laënnec pourra ainsi trouver son application en psychiatrie : il est possible de faire correspondre des signes cliniques (démence, trouble de jugement, délire de grandeur...) à des lésions que des vérifications anatomiques peuvent prouver : atteinte propre des méninges, de la substance cérébrale corticale et sous-corticale, etc. Charcot, dont Freud a suivi les cours, s'inscrit pour l'essentiel dans cette tradition.

Ce type d'analyse relève d'une intention scientifique : le trouble mental n'est plus mystérieux dès lors qu'il est possible d'en assigner les causes objectives et vérifiables par expérience. Cependant, cette méthode se heurte à des limites dans la pratique thérapeutique : les médecins eux-mêmes reconnaissent leur impuissance dans ce qu'ils ont appelé l'hystérie, ensemble de troubles physiques et mentaux chez un patient dont les organes essentiels sont sains.

Le docteur viennois Breuer, précurseur de la psychanalyse, s'est penché sur ce cas à l'aide d'autres méthodes.

Partant du fait que les patients en pareil cas ont subi des chocs affectifs violents, il explora cette dimension.

Par l'hypnose il conduisit certains malades à se remémorer les circonstances dans lesquelles les symptômes apparurent et put constater, dans certains cas, leur disparition à ce moment précis.

Le comportement perceptible mais inintelligible apparaît alors comme « résultat d'une pensée dont l'élaboration nous est restée cachée » : une douleur aiguë sans fondement corporel, par exemple, peut s'expliquer par la volonté inconsciente d'être l'objet de l'affection dont on manque. La référence à une pensée latente, inaperçue, est le seul moyen de rendre un sens à ces actes conscients qui n'ont d'explication ni par la conscience elle-même — je ne fais pas « exprès » d'avoir mal, ce n'est pas « ma faute » ni par le fonctionnement du corps. Ainsi deux arguments plaident en faveur de l'inconscient psychique : il est le seul moyen de comprendre certains phénomènes, il permet de remporter des succès thérapeutiques. La confirmation de cette hypothèse a des conséquences importantes : l'inconscient, qui est d'abord un adjectif qualifiant les phénomènes que le sujet n'a pas produits délibérément, devient ici un substantif désignant une activité de pensée qui demeure cachée.

En conséquence, il n'est plus possible d'identifier pensée et conscience : il existe en moi des inférences logiques, des censures, des transformations de pulsions en symboles dont je ne m'aperçois pas. La belle unité du moi pensée par la philosophie classique se dissipe comme une illusion.... »

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