Nietzsche
Extrait du document
«
Aussi longtemps que nous ne nous sentons pas dépendre de quoi que ce soit, nous
nous estimons indépendants : sophisme qui montre combien l'homme est orgueilleux et
despotique.
Car il admet ici qu'en toutes circonstances il remarquerait et reconnaîtrait sa
dépendance dès qu'il la subirait, son postulat étant qu'il vit habituellement dans
l'indépendance et qu'il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s'il
venait exceptionnellement à la perdre.
- Mais si c'était l'inverse qui était vrai, savoir
qu'il vit constamment dans une dépendance multiforme, mais s'estime libre quand il
cesse de sentir la pression de ses chaînes du fait d'une longue accoutumance ?
S'il souffre encore, ce n'est plus que de ses chaînes nouvelles : - le "libre arbitre" ne
veut proprement rien dire d'autre que ne pas sentir ses nouvelles chaînes.
Disposons-nous du libre arbitre du seul fait que nous en avons la conscience ou bien
cette conscience n'est-elle qu'une illusion ?
NIETZSCHE répond que se sentir libre ne veut pas dire qu'on l'est, du moins en termes de libre arbitre.
L'auteur part de la croyance générale dans l'indépendance, que la fin du texte permet d'assimiler au libre arbitre :
Les Hommes croient avoir une possibilité de choix souverain, ils "s'estiment indépendants" c'est-à-dire qu'ils ne
pensent pas que leurs choix soient déterminés par des causes extérieures.
Dès le début NIETZSCHE qualifie ce jugement de "sophisme" c'est à dire de jugement fallacieux.
Le sophisme sera
expliqué dans le deuxième temps, ici NIETZSCHE se contente de l'attribuer à deux caractéristiques humaines :
L'Homme est "orgueilleux", c'est-à-dire qu'il croit être plus que ce qu'il est, et "despotique", c'est-à-dire qu'il croit
à tort être le maître de lui-même et ne dépendre de rien ni de personne.
Le sophisme est expliqué dans le deuxième temps, qui justifie la critique du début.
L'Homme part d'un "postulat",
c'est-à-dire d'une idée admise sans démonstration, qui serait celui d'une indépendance originelle.
Le troisième
moment suggérera la fausseté de ce postulat.
A partir de là, NIETZSCHE reconstruit le sophisme :
Si l'indépendance est l'état originel et "habituel" de l'Homme, celui-ci présume qu'il discernerait immédiatement
toute atteinte à cette indépendance.
NIETZSCHE l'explique : "il remarquerait et reconnaîtrait sa dépendance dès
qu'il la subirait", "il éprouverait aussitôt une contradiction dans ses sentiments s'il venait exceptionnellement à la
perdre".
Le vocabulaire est ici moins celui de la conscience que celui de l'affectivité : "contradiction dans ces
sentiments".
Si comme l'a dit NIETZSCHE plus haut l'Homme est "orgueilleux et despotique", il est compréhensible qu'une
dépendance quelconque, à l'égard par exemple d'une maladie, ou de la volonté de quelqu'un d'autre, suscite des
sentiments de révolte qui viennent contredire le sentiment habituel d'indépendance (NIETZSCHE dans le début
parle de l'indépendance comme d'un sentiment).
Le sophisme repose donc essentiellement sur un postulat erroné, celui de l'indépendance.
La troisième partie du texte formule la thèse de NIETZSCHE tout en renversant le rapport du sentiment (terme ici
voisin de celui de conscience) à la dépendance.
La "contradiction des sentiments" censée plus haut révéler la
dépendance n'exprime selon NIETZSCHE que la rencontre.
D'une nouvelle dépendance, celle-ci s'inscrivant sur un
fond général et habituel de dépendance, qui, elle, ne suscite aucun sentiment, aucune conscience, comme
SPINOZA, NIETZSCHE suggère que les Hommes ne sont pas libres au sens où ils jouiraient d'un libre arbitre leur
permettant d'avoir tout pouvoir sur eux-mêmes.
Comme lui, il suggère que les Hommes sont "constamment" dépendants, c'est-à-dire déterminés, et que cette
dépendance est "multiforme" : on peut la rapporter au corps, à la société, au passé, à l'époque, à l'âge, etc.
Comme SPINOZA enfin NIETZSCHE attribue la croyance au libre arbitre à l'illusion de la toute puissance et surtout
ici à l'habitude à "l'accoutumance".
IL conclut sur la vanité de la croyance au libre arbitre, qui n'exprime que
l'inconscience des Hommes.
Ce texte peut être rapproché des textes de L'ÉTHIQUE dans lesquels SPINOZA critique dans des termes voisins la
croyance générale, théorisée par DESCARTES, au libre arbitre, qu'il attribue lui aussi à des préjugés et à une
surestimation de ses pouvoirs : L'Homme se croit dans la nature comme "un empire dans un empire", et à tort.
Il faudrait toutefois se garder de voir chez l'un comme dans l'autre de ces auteurs une négation massive de la
liberté.
SPINOZA la redéfinit comme conscience de la nécessité, NIETZSCHE, critiquant l'abrutissement de la masse,
exalte la liberté du surhomme qui n'hésite pas à exprimer sa volonté de puissance.
Qu'est-ce que le Surhomme ?
Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en lui la totalité des instincts, et précisément
ceux-là mêmes que la Culture christianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté de puissance,
« ce qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct de domination, sexualité.
Mais il convient ici de souligner un
point important.
L'homme est de toute façon un être de culture.
Il n'est donc en aucun cas possible de retourner.
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