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Nietzsche

Extrait du document

Toutes les passions ont un temps où elles ne sont que néfastes, où elles avilissent leurs victimes avec la lourdeur de la bêtise, et une époque tardive, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l'esprit, où elles se « spiritualisent ». Autrefois, à cause de la bêtise dans la passion, on faisait la guerre à la passion elle-même : on se conjurait pour l'anéantir, tous les jugements moraux sont d'accord sur ce point, « il faut tuer les passions ». La plus célèbre formule qui en ait été donnée se trouve dans le Nouveau Testament, dans ce Sermon sur la Montagne, où, soit dit en passant, les choses ne sont pas du tout vues d'une hauteur.[...] Détruire les passions et les désirs, seulement à cause de leur bêtise, cela ne nous paraît être aujourd'hui qu'une forme aiguë de la bêtise. Nous n'admirons plus du tout les dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles ne fassent plus mal... On avouera d'autre part, avec quelque raison, que, sur le terrain où s'est développé le christianisme, l'idée d'une « spiritualisation de la passion » ne pouvait pas du tout être conçue. Car l'Église primitive luttait, comme on sait, contre les « intelligents », au bénéfice des « pauvres d'esprit » : comment pouvait-on attendre d'elle une guerre intelligente contre la passion? [...] De tout temps, elle a mis le poids de la discipline sur l'extermination (de la sensualité, de la fierté, du désir de dominer, de posséder et de se venger). Mais attaquer la passion à sa racine, c'est attaquer la vie à sa racine : la pratique de l'Église est nuisible à la vie... Nietzsche

« PRESENTATION DU "CREPUSCULE DES IDOLES" DE NIETZSCHE Publié la dernière année de la vie consciente et intellectuelle de Nietzsche (1844-1900), le titre parodie avec un humour teinté d'ironie l'Opus de Wagner Le Crépuscule des dieux, le livre se voulant léger, sec et profond à la fois.

Placé sous le signe du « renversement des valeurs », il prépare l'avenir en formulant une tâche entièrement pratique : la création de nouvelles valeurs.

Nietzsche accomplit un chemin qu'il interprète comme une « fatalité » qui va du crépuscule des « idoles » ayant dominé l'histoire de la philosophie et de la culture à l'aurore des valeurs susceptibles de célébrer la vie et son intensification. Toutes les passions ont un temps où elles ne sont que néfastes, où elles avilissent leurs victimes avec la lourdeur de la bêtise, et une époque tardive, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l'esprit, où elles se « spiritualisent ».

Autrefois, à cause de la bêtise dans la passion, on faisait la guerre à la passion elle-même : on se conjurait pour l'anéantir, tous les jugements moraux sont d'accord sur ce point, « il faut tuer les passions ».

La plus célèbre formule qui en ait été donnée se trouve dans le Nouveau Testament, dans ce Sermon sur la Montagne, où, soit dit en passant, les choses ne sont pas du tout vues d'une hauteur.[...] Détruire les passions et les désirs, seulement à cause de leur bêtise, cela ne nous paraît être aujourd'hui qu'une forme aiguë de la bêtise.

Nous n'admirons plus du tout les dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles ne fassent plus mal...

On avouera d'autre part, avec quelque raison, que, sur le terrain où s'est développé le christianisme, l'idée d'une « spiritualisation de la passion » ne pouvait pas du tout être conçue.

Car l'Église primitive luttait, comme on sait, contre les « intelligents », au bénéfice des « pauvres d'esprit » : comment pouvait-on attendre d'elle une guerre intelligente contre la passion? [...] De tout temps, elle a mis le poids de la discipline sur l'extermination (de la sensualité, de la fierté, du désir de dominer, de posséder et de se venger).

Mais attaquer la passion à sa racine, c'est attaquer la vie à sa racine : la pratique de l'Église est nuisible à la vie... La morale religieuse et la morale des philosophes considèrent souvent la passion comme un ennemi dont il faut réduire l'influence, voire qu'il faut détruire.

Dans ce passage du Crépuscule des idoles, Nietzsche prend le contre-pied d'une telle idée : la passion est partie prenante de la vie, et vouloir la détruire, ce n'est rien d'autre que lutter contre la vie elle-même.

Plus précisément, il montre au moyen d'une esquisse historique comment et pourquoi la religion a prêché une telle morale, et oppose à cette morale éradicatrice la spiritualisation des passions. Nietzsche présente cette esquisse en trois moments : dans un premier temps, jusqu'à « pour qu'elles ne fassent plus mal », il expose de manière critique l'attitude de la religion par rapport à la passion; ensuite, jusqu'à « de posséder et de se venger », il explique la raison d'une telle attitude, puis, finalement, conclut dans la dernière phrase à l'opposition de la religion et de la vie. .1.

La religion contre la passion A.

Selon le début de cet extrait, les passions peuvent avoir deux valeurs opposées : elles peuvent être néfastes quand elles s'accompagnent de bêtise, elles peuvent en revanche « se [marier] à l'esprit » (ligne 3).

Nietzsche fait en effet de la lucidité et de la subtilité des valeurs positives.

Ces deux valeurs opposées correspondent en outre à des moments différents : dans le second moment, les passions ne disparaissent pas, mais s'expriment d'une nouvelle manière, dans le domaine de l'esprit et de l'intelligence. B.

Puisque la passion a été à l'origine associée de manière nuisible à la bêtise, elle a été tenue pour une ennemie : la morale, c'est-à-dire les prescriptions normatives devant régler nos vies, est l'expression de cette lutte contre la passion.

La morale s'oppose donc à l'origine à la passion pour des raisons utilitaires.

Nietzsche souligne, d'une part, l'universalité d'une telle exigence, et, d'autre part, insiste sur l'opposition du christianisme à la passion. C.

Dans la dernière phrase du mouvement, Nietzsche évalue cette lutte contre la passion.

Il suggère ainsi dès maintenant la conclusion du passage : il est insensé de lutter contre la passion en raison du caractère nuisible de la passion pour la vie, car la destruction de la passion est une destruction de la vie. 2.

L'Église contre les intelligents A.

Nietzsche explique ensuite pourquoi l'Église ne pouvait que lutter contre la passion.

Il oppose d'abord cette lutte à la spiritualisation de la passion. B.

La raison invoquée repose sur l'interprétation historique du christianisme : celui-ci est à l'origine, dans l'Église primitive, une lutte des faibles et des miséreux contre l'aristocratie païenne, que désigne le terme « intelligents ».

Grâce à la religion chrétienne et aux valeurs qu'elle contient, les premiers ont détruit la morale élitiste des seconds.

Or, s'adressant à un public dépourvu de culture, elle ne pouvait se donner pour but de spiritualiser la passion. C.

Voulant abattre l'aristocratie païenne, la religion a pris le contre-pied des valeurs païennes : elle a rejeté la sensualité, la fierté...

Elle est donc par nature négatrice. 3.

L'Église contre la vie La dernière phrase conclut très brièvement à l'opposition de la vie et de l'Église. Cette thèse provocante a le mérite de défendre la passion et de montrer son importance pour la vie. Discussion A.

La passion, l'intelligence et la vie La passion ne se manifeste pas seulement dans les élans du sentiment, niais aussi sous des formes intellectuelles : telle est l'importante leçon de ce texte.

Bien plus, elle est omniprésente dans tous les phénomènes intellectuels : la connaissance elle-même n'est qu'une manifestation de la volonté de dominer.

La passion est l'essence même de la vie. B.

La passion et la morale Nietzsche offre ici une critique extrêmement pertinente de la moralité et de la lutte contre la passion.

Il met en cause certains de nos préjugés, enseignés par l'éducation.

Si la vie est inséparable de la passion, il ne faut pas la détruire, mais la rendre plus belle, « diviniser », selon Nietzsche, en en écartant les formes néfastes.. »

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