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Nietzsche

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On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu'on ne l'attend de lui à cause de son origine, de ses relations, de sa situation et de son emploi ou à cause des vues régnantes du temps. Il est l'exception, les esprits serfs sont la règle ; ceux-ci lui reprochent que ses libres principes doivent communiquer un mal à leur origine, ou bien aboutir à des actions libres, c'est-à-dire à des actions qui ne se concilient pas avec la morale dépendante. De temps à autre, on dit aussi que tels ou tels libres principes doivent être dérivés d'une subtilité ou d'une excitation mentale, mais qui parle ainsi n'est que la malice, qui elle-même ne croit pas à ce qu'elle dit, mais veut s'en servir pour nuire : car le libre esprit a d'ordinaire le témoignage de la bonté et de la pénétration supérieure de son intelligence écrit sur son visage si lisiblement que les esprits dépendants le comprennent assez bien. [...] Si les esprits libres ont raison, les esprits dépendants ont tort, peu importe que les premiers soient arrivés au vrai par immoralité, que les autres, par moralité, se soient jusqu'ici tenus au faux. Au reste, il n'est pas de l'essence de l'esprit libre d'avoir des vues- plus justes, mais seulement de s'être affranchi du traditionnel, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Nietzsche

« On appelle esprit libre celui qui pense autrement qu'on ne l'attend de lui à cause de son origine, de ses relations, de sa situation et de son emploi ou à cause des vues régnantes du temps.

Il est l'exception, les esprits serfs sont la règle ; ceux-ci lui reprochent que ses libres principes doivent communiquer un mal à leur origine, ou bien aboutir à des actions libres, c'est-à-dire à des actions qui ne se concilient pas avec la morale dépendante.

De temps à autre, on dit aussi que tels ou tels libres principes doivent être dérivés d'une subtilité ou d'une excitation mentale, mais qui parle ainsi n'est que la malice, qui elle-même ne croit pas à ce qu'elle dit, mais veut s'en servir pour nuire : car le libre esprit a d'ordinaire le témoignage de la bonté et de la pénétration supérieure de son intelligence écrit sur son visage si lisiblement que les esprits dépendants le comprennent assez bien. [...] Si les esprits libres ont raison, les esprits dépendants ont tort, peu importe que les premiers soient arrivés au vrai par immoralité, que les autres, par moralité, se soient jusqu'ici tenus au faux.

Au reste, il n'est pas de l'essence de l'esprit libre d'avoir des vuesplus justes, mais seulement de s'être affranchi du traditionnel, que ce soit avec bonheur ou avec insuccès. Nietzsche pose le concept de liberté, d'une part à partir de la notion d'esprit et, d'autre part, par contraste avec l'esprit .

serf.

Comment les esprits serfs voient-ils et définissent-ils un .

esprit libre ? Par une analyse généalogique, Nietzsche, sondant .

la psychologie des esprits serfs, nous amènera à soupçonner la .

valeur de leur conception, non pas tant en ce qu'elle serait .

fausse, mais en tant qu'elle serait fondée sur un sentiment de .

malveillance, ce qui la rendrait d'autant plus condamnable. Libérer les esprits libres de l'opinion malicieuse des esprits serfs qui les accusent d'originalité malsaine, tel est le but de Nietzsche qui opposera, à leurs jugements faux et fourbes, l'essence vraie de la liberté de l'esprit. Nietzsche commence par une définition nominale de l'esprit libre. On distingue.

depuis Aristote, la définition nominale de la définition réelle.

La définition nominale consiste en la signification d'un mot d'après l'usage en vue d'une communication possible.

La définition réelle porte sur l'essence ou la nature de la chose en vue de l'établir dans sa vérité. Le point de vue adopté dans ce premier moment est donc celui de l'opinion qui détermine l'usage de la dénomination « esprit libre ». Pour l'opinion, un esprit libre est celui dont la pensée est surprenante en ce qu'elle ne répond pas à l'attente des autres esprits.

Cette attente de l'opinion n'est pas arbitraire, mais déterminée par une double connaissance : connaissance du milieu et connaissance de l'époque dans lesquels vit cet esprit libre.

Sa liberté est celle de sa pensée qui s'inscrit en faux contre les idées propres à son milieu d'origine dans lequel il est censé évoluer et contre les idéologies de son temps qu'il est censé partager. La première caractéristique de l'esprit dit libre, c'est non seulement son indépendance par rapport à tout déterminisme biologique (« origine »), social (« relations », « situation » et « emploi ») et historique (« vues régnantes du temps »), mais encore et surtout son originalité provocante qui choque et qui surprend.

La pensée de l'esprit libre est une pensée paradoxale (du grec, paradoxa, contre l'opinion), en ce qu'elle est conçue d'abord relativement à l'opinion générale qu'elle heurte.

Un esprit libre est celui qui, ne partageant pas les idées de tout le monde, se caractérise par une pensée marginale, en marge de toute détermination, et donc originale, dans le sens où elle est à l'origine de ses propres idées.

Pour être dit libre, cet esprit se présente sur le mode de l'altérité et de la différence, ne se coulant pas dans le même moule que les autres esprits. Sa deuxième caractéristique est sa solitude.

« Il est l'exception.

» Cette exception est bien sûr, là encore, relative à une règle dominante.

Il fait exception par rapport aux « esprits serfs » qui eux « sont la règle ».

Cette solitude est rendue du point de vue formel par le singulier tandis que la multitude des esprits serfs se traduit par un pluriel.

Il est seul face aux autres. Nietzsche ne dit pas seulement que l'esprit serf correspond à ce qui est habituel ou naturel, à ce qui est le plus fréquent dans le temps.

L'esprit serf n'est pas celui qui obéit à des règles naturelles ou habituelles il est la règle. L'esprit serf érige sa servilité en règle déterminante du normal et du pathologique, et c'est donc en fonction de cette règle que l'esprit est dit libre en un sens négatif et relatif en ce que sa pensée va à contre-courant, à contretemps, contre toutes les idées reçues, admises, incontestées, partagées. Bref, la pensée de l'esprit libre est une pensée "infidèle" dont l'audace consiste à désobéir aux règles de l'esprit serf. L'esprit libre est un esprit « intempestif» dont la pensée est « inactuelle ». Cette libre pensée aurait-elle des répercussions du point de vue de l'action ? Nietzsche passe du plan théorique de la pensée au plan pratique de l'action.

Cette règle qu'incarnent les esprits serfs n'est pas seulement déterminante et constitutive de la dénomination de l'esprit libre.

Elle est aussi discriminante et critique en ce que l'esprit serf reproche à l'esprit libre d'adopter des « principes » nuisibles.

Les principes fondent et commandent l'action.

En tant qu'ils fondent l'action, les libres principes sont suspectés par les esprits serfs comme mauvais ou nuisibles, non conformes au bien et au mal déterminés par l'esprit serf.

En tant qu'ils commandent l'action, ils sont soupçonnés de conduire à des « actes libres», contraires à la morale « dépendante », c'est-à-dire à la morale des esprits serfs.

En conséquence, la règle qui s'impose à l'esprit est, du point de vue de la pensée, celle de l'idéologie et, du point de vue de l'action, celle de la dépendance.

Relativement à cette règle, l'esprit libre est un esprit hors norme ou contraire aux normes adoptées par la. »

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