Morale et métaphysique
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«
INTRODUCTION.
— Deux choses importent à l'homme : savoir et agir.
Le degré supérieur du savoir constitue ce qu'on appelle la métaphysique.
La science qui dirige son action vers son
but suprême d'homme est la morale.
— Jusqu'à Kant, la métaphysique sert de base à la morale rationnelle;
— Kant, lui, la place plutôt au sommet.
— Depuis, de nombreux moralistes modernes ont essayé de rendre la
morale tout à fait indépendante.
Efforçons-nous d'examiner par l'étude des théories et par nos réflexions personnelles s'il faut donner raison à KANT
et aux modernes « séparatistes » — ou aux tenants de l'ancien état de choses ?
I.
— AVANTAGES ET RAISONS EN FAVEUR D'UNE MORALE DÉPOURVUE DE SOUBASSEMENTS MÉTAPHYSIQUES.
1° Les avantages revendiqués par l'École positiviste et sociologique sont d'ordre théorique et d'ordre pratique.
A.
Point de vue théorique.
— Comme les autres sciences l'ont fait, la morale :
a) progressera plus rapidement en se détachant des hypothèses métaphysiques;
b) elle aura une certitude plus grande en cessant de se fonder sur une i science où se rencontrent tant d'obscurités
et de divergences.
B.
Point de vue pratique.
— Si les croyances métaphysiques et religieuses viennent à disparaître, la morale,
nécessaire pour l'homme et les sociétés, sera cependant sauvegardée.
2° D'autres raisons postulent la scission :
a) le point de départ de la morale est un fait indépendant de la métaphysique : c'est le sentiment du bien et de
l'obligation possédé par toute conscience; ce sont les croyances morales qu'on retrouve en chaque peuple;
b) d'ailleurs, la morale est antérieure à la métaphysique au point de vue nécessité et universalité.
Elle importe à tous; la métaphysique n'est cultivée que par quelques-uns : et on jugera la valeur des croyances
métaphysiques de ceux-ci par leur rectitude morale.
La morale donc restera uniquement ce qu'elle doit être : une règle des moeurs, s'appuyant sur les données de la
conscience et les coutumes morales.
Elle s'expliquera par certains faits tels que l'expansion de la vie (GUYAU), la
solidarité (BOURGEOIS), l'influence de la société sur les individus (DURKHEIM).
II.
— ARGUMENTS POUR LE MAINTIEN DES SOUBASSEMENTS MÉTAPHYSIQUES.
1° Examen des raisons alléguées au sens contraire et des morales elles-mêmes.
A.
Tout d'abord : Les fondements allégués pour remplacer les bases métaphysiques traditionnelles constituent tous
des hypothèses sur la nature de l'homme et sa fin : ce sont donc des retours déguisés ou « inavoués » aux
soubassements métaphysiques.
KANT lui-même, en plaçant la métaphysique au faîte de l'édifice, comme
postulat de la raison pratique, la fait rentrer par un chemin détourné.
B.
Mais les « fondements » des morales contemporaines, comme l'impératif
catégorique ne donnent pas assez de solidité à l'édifice moral, qui devient :
a) Incomplet : pas de devoirs religieux;
b) Inexplicable : pourquoi le bien, le devoir ?
c) Sans autorité : plus de législateur réel, distinct de moi; seulement des
abstractions;
d) Impraticable et sans force en face des difficultés.
2° Réflexions positives sur les notions morales.
La conscience nous les donne
de façon spontanée, c'est un fait.
Mais si on veut étudier leur raison d'être, on
se heurte à des notions métaphysiques.
A.
La morale porte essentiellement des jugements de valeur sur le caractère
bon ou mauvais de mes actes d'homme.
Or, bien ou mal moral se dit par rapport à ma fin d'homme, c'est-à-dire à la
perfection de ma nature.
Qui me fera connaître cette nature ? Qui me dira où
se trouve cette fin en moi ou hors de moi ? La métaphysique seule, fondée sur
la psychologie.
B.
Le bien obligatoire c'est le devoir, or, la notion du devoir est inintelligible sans des connaissances de nature
métaphysique :
a) connaissance d'un législateur supérieur à moi et distinct de moi (on ne s'oblige pas vraiment soi-même);
b) connaissance de ma liberté, sans laquelle le devoir s'évanouit.
C.
Enfin, la sanction suffisante suppose le Rémunérateur Très Sage et Tout-Puissant et l'immortalité de l'âme.
CONCLUSION.
— Ainsi donc, il semble que la seule attitude vraiment logique soit de donner à la morale les
soubassements métaphysiques qui lui conviennent.
D'ailleurs, si on juge de la valeur d'une croyance pur la conduite
morale de ses adeptes, c'est plutôt qu'on considère à juste titre celle-ci comme le fruit de celle-là.
« On juge de
l'arbre à ses fruits.
».
»
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