Mon corps n'est il qu'un corps ?
Extrait du document
«
Remarques d'introduction :
La formulation du sujet invite à s'interroger sur une restriction : « X n'est-il que...
? ».
Ainsi le présupposé
du sujet = Mon corps est un corps.
La question est donc de savoir s'il se réduit à cela.
Pourquoi ?
Si mon corps n'est qu'un corps parmi d'autres, c'est-à-dire une entité physique ou un assemblage de parties
matérielles, qu'est-ce qui fait alors ma spécificité en tant qu'individu ? Autrement dit, l'article « un » laisse entrevoir
une certaine indétermination, un degré de généralité qui est problématique.
Donc, l'enjeu du sujet : la personne, ou la réponse à la question « Qui suis-je ? ».
Ainsi il faudra bien interroger le rapport entre l'article « mon », possessif singulier, et « un », article
indéfini : en quel sens puis-je dire que mon corps m'appartient, qu'il est mien et n'est pas qu'un corps ?
Finalement, le sujet invite à s'interroger sur la différence entre « avoir » et « être ».
soit l'on dit 1) que
« j'ai un corps », et alors mon corps peut faire l'objet d'une étude séparée de moi ; soit on dit 2) que « je suis mon
corps », et alors mon corps est davantage qu'un corps : il est ce grâce à quoi j'existe.
Problématique : Mon corps est avant tout un corps, c'est-à-dire un objet physique que la science (et en
particulier la médecine) peut étudier comme une chose : le fait que ce corps étudié soit le mien importe peu ; seules
comptent ses caractéristiques générales.
Cependant, il s'agit là d'un point de vue restreint : peut-on faire comme si
les traits particuliers de ce corps qui font qu'il est mien et que je ne me confonds pas avec les autres, n'existaient
pas ? Mon corps n'est-il qu'un corps ou bien est-il toujours mon corps (un corps qui n'appartient qu'à moi
et en cela irréductible à tous les autres) ?
1-
LE FAIT QUE MON CORPS SOIT MIEN NE L'EMPÊCHE PAS DE N'ÊTRE QU'UN CORPS
a)
le dualisme cartésien : mon corps ne me définit pas essentiellement
Que signifie que mon corps ne soit qu'un corps ? Dans une perspective
dualiste et en particulier cartésienne, cela veut dire que je ne suis pas mon
corps : essentiellement, c'est ma pensée qui me définit, et le fait d'avoir un
corps ne m'est pas indispensable pour savoir que j'existe.
Je n'ai conscience
de moi, de mon existence, que parce que je pense.
En conséquence, mon
corps, en tant que res extensa (par opposition à la res cogitans qui définit ce
que je suis), n'est qu'un corps : un assemblage matériel que l'on peut étudier
à part.
Ainsi, Descartes pose que le corps définit en quelque sorte la partie
« animale » en moi : mon corps n'est qu'un corps au sens où il peut être
pensé sous le modèle de la machine.
Assemblage matériel sans âme, le corps
n'est pas ce que je suis et en ce sens, il n'est qu'un corps.
Qu'il soit mien
n'influe pas de manière décisive sur mon être.
b)
Application : où se situe la beauté ?
Dans Le Banquet, on trouve les prémisses de ce qu'on appelle, dans le
langage courant, « amour platonique », c'est-à-dire chaste, dégagé des
désirs physiques.
Dans ce dialogue, Socrate explique que l'amour portant sur
la beauté se dirige d'abord vers un beau corps, mais qu'ensuite, « il faut
comprendre que la beauté résidant en tel ou tel corps est sooeur de la
beauté qui réside en un autre, et que, si l'on doit poursuivre le beau dans ne
forme sensible, ce serait indigne déraison de ne pas considérer une et même
la beauté qui réside en tous les corps » (210 b).
Autrement de la beauté d'un corps, on passe à la beauté du corps,
celle dont tous les corps tiennent leur beauté.
Cependant, cette ascension, ou progression vers le seul objet digne
d'amour, n'est pas achevé : « ensuite c'est la beauté qui résidant dans les âmes qu'il [l'amoureux] juge d'un plus
haut prix que celle qui réside dans les corps » (210 c) ; en d'autres termes, c'est l'amour de la sagesse qui doit
succéder à l'amour de la beauté physique, c'est-à-dire un désir de ce qui fait preuve de constance et d'harmonie
dans les discours et la conduite.
Enfin, la dernière étape sera la révélation du Beau absolu (210 e).
On voit donc que mon corps, s'il est véritablement aimé, ne l'est pas en tant qu'objet physique, en tant qu'il
n'est qu'un corps, mais parce qu'il porte en lui sagesse et vertu.
A l'inverse, celui qui ne s'attache qu'à l'aspect
physique, n'aime jamais vraiment : le désir charnel, par définition quête du plaisir, ne peut que se renouveler à
l'infini, se vouant ainsi à l'insatisfaction.
Transition :
Mon corps n'est qu'un corps au sens où je ne le suis pas lié essentiellement : que ce soit
pour Descartes ou pour Platon, il n'est, par rapport à l'âme, qu'extériorité, c'est-à-dire qu'il est quelque chose se
rattachant à moi mais qui n'est pas exactement moi ;
D'où la difficulté : la thèse défendue semble faire du corps un instrument dont je me sers ;
or, suis-je vraiment, dans mon corps, « comme un pilote en son navire » ?
Exemple : Phèdre voyant Hippolyte rougit, pâlit, sent son coeur transir, brûler : le corps
agit sur l'esprit : la passion s'impose souvent contre la volonté.
Il semble que je sois uni à mon corps et en ce sens, que ce dernier n'est pas qu'un corps,
mais résolument mon corps, c'est-à-dire moi.
2-
JE SUIS MON CORPS ET NON UN CORPS.
»
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