Merleau-Ponty: Liberté et déterminisme

« Qu'est-ce donc que la liberté ? Naître, c'est à la fois naître du monde et naître au monde.

Le monde est déjà constitué, mais aussi jamais complètement constitué.

Sous le premier rapport, nous sommes sollicités, sous le second nous sommes ouverts à une infinité de possibles.

Mais cette analyse est encore abstraite, car nous existons sous les deux rapports à la fois.

Il n'y a donc jamais déterminisme et jamais choix absolu, jamais je ne suis chose et jamais conscience nue. En particulier, même nos initiatives, même les situations que nous avons choisies nous portent, une fois assumées, comme par une grâce d'état.

La généralité du « rôle » et de la situation vient au secours de la décision, et, dans cet échange entre la situation et celui qui l'assume, il est impossible de délimiter la « part de la situation » et la « part de ta liberté ».

On torture un homme pour le faire parler.

S'il refuse de donner les noms et les adresses qu'on veut lui arracher, ce n'est pas par une décision solitaire èt sans appuis ; il se sentait encore avec ses camarades, et, encore engagé dans la lutte commune, il était comme incapable de parler ; ou bien, depuis des mois ou des années, il a affronté en pensée cette épreuve et misé toute sa vie sur elle ; ou enfin, il veut prouver en la surmontant ce qu'il a toujours pensé et dit de la vérité.

Ces motifs n'annulent pas la liberté, ils font du moins qu'elle ne soit pas sans étais (1) dans l'être. m.

Merleau-Ponty. (1) Soutiens. Questions : 1° Dégagez l'idée centrale et le mouvement du texte. 2° Expliquez les expressions du texte : naître, c'est à la fois naître du monde et naître au monde ; déterminisme ; choix absolu. 3° Rédigez un essai critique et personnel sur la question suivante : L'homme peut-il être à la fois libre et déterminé ? REMARQUES PRÉLIMINAIRES Provenance du texte : Il s'agit d'un extrait de Phénoménologie de la Perception, troisième partie, troisième paragraphe (la liberté), p.

517 chez Gallimard (1).

Ce livre existe à présent dans la collection « Tel » (Gallimard). Première question : Afin de dégager l'idée centrale du texte ainsi que son mouvement, il importe de relever et sa clarté et son ambiguïté.

Nous suggérons de faire ressortir l'aspect concret de l'analyse de Merleau-Ponty.

Ce qui apparaît nettement dans ce texte, c'est le refus du « ou bien, ou bien » et l'affirmation d'une connexion profonde entre l'intérieur et l'extérieur.

L'ambiguïté d'une telle démarche est tout le contraire de l'équivocité.

C'est même le signe le plus patent de l'évidence.

Voilà ce que nous conseillons aux élèves de bien montrer.

Il faut suivre la progression des premières phrases, voir comment l'exemple illustre l'analyse et la font, dans la dernière phrase, repartir de plus belle. (1) Signalons que d'après le texte de Phénoménologie de la Perception, l'expression « à la fois » (cinquième phrase : « Mais cette analyse est encore abstraite, car nous existons sous les deux rapports à, la fois ») est soulignée.

Elle ne l'est pas ici, et c'est dommage car elle est très significative.

En revanche les expressions qui font l'objet d'une question sont ici soulignées, alors qu'elles ne le sont pas dans le texte. Deuxième question : — Dans l'explication de la phrase « naître, c'est à la fois naître du monde et naître au monde », nous suggérons de mettre d'abord l'accent sur l'expression « à la fois ».

Cela constituera un lien entre les trois questions du sujet.

Si naître c'est venir au monde, c'est aussi provenir du monde.

Il ne s'agit pas là de deux mouvements mais d'un double mouvement.

Le monde est toujours déjà là quand nous naissons mais loin de nous ôter toute liberté, c'est précisément ce fait qui nous offre la possibilité de vivre authentiquement notre liberté.

En effet si le monde est toujours déjà là, il n'est jamais donné une fois pour toutes. — L'explication du concept du déterminisme devra être aussi précise que brève.

Il faut ici analyser le déterminisme dans son opposition au « choix absolu ».

Même si l'on connaît mal le terme de déterminisme, l'emploi qu'en fait Merleau-Ponty dans ce texte doit permettre d'en cerner le sens de façon convenable.

Il est bien certain que des précisions, même succinctes, sont toujours les bienvenues.

En ce qui concerne l'expression « choix absolu », il faut distinguer ce qui est absolu, c'est-à-dire par exemple sans conditions, à ce qui est relatif.. »