Aide en Philo

Merleau-Ponty: la perception n'est pas la synthèse de qualités pures

Extrait du document

« On a coutume de dire que la perception est composée de sensations élémentaires, atomiques, primitives, qu'elle synthétise et structure dans une représentation.

Voir quelque chose, c'est recevoir des lumières et des couleurs, entendre c'est percevoir des qualités sonores distinctes les unes des autres.

Mais les couleurs ne sont pas des sensations brutes, pas plus que les notes de musique ne sont les données élémentaires de la perception musicale.

Le rouge en-soi ou le bleu en-soi n'existent pas.

Il y a ce rouge-ci ou ce bleu-là qui me sont donnés dans telle ou telle perception, et que j'identifie par rapport à elle.

Prises isolément, les notes de musique ne signifient rien non plus : chaque note est identifiée, avec ses nuances du bémol et du dièse, au coeur de la gamme et prend une coloration différente selon la mélodie où elle se trouve.

L'expérience de la perception nous donne un monde riche et obscur, dont on ne peut dire qu'il est constitué de sensations pures qui se combinent les unes aux autres.

D'emblée, la perception est un monde où chaque élément ne prend sa nuance, sa différence et son autonomie que dans le rapport qui l'unit à son contexte. La perception est une certaine configuration de l'espace où les qualités ne s'individualisent ou ne se fondent qu'en fonction de leur proximité ou de leur distance.

La sensation pure est un mythe : une couleur n'apparaît ce qu'elle est que sous une certaine lumière et en rapport avec certaines autres couleurs.

Il n'existe ni "qualités pures", ni "pur sentir" : "un pur sentir reviendrait à ne rien sentir, et donc à ne pas sentir du tout". C'est un lieu commun de dire que nous avons cinq sens et, à première vue, chacun d'eux est comme un monde sans communication avec les autres.

La lumière ou les couleurs qui agissent sur l'oeil n'agissent pas sur les oreilles ni sur le toucher.

Et cependant on sait depuis longtemps que certains aveugles arrivent à se représenter les couleurs qu'ils ne voient pas par le moyen des sons qu'ils entendent.

Par exemple un aveugle disait que le rouge devait être quelque chose comme un coup de trompette.

Mais on a longtemps pensé qu'il s'agissait là de phénomènes exceptionnels.

En réalité le phénomène est général.

Dans l'intoxication par la mescaline, les sons sont régulièrement accompagnés par des taches de couleur dont la nuance, la forme et la hauteur varient avec le timbre, l'intensité et la hauteur des sons.

Même les sujets normaux parlent de couleurs chaudes, froides, criardes ou dures, de sons clairs, aigus, éclatants, rugueux ou moelleux, de bruits mous, de parfums pénétrants.

Cézanne disait qu'on voit le velouté, la dureté, la mollesse, et même l'odeur des objets.

Ma perception n'est donc pas une somme de données visuelles, tactiles, auditives, je perçois d'une manière indivise avec mon être total, je saisis une structure unique de la chose, une unique manière d'exister qui parle à la fois à tous mes sens. 1) a) Quelle est la conception de la perception réfutée par l'auteur dans ce texte et quelle thèse soutient-il ? b) Quels sont ses arguments ? 2) Expliquez: a) "chacun d'eux est comme un monde sans communication avec les autres" b) En vous appuyant sur des exemples du texte, expliquez: "une unique manière d'exister qui parle à la fois à tous mes sens" 3) Ma perception est-elle une somme de sensations ? 1.

a) Quelle est la conception de la perception réfutée par MerleauPonty dans ce texte et quelle thèse soutient-il? La perception, selon la conception mise à distance et critiquée par Merleau-Ponty, serait essentiellement analytique et séparée.

Elle représenterait un univers mental où les sens ne connaîtraient pas une communication entre eux.

Lumière, couleurs, sons, etc., fonctionneraient de manière isolée, sans qu'il y ait entre eux une correspondance.

Par exemple, quand j'écoute de la musique, les notes pénétreraient en moi sans qu'elles émettent un univers psychique visuel.

Quand je vois un tableau, un paysage, etc., ces représentations seraient purement visuelles.

Je perçois le célèbre tableau de Klimt, Le Baiser, où un homme et une femme semblent symboliser l'Amour : une mosaïque dorée pénètre en moi, sans la moindre évocation - selon cette conception - de sonorités auditives ou musicales.

On pourrait multiplier les exemples.

Merleau-Ponty réfute cette conception analytique du phénomène perceptif, réduisant ce dernier à un simple processus séparé, sans nulle élaboration structurale. Quelle est la thèse soutenue, à l'encontre, par Merleau-Ponty? S'il réfute les préjugés analytiques de la psychologie classique, il met en avant une conception faisant de la perception une organisation de formes, découpant des structures où les différents sens s'unifient.

La perception n'est pas une addition et une somme d'éléments séparés et de fonctions sensorielles disjointes: c'est une unité, une structure globale, un mode d'organisation où le toucher, la vision, l'audition, etc., s'unifient.

Il existe une correspondance entre les divers sens.

Il ne faut pas partir de sensations élémentaires et séparées, mais considérer une opération synthétique de l'esprit, un tout organisé. 1.

b) Quels sont ses arguments? Maurice Merleau-Ponty note que le caractère structural de la perception correspond à une expérience fondamentale.

C'est aux données empiriques qu'il fait appel.

Un son, lors de troubles hallucinatoires, s'accompagne de taches de couleur.

Ceci représente une donnée quasi pathologique.

Mais l'expérience du sujet normal ou plutôt en situation normale est, elle aussi, une expérience de communication : une couleur criarde, dit-on, un bruit mou.

Donc, les données, pathologiques ou quotidiennes et normales, signalent la vérité d'une conception gestaltiste, c'est-à-dire se référant à des structures globales et non point à des éléments séparés. Merleau-Ponty s'appuie ensuite sur des données artistiques et fait référence au peintre Cézanne, auquel il a d'ailleurs consacré un article, dans Sens et non-sens (« Le doute de Cézanne »). Ayant fait référence à l'expérience, Merleau-Ponty peut alors conclure d'un point de vue plus théorique: ses arguments, d'abord empiriques, deviennent plus abstraits : il note que la perception est saisie structurale de la chose.

À vrai dire, nous ne sommes plus réellement dans la sphère de l'argumentation, mais dans celle de la conclusion. 2.

a) Expliquez: chacun (des cinq sens) est comme un monde sans communication avec les autres. Cette phrase n'exprime nullement le point de vue de Merleau-Ponty, mais bel et bien le point de vue du sens commun ou de la psychologie classique, pour lesquels chaque sens - vue, odorat, ouïe, toucher et goût - est privé de tout rapport avec les autres sens.

Qu'est-ce que communiquer? C'est être en liaison, en rapport, en échange avec.

Toute communication implique un établissement de relations et une transmission de signes ou de messages, une circulation.

Pour le sens commun, le son désigne un monde sans relation ni dialogue avec la vue; l'odeur représenterait également un univers spécifique, séparé, irréductible en quelque sorte.

Bien entendu, tout ceci est rigoureusement inexact, et Charles Baudelaire, à l'opposé du sens commun, nous le disait: les parfums, les couleurs et les sons se répondent. 2.

b) En vous appuyant sur des exemples présents dans le texte, expliquez : une unique manière d'exister qui parle à la fois a tout nos sens. Je perçois à travers un seul mode de surgissement dans le monde où toutes mes fonctions sensorielles communiquent et dialoguent: ainsi le rouge est « un coup de trompette ».

Donc un seul mode d'exister - unifié par couleur et son - se manifeste.

De même, dans l'intoxication hallucinatoire, c'est un seul mode de vie ou d'exister qui est présent, avec sons et taches de couleurs se mêlant.

Ce qui signifie que le phénomène perceptif engendre une totalité unique; une saisie existentielle unique engage la totalité de nos fonctions sensorielles: je vois l'odeur des objets.

Si un parfum délicat m'enveloppe, je le saisis comme bleu, fin et ténu.

Telle tache de couleur s'entremêle avec un son qu'elle engendre pour donner vie à un unique mode de surgissement dans le monde. Suite et fin du devoir (un second et dernier code PassUp vous est demandé.

Ce code vous coûtera 1,80 euros). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles