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Marx écrit que, dans la société communiste, le travail, de simple moyen de vivre, deviendra le premier besoin de l'existence. Comment concevez-vous une telle transformation ?

Extrait du document

« Adam est condamné au sortir du Jardin d'Eden à travailler à la sueur de son front : c'est dans la peine qu'il devra répondre à ses besoins.

De ce point de vue, le travail est originellement un moyen de subsistance.

Mais à la différence de l'homme auquel tout est donné, celui qui travaille se voit également transformé par son travail : il se perfectionne.

Dès lors, le travail n'est-il qu'un simple moyen de répondre à nos besoins ? Ne produit-il qu'un objet déterminé, ou est-il également générateur de créativité et de valeurs ? Quelles sont les conditions pour que l'homme ne soit pas aliéné par le travail mais y exerce ses qualités ? Les enjeux relatifs à de telles interrogations relèvent aussi bien de la politique que de la question du bonheur : si l'homme passe la majeure partie de son temps à travailler, ne peut-il pas y trouver une source d'épanouissement supérieure à l'idée de subvenir à ses besoins ? Quelles sont les conditions à mettre en place pour atteindre un tel objectif ? LE TRAVAIL COMME MOYEN DE (SUR)VIVRE Si le travail peut apparaître comme un simple moyen de vivre, ce n'est pas pour les mêmes raisons sous l'Antiquité que lors des Trente Glorieuses.

Ainsi H.

Arendt dans Condition de l'Homme Moderne souligne-t-elle que les travaux manuels étaient confiés aux esclaves afin de débarrasser leurs maîtres de la tâche de répondre par eux-mêmes à leurs besoins. ð Le travail est un « simple » moyen de vivre sous l'Antiquité au sens où c'est la vie contemplative qui constitue le type de vie le plus noble.

L'homme qui travaille est celui qui s'occupe des affaires extérieures, non des soins de son âme. Dans le contexte de l'industrialisation, Marx souligne dans ses Manuscrits de 1848 que l'homme qui travaille n'est plus celui qui pourvoit à ses besoins, mais se voit considéré uniquement comme force de travail.

Avec la division du travail, il se voit dépouillé de l'objet de son travail, et de lui-même, la répétition ne lui permettant pas de se perfectionner. ð Dès lors, le seul objectif de l'ouvrier est d'acquérir son salaire afin de vivre et de faire vivre sa famille : le travail réduit l'homme à sa subsistance. L'HOMME QUI TRAVAILLE SE TRANSFORME ET TRANSFORME LA NATURE Mais le travail comme moyen de vivre n'est que la première lecture que l'on peut faire du travail.

En effet, celui-ci apparaît également comme triplement productif.

Il produit des richesses, des biens et des services, que les hommes peuvent monnayer, échanger.

Ce que critique Marx, ce sont les conditions dans lesquelles se font ces tractations, au détriment de l'ouvrier.

De plus, ces échanges ne sont pas uniquement monnayables.

Il s'agit également de souligner que le travail produit des échanges verbaux.

Travailler, c'est donc communiquer, établir des liens sociétaux. Si l'on peut dire que le travail est un moyen de vivre, ne peut-on aller plus loin en affirmant que s'il répond aux besoins, il produit la vie humaine elle-même ? Travailler, c'est en effet se transformer au contact de la Nature et des techniques, transformer la Nature, et par là, l'humaniser.

Le travail n'est pas un moyen de vivre, mais un moyen d'exister.

Le travail est nécessaire au développement de l'homme. Le travail fait en effet sortir l'homme de son désir pour le médiatiser (Hegel) : le travail est ainsi médiation entre l'homme et les choses.

Dès lors, l'homme est amené à ne pas céder aux caprices de ses désirs mais à les rationaliser.

Le travail n'est pas un simple moyen de vivre, mais un moyen de s'élever à la rationalité. TRAVAILLER, C'EST REINVENTER SA VIE Le cas du travail de l'artiste ou du philosophe rend particulièrement manifeste la part de créativité et de dépassement qu'il existe dans le travail.

Socrate pratiquant la maïeutique tente de provoquer un arrachement des opinions de l'esprit de ses interlocuteurs, ainsi qu'une réflexion autonome vers la vérité d'un concept.

Or, ce travail n'est pas un moyen de vivre, ce travail est synonyme d'art de vivre, au sens de la volonté de s'orienter d'une certaine manière (ici rationnelle) dans le monde. L'artiste au travail ne travaille pas pour répondre à ses besoins vitaux, mais accomplit un acte qu'il lègue au monde.

Par là, en provoquant le regard des contemplateurs, le travail de l'artiste, s'il traite de la vie et du regard que l'on peut porter sur elle, traite de tous les autres mondes possibles qui apparaissent sous sa main ou son pinceau.

Ainsi, c'est un au-delà de la vie qui vient au monde.

Son travail nous donne accès à une sphère qui dépasse celle des besoins premiers. En conclusion, si le travail apparaît comme un simple moyen de vivre à un premier niveau de lecture, en tant qu'il permet de répondre aux besoins humains, il nous faut mettre en lumière qu'il est également créateur de l'humain et de son dépassement.

Il permet non seulement le progrès des techniques et des sociétés, mais encourage les échanges entre les hommes. Le terme même de « moyen » se trouve discuté avec ce qu'accomplit l'artiste ou le penseur, dans la mesure où ce dernier se confond avec le résultat.

Créer, c'est travailler, certes, mais non pour répondre à des besoins premiers. Ce travail-là incite à tenter de poser de nouveaux regards sur le monde, de les échanger.

Plus que vivre, le travail peut nous permettre d'exister, d'être au sens plein du terme.. »

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