Aide en Philo

Malaise dans la civilisation de Freud

Extrait du document

« Texte de Nietzsche "Mais comment nous retrouver nous-mêmes? Comment l'homme peut-il se connaître? C'est une chose obscure et voilée.

Et s'il est vrai que le lièvre a sept peaux, l'homme peut se dépouiller de septante fois sept peaux avant de pouvoir se dire : Voici vraiment ce que tu es, ce n'est plus une enveloppe.

C'est par surcroît une entreprise pénible et dangereuse que de fouiller ainsi en soi-même et de descendre de force, par le plus court chemin, jusqu'au tréfonds de son être.

Combien l'on risque de se blesser, si grièvement qu'aucun médecin ne pourra nous guérir! Et de plus, est-ce bien nécessaire alors que tout porte témoignage de ce que nous sommes, nos amitiés comme nos haines, notre regard et la pression de notre main, notre mémoire et nos oublis, nos livres et les traits que trace notre plume ? Mais voici comment il faut instaurer l'interrogatoire essentiel entre tous.

Que la jeune âme [...] se demande: "Qu'as-tu vraiment aimé jusqu'à ce jour? Vers quoi t'es-tu sentie attirée, par quoi t'es-tu sentie dominée et comblée à la fois ? " Fais repasser sous tes yeux la série entière de ces objets de vénération, et peut-être, par leur nature et leur succession, te révèleront-ils la loi fondamentale de ton vrai moi.

Compare ces objets entre eux, vois comment ils se complètent, s'élargissent, se surpassent, s'illuminent mutuellement, comment ils forment une échelle graduée qui t'a servi à t'élever jusqu'à ton moi.

Car ton être vrai n'est pas caché tout au fond de toi : il est placé infiniment au-dessus de toi, à tout le moins au-dessus de ce que tu prends communément pour ton moi." NIETZSCHE Introduction La perspective nietzschéenne consiste dans une critique des présupposés qui guident la métaphysique et la philosophie depuis P laton, et qui sont fondés sur l’existence d’un monde transcendant, nous fournissant une morale et une vérité, et sur la priorité de la substance qu’est l’âme sur le corps.

Dans c e texte, le problème p o s é e s t celui de la connaissance de soi-même.

O n peut considérer que depuis l’A ntiquité, la formule inscrite sur le fronton du temple de Delphes, « connais-toi toi-même » est fondamentale dans l’histoire de la philosophie : elle repose sur l’idée que cette connaissance est possible par introspection, c’est-à-dire par l’examen du moi ou de l’âme, et qu’elle permet à l’homme de guider sa vie.

O r, Nietzsche s’oppose ici à cette idée, en contestant à la fois la possibilité de se connaître soi-même par introspection et la légitimité d’une telle démarche.

Quels sont alors les valeurs et les présupposés d’une telle critique ? C ontre quelle conception de l’homme s’inscrit-elle ? C omment peut-on comprendre la connaissance de soi alternative proposée par Nietzsche ? Le texte commence par une critique de la connaissance du moi, par une contestation de l’accessibilité du moi à notre examen.

Il propose alors une autre manière de se connaître, en affirmant que le moi se trouve ailleurs que là où les philosophes l’ont cherché.

De cette affirmation se dégage alors la conception nietzschéenne de la nature du vrai moi. 1° Chercher son moi en soi-même : une entreprise vaine et dangereuse Le texte commence par poser la question de savoir comment nous retrouver nous-mêmes : cette formulation même semble impliquer que l’homme ne coïncide pas d’emblée avec ce qu’il est, que son moi ne lui est pas immédiatement accessible, puisqu’il s’agit de le trouver, de se retrouver.

C ette idée est présente dans de nombreuses conceptions philosophiques, comme celles de P laton ou de Descartes : il faut effectuer un travail, un examen, pour se connaître soi-même.

M ais la conception de Nietzsche se distingue de ces philosophies par l’affirmation que cette connaissance est « obscure et voilée ».

A lors que pour Descartes, l’âme est la chose la plus aisée à connaître, par le cogito qui est la première connaissance certaine, Nietzsche présente l’homme comme une série d’enveloppes : espérer trouver le moi sous ses enveloppes est vain.

On peut comprendre cette idée par le fait que Nietzsche critique la conception du moi comme une âme qui serait une substance, c’est-à-dire une réalité existant de façon stable en nous.

La critique d’un moi-substance amène donc la critique, d’une part, de l’idée que ce moi serait à découvrir à l’intérieur de nous-mêmes, et d’autre part, de l’idée qu’il existerait sous les apparences, sous la diversité des phénomènes qui nous caractérisent, désignés par la métaphore des enveloppes, une unité qui serait le vrai moi et non une apparence et une illusion. S’examiner soi-même pour découvrir une telle vérité unique en soi-même est non seulement vain, mais dangereux, dans la mesure où chercher une vérité stable qui nous définirait sous les illusions et les apparences peut amener un refus de ces illusions qui sont la seule réalité, et un refus d’affirmer ce qui constitue notre vraie réalité.

C ette démarche est alors appauvrissante et mortifère. 2° La connaissance de soi-même se trouve dans ce qui témoigne de nos valeurs Notre vrai moi ne se trouve pas dans une réalité qui serait la cause unique de tout ce que nous aimons et faisons.

Se connaître soi-même ne consiste donc pas à descendre à l’intérieur de soi pour y chercher une cause distincte de tous les phénomènes qui nous caractérisent, mais ne consiste en rien d’autre que dans la pluralité de ces phénomènes.

C es phénomènes expriment la manière dont nous nous rapportons au monde par des valeurs, dont nous cherchons à nous affirmer.

La véritable manière de se connaître soi-même se présente ainsi comme une sorte d’éclatement de la notion classique du moi comme entité localisable : la moi n’est ici rien d’autre que ce dont nous portons témoignage par la totalité de notre être, qui s’exprime dans une pluralité que l’on ne peut rapporter à une caractérisation unique, comme le montre l’énumération de phénomène divers : les amitiés, les haines, les oublis… C ette conception associe de plus à la critique du moi comme substance une critique de la conception du moi comme conscience : la pression de ma main, mes oublis sont des manifestions inconscientes qui en disent plus s u r c e que je suis que ce que le cogito cartésien, basé sur la conscience, pourrait m’apprendre.

L’idée que la nature fondamentale du vrai moi se trouve dans la « succession des objets de vénérations » suggère que ce qu’est un homme n’est pas ce qu’il est par essence, comme sujet et cause de ses pensées et de ses actions, mais ce vers quoi il se porte, qui témoigne de sa manière d’affirmer son être et ses valeurs.

Le moi est ce qui s’affirme et ce qui veut : en ce sens, c’est par ce qu’un homme souhaite et désire qu’il se découvre comme moi, c’est-à-dire par la puissance d’affirmer ses désirs dans ce vers quoi se portent ses vénérations. 3° Le vrai moi n’est pas enfoui en nous, mais au-dessus de nous C ette perspective de la connaissance de soi amène une conception de la notion de moi qui est à penser comme situé au-dessus de nous : on peut comprendre cette affirmation comme un renversement de la notion classique du moi, dans laquelle le moi est une substance première, qui préexiste à tout ce que je fais, puisqu’elle c a u s e c e s manifestations.

L’idée d’un moi placé au-dessus de nous renvoie au contraire à l’idée que le moi doit être atteint par l’affirmation et la puissance de création de mon être.

P ar cette affirmation de ses désirs et de sa volonté créatrice, l’homme qui s’affirme au lieu de chercher son moi en s’examinant lui-même est toujours au-delà de lui-même, au-dessus de ce qu’il est actuellement.

Le vrai moi qui est infiniment au-dessus de nous est ainsi celui qui se trouve dans une non-coïncidence avec soi-même, au sens où créer fait sortir de soi-même et amène une perte de soi-même comme individu, pour dépasser cet individu dans l’affirmation créatrice. Conclusion C e texte fait apparaître une conception du moi et de la connaissance de soi qui prend le contre-pied des conceptions traditionnelles d’un moi comme substance, cause de toutes ses manifestations et aisé à connaître.

Nietzsche présente cette conception comme une illusion : le vrai moi n’est pas à chercher en soi-même, mais dans tout ce qui témoigne de la manière dont un homme affirme ses désirs et ses valeurs.

Si le moi est à chercher dans ce que je vénère et au-dessus de moi, c’est au sens où il n’est pas une vérité unique qui préexiste aux choix d’un homme, mais où il est les valeurs de cet homme, révélées par ce qu’il vénère, ce qu’il est capable d’affirmer et de créer.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles