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L'outil et la machine ?

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« Forme de l'énoncé. Il s'agit là d'un énoncé comprenant deux concepts, sans aucune question explicite1 ; c'est donc un énoncé « incomplètement déterminé ».

Nous aurons alors à nous poser les questions suivantes : s'agit-il de comparer outil et machine, pour dégager de cette comparaison ressemblances et différences? S'agit-il de décrire les rapports qui existent entre un outil et une machine? Cette dernière question vient naturellement à l'esprit puisque l'usage admet depuis longtemps le nom composé de « machine-outil ».

Nous avons donc à déterminer notre énoncé. Comparaison (ou rapport ?). Les deux analyses que nous venons de conduire indépendamment l'une de l'autre ne nous permettent pas d'établir une comparaison point par point entre tel caractère de l'outil et tel caractère de la machine (comme nous pourrions en établir une aisément entre la loi physique et la loi morale, ou entre la parole et l'écriture).

Nous devons donc chercher plus profondément. 1° Nous avons un point de départ possible: nous avons été amenés à dire qu'un même objet, par exemple la fraiseuse du dentiste, peut être considérée en un sens comme une machine, en un autre comme un outil : machine en ce qu'elle comporte un mécanisme interne, des rouages, des organes de multiplication (engrenages), et des organes de transmission (courroie, flexible) et qu'elle transforme un travail (celui du pied actionnant la pédale ou l'énergie électrique qui alimente le moteur) en un autre (la rotation de la fraiseuse); outil en ce que l'on peut manier la fraiseuse en la dirigeant, en accélérant ou en ralentissant, et appuyant plus ou moins, à volonté.

Ainsi cet instrument est machine en ce qu'il permet d'obtenir une énergie finalement utilisable, outil en ce qu'il offre les moyens d'utiliser cette énergie en fonction des circonstances.

Le mécanicien ne connaît que la machine, les pièces, les organes de transmission, les bobinages du moteur, il saura construire et réparer tout cela en cas de panne; le chirurgien-dentiste n'a pas à savoir ce qui se passe dans la machine, il doit savoir s'en servir, c'est-à-dire la manier pour obtenir l'effet désiré; il ignore l'intermédiaire et ne connaît que les deux extrêmes, donc ce qui est extérieur. N'est-ce pas là la différence fondamentale entre l'outil et la machine ? 2° Nous avons, au passage, retenu une autre idée, qui va pouvoir elle aussi nous servir, c'est celle de machineoutil.

La machine-outil, c'est la machine qui tient l'outil.

Une telle machine est concevable, et réalisable, lorsque le geste à faire avec l'outil est toujours le même (par exemple placer des capsules sur des bouteilles d'eau minérale, ou tisser une pièce d'étoffe); en ce cas, il n'y a pas lieu d'apprécier une situation singulière, de juger et de décider. L'outil est devenu une pièce de la machine, et le conducteur de la machine n'a plus à manier un outil, il a à mettre en marche ou arrêter, à ralentir ou accélérer le mouvement, à surveiller et à réparer.

Nous retrouvons donc la distinction que nous venons de formuler entre outil et machine.

3° Cette interprétation de la machine-outil nous conduit à comparer le produit du travail à la machine (c'est-à-dire à la machine-outil) et celui du travail à la main (même armée de l'outil), l'un régulier, mais impersonnel, incapable de créer ou d'utiliser une circonstance particulière, l'autre irrégulier, mais exprimant, dans des nuances certes, le jugement, l'invention, la personnalité.

Sur ce point du moins on peut trouver l'occasion d'une comparaison; et c'est probablement à quoi se ramène toute la comparaison entre les deux termes proposés. En fin de compte, avons-nous fait une comparaison ou déterminé un rapport entre les deux objets ? L'un et l'autre, semble-t-il, et de façon telle qu'il est impossible de dissocier les deux éléments de notre recherche.

Outil et machine, bien qu'en un sens ils permettent de distinguer deux types de civilisation (la civilisation de l'outil et la civilisation de la machine) et deux types de travailleurs (l'artisan et l'ouvrier) sont au fond des concepts disparates, non comparables.

L'un et l'autre sont pleins d'intérêt, ils sont l'occasion d'une réflexion féconde en suggestions et en trouvailles, dignes par conséquent de retenir l'attention du philosophe.. »

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