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l'oubli est-il toujours involontaire ?

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Des souvenirs sans intérêt, indésirables, ou parasites peuvent, néanmoins, surgir à la conscience sous une forme plus ou moins obsessionnelle. C'est ainsi que le grand philosophe allemand Kant, désorienté dans sa vie de célibataire par la disparition de son fidèle domestique Lampe, écrivait dans son journal : « Il faut que je pense à oublier Lampe. » Dans un autre ordre d'idées, Henri Poincaré se plaignant d'une mémoire apparemment moins ample que tenace, disait : « J'ai plus de mal pour oublier ce que je ne veux pas retenir, que pour retenir ce que je ne veux pas oublier. » La thérapeutique de l'oubli volontaire ne paraît pas d'un emploi très aisé. Mais il est vraisemblable que la concurrence des souvenirs utiles plus récemment acquis, contribue à la disparition des souvenirs parasites obsédants. L'art de savoir oublier fait ainsi partie intégrante de l'art du savoir apprendre.

Des souvenirs sans intérêt, indésirables, ou parasites peuvent, néanmoins, surgir à la conscience sous une forme plus ou moins obsessionnelle. C'est ainsi que le grand philosophe allemand Kant, désorienté dans sa vie de célibataire par la disparition de son fidèle domestique Lampe, écrivait dans son journal : « Il faut que je pense à oublier Lampe. » Dans un autre ordre d'idées, Henri Poincaré se plaignant d'une mémoire apparemment moins ample que tenace, disait : « J'ai plus de mal pour oublier ce que je ne veux pas retenir, que pour retenir ce que je ne veux pas oublier. » La thérapeutique de l'oubli volontaire ne paraît pas d'un emploi très aisé. Mais il est vraisemblable que la concurrence des souvenirs utiles plus récemment acquis, contribue à la disparition des souvenirs parasites obsédants. L'art de savoir oublier fait ainsi partie intégrante de l'art du savoir apprendre.

« Introduction Rien de plus ordinaire que le simple oubli : oublier d'exécuter une tâche prévue, cela arrive couramment à chacun d'entre nous dans la vie quotidienne.

Le sens commun voit en l'oubli le négatif de la mémoire et le considère, fondamentalement, comme manquement involontaire. Pourtant la question ici posée nous oblige à considérer l'éventualité d'un oubli volontaire...

C ette interrogation a un intérêt capital en ce qu'elle permet de remettre en question nos conceptions les plus courantes sur le fonctionnement de notre psychisme et plus spécifiquement sur celui de notre mémoire. L'exercice de disparition, dégradation et destruction de nos traces mnésiques serait-il en notre pouvoir ? Mais cette volonté d'effacement des souvenirs est-elle l'œuvre de notre conscience ? I) Un oubli naturel et involontaire Rappelons, en premier lieu, l'étymologie du mot.

Celui-ci provient du latin oblivio : action d'oublier, oubli.

L'examen attentif de la notion dans le V ocabulaire technique et critique de la philosophie (A .

Lalande), permet de dégager deux significations distinctes de celle-ci : 1.

Il y a l'oubli « normal », celui qui me permet de me dégager des souvenirs – lointains ou récents – pour diriger mon attention sur le moment présent. C elui-ci est alors considéré comme naturel, au sens fort.

C omment pourrions-nous continuer à vivre le moment présent, et même à nous projeter dans l'avenir, si nous avions constamment présents en nous le cumul des représentations de notre vécu passé ? Il s'agit alors d'un oubli nécessaire – physiologique, biologique – à la continuité de l'attention de la conscience au temps qui passe...

Mais cet oubli est alors involontaire puisque indépendante de notre pouvoir.

Il se joue bien en deçà de la conscience humaine. 2.

Dans le cas d'un oubli « anormal », on parle de défaillance de la mémoire dans le rappel d'un souvenir.

La représentation du souvenir semble alors avoir totalement disparu de la conscience, de manière momentanée, durable ou définitive.

Le fait d'oublier d'acheter des timbres avant de rentrer chez soi est, ici, un exemple de défaillance légère (car courante et sans grandes conséquences, en théorie !) de la mémoire.

Mais celui qui se réveille sans n'avoir plus aucune trace de son passé – l' « amnésique » – est confronté à un cas beaucoup plus problématique de perte complète et manifeste du contenu mémoriel. Sur l'exposition ces deux sens nous sommes contraints d'admettre, en accord avec l'opinion commune, que l'oubli n'est pas un pouvoir que la volonté saurait utiliser, mais au contraire une défaillance qui semble incontrôlable par notre conscience.

Nous sommes bien souvent les victimes d'un oubli indésirable. Toutefois cette définition de l'oubli n'inclue pas certaines pratiques, notamment chez certains philosophes, ou encore chez les moines bouddhistes mais également chez les sportifs de haut niveau, qui s'axent sur une capacité à faire abstraction (oubli momentané volontaire) du monde environnant, des thèses sur celui-ci et de nos vécus passés (cette action que les sceptiques appelaient l' épochè : suspension de tout jugement).

Mais cela n'est pas un véritable oubli, il s'agit plutôt d'un travail d'abstraction artificiel momentané, l'individu s'y attelant ayant toujours en lui les contenus, simplement latents, de ses représentations passées. Il semble donc qu'il faille répondre, en première analyse, par la négative à la question posée.

L'oubli n'est pas l'œuvre d'un acte volontaire de la conscience, mais bien une défaillance naturelle, normale ou anormale. II) Une volonté « inconsciente » d'oublier Bien que communément adoptée, cette thèse fut pourtant critiquée par certains philosophes (Bergson, Nietzsche, Schopenhauer...) et notamment par la théorie psychanalytique héritée de Freud. Schopenhauer fut le premier, dans le cadre de sa théorie de la « Volonté » (cf.

Le Monde comme volonté et comme représentation), à émettre l'hypothèse d'une part « inconsciente » du psychisme humain.

L'oubli, dans ce cadre, fut repensé comme l'œuvre de cette « Volonté » métaphysique gouvernant le monde des vivants.

Mais si Schopenhauer reconnaît bien une volonté à l'œuvre dans l'acte de l'oubli – un « V ouloir-vivre » fondamental – celle-ci n'est certes pas celle de l'individu.

Elle est la manifestation du « moyen de toute chose particulière comme de l'ensemble ».

« C'est elle qui se manifeste dans la force naturelle aveugle ».

Le concept de volonté – considérablement élargi par l'allemand – désigne alors un désir aveugle et irrésistible, qui soumet chacun de nous à sa loi obscure.

L'oubli ainsi repensé serait alors la manifestation, certes, d'une volonté, mais d'une volonté absolue assujettissant universellement les êtres vivants. Nietzsche, quant à lui, propose une conception originale de l'oubli.

C elui-ci est « une faculté d'inhibition active, une faculté positive dans toute la force du terme » (cf.

C onsidérations inactuelles ; La Généalogie de la morale, II, § 1) .

Cette conception positive de l'oubli ne doit cependant pas être mal interprétée.

C et oubli est bien le fait de la nature, comme force naturelle, qui permet à l'homme de ne pas sombrer dans un passéisme absolu, de devenir simplement esclave du passé, mais de constamment se tenir prêt à vivre l'instant présent et à s'orienter dans l'avenir.

C'est en cela que Nietzsche qualifie cet oubli de « faculté » (naturelle) « active ».

Elle est la manifestation d'une force, dans l'individu, capable de dire « Oui au destin » (Amor fati). Mais, de manière fondamentale, c'est à Freud que l'on doit la plus remarquable critique de l'oubli comme simple disparition des traces mnésiques de la conscience (cf.

Psychopathologie de la vie quotidienne).

Sa théorie de l'inconscient va justement lui permettre de reconsidérer l'oubli dans le cadre d'un processus volontaire de « refoulement » (rejet de certaines représentations de la sphère de la conscience).

L'oubli n'est alors jamais le simple effet d'une dégradation ou d'une destruction des traces mnésiques, mais le symptôme de la manifestation du fonctionnement complexe et bipartite (conscient/inconscient) de l'appareil psychique.

Le refoulement serait alors un processus inconscient (voulu par cette sphère inconsciente) par lequel les représentations liées à une pulsion ou à un événement traumatisant seraient repoussées hors de la conscience du sujet (cf C inq leçons sur la psychanalyse).

Le refoulement s'exprimant comme une force, il agit à l'insu du sujet (de ses représentations conscientes et de sa volonté), mais permet cependant d'émettre l'hypothèse d'une volonté inconsciente, certes conflictuelle avec la conscience.

Le problème provient alors du fait que Freud ne le considère pas, à proprement parler, comme un oubli puisque le refoulé disparaît bien de la conscience mais reste intact (sous forme de charge affective) dans la sphère inconsciente.

Son rôle premier serait alors d'épargner à l'individu un malaise trop intense qui dégénérerait en conflit psychique. Conclusion En première analyse l'oubli apparaît comme l'outil naturel permettant à l'individu de ne pas rester fixé dans les méandres d'un temps révolu.

Il apparaît alors également comme un phénomène que la volonté humaine ne peut contrôler. Mais une volonté inconsciente, dans sa théorie, permet de rendre compte de certains blocages et de certaines résistances individuelles manifestes que la seule théorie d'une pleine et exclusive conscience n'explique pas.

Mais alors la volonté de ce « refoulement » sera alors celle de l'inconscient et aura pour effet de mettre de côté une conception classique de l'oubli.

Le « on » ne saurait alors oublier volontairement, cela restant à la seule initiative d'un processus qui nous assujetti par sa force appropriante et invisible.. »

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