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L'oeuvre d'art instruit-elle ?

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« Termes du sujet: Instruire: faire acquérir des connaissances, transformer.

Amener quelqu'un à se modifier en lui faisant trouver des raisons de le faire. Art: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive. Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté. La création ne doit-elle pas avoir aucune finalité pratique ? Elle doit être désintéressée, provenant d'un esprit libre (Kant, Critique de la faculté de juger).

L'art comme moyen d'instruction serait-il encore de l'art ? Et que nous apprendrait une oeuvre qui n'est que l'apparence de la réalité, son imitation (Platon, La République) ? L'art ne nous induit-il pas en erreur, par ce qu'il comprend de fiction ? L'art contemporain permet-il de rationaliser quoi que ce soit, et d'apprendre quelque chose ? Ne nous instruit-elle que sur l'histoire de l'art (les courants, les techniques) ? L'oeuvre d'art ne peut-il contenir un savoir que dans un rapport au témoignage, au documentaire ? Peut-il y avoir un savoir propre à l'oeuvre, qui ne soit pas dans sa composition, dans son inscription dans savoir-faire artistique ? L'oeuvre d'art pourrait- elle être au coeur d'un savoir par l'expérience esthétique ? Ne nous apprend-elle pas à juger (Kant), à penser l'oeuvre ? Qu'apprend-on sur soi-même dans notre rapport à l'art (par l'étonnement, l'émotion, le rejet, l'adhésion) ? L'art peut-il nous faire accéder à une vérité (Hegel, Esthétique) ? Contempler un tableaux, une sculpture, être attentif à la mélodie d'une sonate pour piano, s'intéresser et/ou être sensible à une œuvre d'art en général, ensemble organisé de signes et de matériaux, est-ce une manière de s'instruire ? Le fait d'instruire revient à mettre en possession de connaissance nouvelles.

Il faut distinguer « instruire » de sa forme pronominale « s'instruire » .

Supposer qu'une œuvre d'art nous instruise implique que celle-ci soit en mesure, qu'elle puisse (pouvoir en tant que capacité à faire quelque chose), par le seul effet qu'elle produit instruire le spectateur, relégué alors à une dimension plus passive (par opposition à la posture où ce dernier s'instruit, grâce à l'attention et l'effort qu'il fournit).

L'oeuvre d'art serait alors une espèce d'intermédiaire, de relais, d'un ensemble de connaissances dont pourrait bénéficier spontanément le spectateur.

Pour autant, on a tendance à appréhender une œuvre d'art moins du point de vue de la connaissance, démarche intellectuelle et rationnelle, que de celui de l'émotion : l'œuvre d'art semble nous toucher, nous émouvoir avant de nous transmettre une information. Il convient donc de s'interroger sur la fonction que la nature de l'œuvre d'art lui permet d'assurer : considérée en elle-même est-elle en mesure de nous instruire, de nous enseigner quelque chose? Si oui, quelle est la nature de cet enseignement, sur quoi porte-t-il? Doit-on reléguer l'œuvre d'art à un vecteur de connaissances d'ordre rationnel ou doit-on alors reconsidérer le type d'instruction qu'elle véhicule, en soulevant par ailleurs la question de la passivité du spectateur ? Immédiatement, il apparaît qu'instruction et œuvre d'art se présentent comme étrangères l'une à l'autre : l'œuvre d'art n'a pas pour fonction d'instruire le spectateur ; elle est là pour l'émouvoir, le toucher.

Cependant, si l'œuvre d'art ne saurait nous instruire au même titre qu'un ouvrage spécialisé (un livre d'histoire/ roman historique par exemple), doit-on pour autant lui renier toute possibilité de nous éclairer sur le monde, de nous en proposer une nouvelle vision ? Enfin, nous analyserons comment cette possibilité offerte par l'œuvre d'art implique de ne pas en rester à la dimension passive et extérieure du spectateur vis-à-vis de l'œuvre. I L'œuvre d'art n'instruit pas : elle ne parle pas à l'intellect mais s'adresse aux sens La réaction immédiate et spontanée d'un spectateur face à une œuvre d'art, quelque soit la forme envisagée, semble être prioritairement celle d'un jugement de goût qui apprécie, d'un point de vue purement subjectif l'œuvre envisagée : on aime ou on n'aime pas, l'œuvre nous plaît ou non, nous touche ou pas.

Cette expérience qui procure (ou non) une émotion esthétique relève essentiellement de la sensibilité : d'une part parce que ce sont nos sens (l'œil, la vue principalement mais aussi le goût si on inclut l'art culinaire) qui sont convoqués et d'autre part parce que l'œuvre va éveiller en nous un sentiment, une émotion (on dira qu'on est sensible à telle ou telle toile par exemple).

Cette position est défendue par les partisans de l'empirisme humien.

C'est au moyen de notre sensibilité que nous jugerons d'une œuvre : les impressions produites par l'œuvre vont donner lieu à des idées ; ces idées vont évoquer des sensations plus ou moins pénibles et de là naitra notre appréciation, positive ou négative, sur l'œuvre A ce premier niveau d'analyse on peut considérer que l'œuvre d'art ne véhicule aucune connaissance et par là, on se saurait admettre l'idée selon laquelle elle nous instruirait.

En effet on peut, à la suite de Kant considérer que les sens n'instruisent pas : ils ne véhiculent aucune connaissance.

Dans la Critique de la Raison pure, l'auteur stipule ainsi que la connaissance découle de l'association de la sensibilité (qui fournit la matière) et du concept (qui fournit la forme), soit de la dimension sensible de l'homme (pour ainsi dire corporelle) et de sa dimension rationnelle (ou intellectuelle).

Si on considère que l'œuvre d'art a pour effet immédiat de toucher le spectateur par le ressort de la sensibilité, alors on doit admettre qu'elle n'instruit pas le spectateur.

D'ailleurs, que pourrait signifier qu'une symphonie, de Beethoven par exemple, nous instruise ? Qu'est-ce qu'une écoute m'apporte-t-elle sinon un plaisir, une émotion ? Quand je lis un roman, je peux adopter, pour reprendre la terminologie de Nabokov, la position facile du lecteur qui s'identifie pleinement aux personnages (on considère le roman classique) et je laisse de côté les informations, les connaissances que pourraient véhiculer l'œuvre (la composition de la symphonie, des éléments. »

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