L'inutile peut-il avoir une valeur ?
Extrait du document
«
UNE ANECDOTE POUR COMMENCER (Art & Utilité):
Platon raconte que Socrate, avant son exécution jouait de la flûte.
Un disciple étonné lui demande:
"Socrate, pourquoi, joues-tu de la flûte avant de mourir ?" A cela, le condamné à mort lui répondit: "Je
joue de la flûte avant de mourir pour jouer de la flûte avant de mourir."
Problématique:
Dans ce sujet, il est question de savoir s'il est possible et légitime de réduire la valeur à l'utilité.
Nous vivons dans
une société où chacun doit collaborer avec tous les autres (c'est la division sociale du travail), ce qui suppose une
action efficace, capable de parvenir à une fin à l'aide d'un choix des moyens appropriés.
Être efficace, c'est savoir
ce qui est utile.
Pourtant, nous nous livrons à des activités qui ne visent pas nécessairement l'efficacité et qui sont,
en ce sens, plus désintéressés, n'étant à elle-même que leur propre fin.
Par exemple, l'artiste nous plonge dans un
monde où les objets de la vie quotidienne acquièrent une nouvelle valeur puisqu'elle ne sont pas envisagées comme
des outils mais comme des choses belles.
De même la morale ne doit pas se soucier de l'efficacité mais défendre un
certain nombre de valeurs, au risque d'aller à contre-courant de ce qui se fait et se pratique.
Dés lors, ce qui a de
la valeur n'est pas toujours ce qui est utile et nécessaire, sans quoi il n'y aurait plus d'art, de philosophie ou encore
d'utopie.
Ce qui prouve bien que la valeur ne dépend pas exclusivement des choses mais aussi de l'attention que
l'homme porte aux choses.
L'utile est ce qui peut satisfaire des besoins.
Mais l'existence ne se limite pas à des
satisfactions élémentaires, le désir du superflu peut aussi lui donner de la valeur.
Toutefois, le plus souvent, le désir
du superflu peut être la sanction d'une servitude sauf dans le cas de l'art, la littérature ou de la philosophie.
[ Force est de constater que les activités supérieures de
l'homme, celles qui ne se limitent pas à la simple satisfaction
des besoins, n'ont aucune utilité pratique.
L'art, la religion,
la philosophie, la jouissance ne servent à rien.]
L'inutile satisfait l'esprit
L'utilité est l'attribut — des actes ou des objets qui servent à satisfaire nos besoins et à accroître notre
confort matériel.
L'utilité est donc un critère purement matériel qui ne tient pas compte des besoins de
l'esprit.
Or, l'esprit est une fin en soi, et ce qui le satisfait n'a rien à voir avec l'utilité.
Pour lui, une oeuvre
d'art a beaucoup plus de valeur qu'une clef à molette.
L'art est inutile
• Marcel Duchamp, auteur des « Ready-Made », ou objets tout-faits, prend des objets de consommation
courante et les extrait de leur contexte habituel dans lequel ils sont utiles : un urinoir est ainsi exposé, une
roue de bicyclette fixée sur un socle - autant d'objets devenus inutilisables, pièces de musée uniquement
destinées à être exposées, comme s'il s'agissait de retenir ici une sorte de définition minimale de ce qu'est une
oeuvre d'art : ce qui ne peut servir à rien.
L'artiste Jean Tinguely, fabricant de machines inutiles, illustrerait
bien l'opposition de l'art, destiné à nous procurer à nouveau un étonnement devant l'étrangeté des choses, et
de la technique, destinée à nous approprier la nature et la rendre moins étrangère à nos fins.
• Disons que la seule fin de l'art est l'existence de l'oeuvre - une existence qui s'impose comme un monde
qu'on ne peut ignorer - et non l'adaptation de l'oeuvre à telle ou telle fin extérieure, qu'elle soit économique,
politique, religieuse.
La nécessité interne à l'oeuvre prime sur la nécessité externe.
Si le projet initial de l'art
résidait dans l'accomplissement des plus hautes fins de l'homme, dans l'accession à un idéal désintéressé-en
l'absence d'un consensus sur cet idéal -, l'art d'aujourd'hui ne se limite-t-il pas dès lors à la remise en
question de tout rapport utilitaire avec le monde?
La beauté, la pensée sont désintéressées
Pour Aristote, la pensée, la réflexion désintéressée, la contemplation du bien sont les activités les plus
élevées, celles qui sont le plus aptes à nous rendre heureux.
« Ce fut l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques.
Au début, ce furent les difficultés les plus apparentes qui les frappèrent, puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils
cherchèrent à résoudre des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et
des étoiles, enfin la genèse de l'Univers.
Apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre
ignorance (et c'est pourquoi aimer les mythes est, en quelque manière se montrer philosophe, car le mythe.
»
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