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l'individu se réalise-t-il grâce a l'Etat ou contre lui ?

Extrait du document

« 1° L'Etat comme entrave à la liberté et à la réalisation de soi (thèses anarchistes et nietzschéenne). a) L'individu contre l'État ou le problème de l'anarchisme ? S'il résulte d'un désir naturel (survivre), l'État pour Hobbes n'est donc pas une réalité naturelle mais un artefact créé par les individus dont le but premier est la sûreté de tous.

Il est, comme le dit Max Weber, le détenteur du « monopole de la violence légitime », chargé de redresser les torts et de punir les nuisances afin de maintenir la paix civile.

Toutefois ces éléments de définition maintiennent entre l'État et les individus un rapport d'extériorité : ces derniers ne se réalisent qu'indépendamment de lui tout en étant protégés par lui.

En outre, l'artificialité qui caractérise l'État le fragilise : issu de la volonté des individus cherchant à fuir la situation invivable de l'état de nature, il est une réalité seconde, non naturelle et toujours susceptible, par là même, d'être remis en cause.

Et ce d'autant plus qu'il assume l'ingrate mission qui consiste à limiter les actions individuelles, le rendant hostile au regard de ceux qui voient leurs entreprises entravées.

N'est-il pas dès lors nécessaire de concevoir l'État autrement ? Le lien qui l'unit aux individus est-il purement instrumental (puisqu'il sert à protéger les biens et les personnes) ou peutil être pensé comme un lien substantiel ? L'individu se réalisant, non pas simplement grâce à l'État (et son pouvoir protecteur), mais en lui : telle est la conception qu'élabore Hegel.

Il dit notamment : « Ce qui façonne l'homme pour en faire un être libre, ce qui réalise la liberté et assure son maintien, c'est l'État.

» L'État est alors cette réalité substantielle qui donne forme et sens à l'existence individuelle, laquelle, laissée à ellemême demeure indéterminée.

Dans un langage politique, on dirait que l'individu ne se réalise qu'en tant que citoyen ; la citoyenneté faisant pleinement de lui un membre de l'État compris comme société politique.

Alors son intérêt individuel coïncide avec l'intérêt commun et sa volonté particulière devient, pour reprendre le vocabulaire de Rousseau, « volonté générale ». L'État, dans cette conception substantielle, apparaît comme le garant de la souveraineté, laquelle n'est que « l'exercice de la volonté générale »66.

La souveraineté est la puissance la plus grande et l'individu, en elle et en tant que citoyen, se dépasse et se manifeste dans sa vérité : il est la partie d'un tout.

Chaque français, par exemple, est certes sujet de l'État en tant qu'il est assujetti aux lois de ce dernier ; mais il est citoyen en tant qu'il participe aux décisions souveraines de celui-ci par le biais de ses représentants (le parlement) ou directement (par exemple lors d'un référendum).

Mais cette conception des rapports entre l'individu et l'État ne tient que tant qu'on se représente la vérité de l'individu dans son statut de partie d'un tout.

La citoyenneté, pour le dire autrement, est-elle la vérité de l'individu ? Et si non, alors n'est-on pas conduit à penser que l'individu ne peut se réaliser qu'en résistant au pouvoirs de l'État lequel, investi de la souveraineté, risque toujours d'abuser de ces derniers ? Le modèle de la citoyenneté prôné par l'État lui-même peut avoir été forgé afin de faciliter la mainmise de l'État sur les individus (notamment dans le cadre de l'État républicain).

Or ce modèle est profondément anti-individualiste dans la mesure où il promet à tous les individus une réalisation identique et standardisée.

De la même façon, la loi par laquelle l'État agit sur les individus est la même pour tous : loin de s'adapter aux individus, compris dans la diversité de leurs spécificités, la loi nie leurs différences et contraint l'expression de celles-ci.

D'où cette déclaration anarchiste de Max Stirner : « La volonté individuelle et l'État sont des puissances ennemies.

»68 L'anarchie apparaît comme la promesse de l'émancipation des individus à l'égard des devoirs qui les enchaînent à l'État.

Elle ruine la logique du contractualisme qui identifie dans la volonté individuelle la source du pouvoir de l'État et le fondement de sa légitimité.

Cet engagement ne correspond pas à ce qu'est une volonté individuelle qui veut rester maîtresse d'elle-même. b) L'Etat, "le plus froid des monstres froids" (Nietzsche) Le fait que l'Etat veuille se présenter comme la manifestation de la souveraineté populaire n'est pas suffisant pour en assurer la légitimité : il y a toujours un écart entre le discours et les faits, entre les projets et leurs réalisations. Nietzsche se livre ici à une critique de l'Etat sous forme métaphorique en insistant sur sa monstruosité et sa froideur et, à cet égard, il pressent les dérives totalitaires que le XXème siècle à pu connaître aussi bien dans le système soviétique que dans le fascisme ou le nazisme par exemple.

Dans les deux cas, c'est au nom du peuple que l'on assiste à la corruption de la politique qui se compromet avec le mal.

"Ein Reich, ein Volk, ein Führer" disaient les Nazis : un Etat, un peuple, un chef, comme si ces trois entités étaient effectivement confondues.

Les communistes visaient à établir la "dictature du prolétariat" en U.R.S.S., et le résultat de ces deux idéologies se réclamant de la volonté populaire a donné lieu aux plus grandes tragédies de notre histoire.

L'Etat peut donc à tout moment être instrumentalisé pour être mis au service du totalitarisme, et la perversion est d'autant plus efficace qu'elle passe pour l'expression de la volonté populaire.

Il ne faut donc pas perdre de vue le fait que l'Etat n'est pas le peuple et rester vigilant face à la tentation de confondre un parti, une idéologie ou un système, avec le bien commun dont il serait comme l'expression nécessaire.

A ce titre, l'éducation des citoyens est fondamentale pour qu'ils soient capables de ne pas tomber dans les pièges du populisme ou de la démagogie.

Dans la même optique, il est capital que les institutions équilibrent les pouvoirs en les divisant (législatif, exécutif, judiciaire) et qu'il règne dans l'espace publique une vraie liberté d'expression.

Quoique Nietzsche ne soit pas un démocrate, il dénonce ici un travers inhérent à la politique et à l'Etat en particulier, travers que la démocratie doit admettre comme une menace qui n'est jamais vraiment écartée de son horizon.

Pour autant, il serait dangereux de contester systématiquement la valeur de l'Etat et faire l'apologie de l'anarchie, par exemple, parce que la société ne peut subsister sans institutions.. »

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