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L'homme peut-il vivre sans penser ?

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« PROBLEMATIQUE DE L'ELEVE: Ici on vous demande si la vie de l'homme peut se déployer sans la pensée.

Vous devez d'emblée distinguer les différents sens du mot " vie ".

Car si la vie est comprise simplement comme réalité biologique et physiologique, il est évident que les fonctions vitales peuvent être assurées au moyen du seul instinct, sans qu'il soit besoin d'avoir recours à la réflexion ou à la philosophie.

L'huître n'a pas besoin de penser pour vivre. Cela étant, même cette vie immédiate et biologique, fait intervenir un certain nombre de processus cognitifs, ceux dont certains animaux sont capables pour s'adapter à leur milieu.

Reste que l'activité abstraite qu'est la réflexion à propos d'une multiplicité de sujets est impossible.

En revanche, si on définit la vie humaine comme existence, la question devient autre.

En effet, si on ne peut pas vivre sans manger ou sans boire, parce qu'il s'agit là de besoins, peut-on dire que la pensée est également un besoin ? Pourquoi la question peut-elle se poser ? Tout simplement peut-être parce que nous ne considérons pas immédiatement que la pensée est un besoin vital.

Mieux encore, nous entendons communément dire que la pensée ne rend pas nécessairement service à l'existence.

Ainsi, on considère généralement que la pensée ne conduit pas toujours au bonheur ; tout comme on considère également que la pensée peut nuire à l'action.

Dès lors, doit-on considérer qu'il serait possible de vivre sans penser et que cela serait voire même souhaitable ? Mais alors, si la pensée est le propre de l'homme, vivre sans penser est-ce encore vivre en homme ? Vous pouvez donc saisir le problème du sujet ici : d'un point de vue biologique, la pensée ne semble pas relever d'un besoin.

Toutefois, lorsqu'on nous pose cette question on n'évoque pas uniquement la dimension biologique de la vie et on pense également à la vie humaine.

Dès lors, qu'est-ce que serait une vie humaine sans pensée ? Une fois le problème clairement posé, vous pouvez revenir, dans un premier temps, au sens premier du terme vie.

Montrez alors en quoi la pensée ne semble pas relever d'un besoin biologique.

Dès lors, vous pouvez vous demander si la notion de vie pour l'homme se réduit à sa dimension biologique.

En d'autres termes, il s'agirait de montrer que nous ne sommes pas des animaux comme les autres et que même parmi les animaux il y a des différences.

Qu'est-ce qui fait alors la spécificité de l'homme ? Ici, vous pouvez vous reporter aux analyses de Pascal lorsqu'il aborde la faiblesse de l'homme mais aussi ce qui fait sa dignité.

Pourtant, on opère également parfois une critique de la pensée à propos de la vie humaine.

Ici, vous pouvez penser à la figure de l'imbécile heureux par exemple.

Celui qui ne pense pas ou qui pense très peu serait plus heureux que celui sans cesse torturé par la réflexion.

Vivre sans penser consisterait alors à avoir une vie simple et heureuse.

Vous pouvez également montrer en quoi la pensée ne répond pas toujours aux urgences de la vie et distinguer la pensée de l'action.

Mais même si dans l'urgence il faut agir, cela exclut-il nécessairement la réflexion ? Ne pas penser est-ce encore vivre en homme ? Vous pouvez peut-être montrer en quoi la pensée est nécessaire à sa manifestation et à son accomplissement.

Par exemple, si penser, c'est rechercher la vérité alors en pensant l'homme réalise sa propre nature d'être rationnel. L'art de penser est difficile Les plus grandes aventures sont celles de l'esprit.

Il faut avoir du courage pour oser "se servir de son propre entendement" (Kant).

Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme, progressivement, s'arrache de la "minorité".

L'état de "minorité" est un état de dépendance, d'hétéronomie.

Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loi qu'il s'est lui-même prescrite mais au contraire vit sous la tutelle d'autrui.

Altérité aliénante empêchant l'individu de se servir de son propre entendement.

Autrement dit, le principe d'action subjectif de l'individu n'est plus sa propriété, son oeuvre propre mais l'oeuvre d'un autre.

Que l'on songe ici aux implications politiques d'un tel renoncement à la pensée et à l'action.

Tous les despotismes n'ont-ils pas pour soubassement l'abdication des sujets soumis? Et à Kant d'imputer la "faute" (morale) et non l'erreur (épistémologique) que constitue l'état de minorité non point aux oppresseurs (de quelque nature fussent-ils) mais à ceux qui consentent à leur autorité, à ceux qui par lâcheté, par "manque de décision et de courage" laissent leur entendement sous la direction de maîtres, de tuteurs.

Ici, Kant rejoint Rousseau et sa scandaleuse affirmation au chapitre 2 du "Contrat social": "Aristote avait raison, mais il prenait l'effet pour la cause.

Tout homme né dans l'esclavage naît pour l'esclavage, rien n'est plus certain.

Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement.

S'il y a donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves contre nature.

La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués." Mais ne nous y trompons point, il ne s'agit , ni pour Rousseau, ni pour Kant, de légitimer le fait de l' "esclavage" ou de la "minorité", mais, de réveiller les consciences de leur somnambulisme du renoncement, de leur léthargie de l'acceptation de l'inacceptable. Or, force est de constater que la plupart des hommes préfèrent de loin le paisible confort d'un conformisme qui leur épargne l'effort de penser.. »

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